L’impression 3D : le nouvel ennemi de la propriété intellectuelle

2 juillet 2021

L’impression 3D : le nouvel ennemi de la propriété intellectuelle

Après l’arrivée des appareils photos, d’internet, des smartphones, c’est l’impression 3D qui vient bousculer les principes de la propriété intellectuelle. Cette nouvelle technique de création est la fabrication additive. Elle consiste à créer un objet par l’ajout de matières déposées par couches successives. Ainsi, chacun peut imprimer n’importe quel objet à partir d’un fichier 3D. Celui-ci peut donc porter atteinte à chaque branche du droit de la propriété intellectuelle s’il copie un objet protégé par ce droit.

La propriété intellectuelle doit s’adapter avec l’avancée des nouvelles technologies pour offrir aux créateurs et auteurs une protection toujours plus sûre. Cependant, la législation n’accélère pas au même rythme que les découvertes du à certaines problématiques qui restent en suspend.

Nous allons donc essayer de voir comment l’impression 3D est venue effrayer les juristes au plan de la propriété intellectuelle et pourquoi le législateur doit prendre cette question en main.

I. Comment l’impression 3D peut-elle porter atteinte aux différents droits composants la propriété intellectuelle ?

La plupart des personnes savent qu’on ne peut pas photocopier un livre entier pour le revendre par la suite. Le droit d’auteur est ancré dans notre société même si des dérives subsistent encore. Avec l’arrivée de l’impression 3D, ce principe a été bousculé car les professionnels ont pu imprimer des objets avec pour base un ficher 3D trouvé sur internet. Cela était révolutionnaire à son apparition car elle permettait de créer des objets plus vite et à faible coût. L’impression 3D s’est donc vite étendue aux particuliers et c’est à ce moment que la propriété intellectuelle a tremblé…

Toute personne peut avoir à portée de main une machine qui permet de créer n’importe quel objet allant d’une sculpture à une figurine en passant par un instrument de musique par exemple. Tout le monde peut donc s’inspirer d’un objet et le reproduire sans accord préalable. De plus, la qualité de ces impressions s’est précisée très vite, créant des objets identiques au modèle de base.

Nous pouvons ainsi observer une nouvelle façon de générer des contrefaçons. Chaque domaine protégé par le droit de la propriété intellectuelle peut donc être touché avec cette nouvelle technologie. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’arrivée de l’impression 3D va occasionner une perte de 100 milliards de dollars par an pour les titulaires de droits de propriété industrielle.

Cependant, le législateur a mis en place un principe qui s’applique également dans ce domaine, c’est la copie privée. En effet, si un particulier imprime une figure de TinTin par exemple, qui est une œuvre protégée, mais ne la commercialise et ne la diffuse pas, il ne pourra être poursuivi pour contrefaçon. La loi du 20 décembre 2011 considère donc que l’on peut copier certaines choses tant que cela reste privé mais cette exception ne vaut que si la source est licite. Si la source est illicite, la contrefaçon sera toujours opposable. Depuis 1985 une redevance appelée rémunération pour copie privée, permet de rémunérer les artistes, les producteurs ou encore les créateurs en taxant tout matériel (CD vierges, clefs usb, disques durs externes…) permettant des copies de musiques, vidéos ou d’images. L’impression 3D a quant a elle fait l’objet d’un projet redevance proposé en avril 2015 pour être finalement rejeté. Malgré tout, cette exception de copie privée reste très peu surveillée car il  existe une impossibilité physique et morale de surveiller chaque acquéreur d’une imprimante 3D.

→ Comme le souligne Caroline Le Goffice, « L’impression 3D est l’une des rares technologies à offrir la possibilité de contrefaire simultanément tous les droits de la propriété intellectuelle ». Ainsi on peut donc retenir que l’impression 3D reste une usine à contrefaçon qui est encore peu encadrée par le législateur.

II. Un vide juridique à combler au plus vite

Le droit de la propriété intellectuelle est en constante évolution car il doit s’ajuster aux nouvelles technologies toujours plus performantes. Concernant l’impression 3D, le législateur n’a pas encore tranché totalement la question. En effet, dès qu’une nouvelle technologie apparaît il est difficile de la classer dans une branche du droit de la propriété intellectuelle sans jurisprudence. Cela a été le cas notamment pour les logiciels informatiques qui ont d’abord été protégés par le droit des brevets puis ont été encadrés par un droit spécial. L’impression 3D reste un phénomène un peu spécial car il touche tous les domaines du droit de la propriété intellectuelle en encourageant la production locale et en accentuant la commercialisation mondiale de conceptions créatives en soulevant de nombreuses inquiétudes concernant le respect du droit de la propriété intellectuelle et de la responsabilité civile.

De plus, selon un rapport de la Commission européenne, le marché de l’impression 3D devrait atteindre les 9,64 milliards d’ici 2021 et selon une étude, d’ici 2025, 5 à 10 % des produits seraient directement impactées par l’impression 3D ce qui montre l’accroissement rapide de cette technologie.

Le 26 octobre 2016, la députée Claudine Schmid a déposé une proposition de loi qui vise à concilier « l’impression 3D et l’ordre public ». Elle met ainsi en avant les dangers qui existent en matière de contrefaçon comme on l’a vu précédemment mais également en matière de sécurité quant aux innovations toujours plus conséquentes en la matière. En effet, tout acquéreur d’imprimante 3D peut dorénavant imprimer une arme à feu qui tire des balles réelles. De plus, cela va encore plus loin avec l’arrivée de la « bio-impression 3D ». Des chercheurs de l’Université de Wake Forest en Caroline du Nord ont conçu une technologie d’impression 3D de tissus biologiques qui a permis de construire des cartilages d’oreille, des muscles, des fragments de mandibules et des os crâniens humains à partir de cellules souches et autres « matériaux » biologiques. Toujours dans le domaine médical, des chercheurs de l’Université nationale de Singapour ont trouvé une solution pour imprimer des comprimés personnalisables réunissant plusieurs médicaments en une seule pastille, ce qui permet d’adapter parfaitement les doses de médicaments aux besoins de chaque patient.

Cela souligne bien qu’il ne s’agit plus d’un simple besoin de réglementer une nouvelle technologie mais bien l’urgence d’encadrer un nouveau moyen de bousculer tous les domaines du droit.

Enfin, on peut également se poser la question de la sécurité des pièces imprimées. En effet, chaque objet sur le marché respecte des normes nationales et européennes mais l’objet imprimé ne pourra être réglementé. Ainsi, si un individu qui possède une imprimante 3D souhaite revendre des pièces détachées comme des pièces de voiture à faible coût par exemple, aucun contrôle ne pèsera sur lui.

Il serait peut être envisageable par exemple que les entreprises qui détiennent des brevets pour certains objets puissent de créer des fichiers 3D pour les vendre aux particuliers. Ainsi, les fichiers 3D seraient contrôlés et protégés par les entreprises. Cependant, certains utilisent des fichiers numériques contrefaisants trouvés sur internet qui sont de plus en plus nombreux. Cela accentue la crainte des industriels quant à la prolifération de ces fichiers. Cela s’est produit avec la multiplication des fichiers musicaux MP3 et leur impact sur l’industrie musicale. Ainsi le législateur doit intervenir pour essayer de diminuer ce phénomène qui influence l’avenir des entreprises et la sécurité des consommateurs. Il doit donc trouver un équilibre entre la préservation des droits défendus par la propriété intellectuelle sans immobiliser les avancées qui pourraient être découvertes grâce à cette nouvelle méthode de fabrication.

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