Les prix affichés pendant les soldes : des bonnes affaires, mais à quels prix ?
Les prix affichés pendant les soldes : des bonnes affaires, mais à quels prix ?

Si les soldes se sont développés depuis le 19ème siècle, jusqu’à devenir le rendez-vous de l’année pour certains, de solides croyances relatives au prix affiché persistent. Le consommateur peut-il se prévaloir d’un prix rédhibitoire issu d’une erreur d’affichage ? Le commerçant peut-il induire en erreur ses clients quant au prix affiché ? Il est temps de remettre les choses au clair concernant les règles d’affichage du prix.

Le prix affiché vaut-il prix de vente ?

En 2020, un supermarché affichait une promotion de 30,99 euros sur un écran plat vendu initialement à 439,99 euros. Ainsi, la croyance selon laquelle le prix affiché en magasin vaut systématiquement vente permettrait au consommateur de s’emparer de celui-ci pour ce prix dérisoire. Or, si cette croyance est effectivement un principe, elle n’en reste pas moins soumise à des exceptions.

Selon le principe, le prix affiché en magasin par le commerçant est celui devant être payé par le consommateur. Ainsi, le commerçant est tenu à une obligation d’information sur les prix en vertu de l’article L.112-1 du Code de la consommation.

Cela implique pour ce dernier des obligations en matière d’affichage du prix. Autrement dit, lors des soldes, définies à l’article L.310-3 du Code de commerce, le commerçant devra afficher le prix de référence ainsi que le prix soldé. À défaut de ce double marquage, il peut également indiquer le pourcentage de réduction calculé à partir du prix de référence.

Cependant, il arrive parfois que le commerçant commette une erreur d’affichage, cas dans lequel le consommateur cherchera à tirer profit du prix affiché, pourtant disproportionné. Si en principe le prix affiché vaut vente, la jurisprudence refuse toutefois d’en faire un principe absolu. En effet, lorsque le prix affiché est manifestement disproportionné, voire dérisoire, le consommateur ne peut s’en prévaloir. ‘L’erreur manifeste d’étiquetage n’engage pas le commerçant. C’est pour cette raison que le consommateur doit faire preuve de bonne foi. De fait, il ne pouvait ignorer que le prix de 30,99 euros pour un écran plat était manifestement disproportionné. Auquel cas, le professionnel peut refuser de vendre le bien.

En conséquence, le professionnel peut refuser la vente d’un bien pour motif légitime, tel est le cas lors d’une erreur manifeste d’étiquetage. Les tribunaux reconnaissent effectivement la nullité de la vente pour prix dérisoire. Cependant, si le refus de la vente n’est pas justifié, il peut être sanctionné en vertu de l’article L.121-11 du Code de la consommation. S’il s’avère que le commerçant puisse commettre des erreurs dans l’affichage du prix, parfois, une réalité toute autre trahit sa mauvaise foi.

Le prix barré est-il librement choisi par le commerçant ?

Qu’est ce que le prix barré ? Il s’agit du prix de référence utilisé par le commerçant pour calculer la réduction. Autrement dit, le prix barré constitue le prix du produit avant qu’il soit soldé.

En principe, le commerçant est libre de déterminer le prix de référence. Cependant, il ne peut étiqueter de faux rabais. Ainsi, le prix d’un produit ne peut être augmenté avant les soldes dans le but de duper le consommateur en lui faisant croire que l’offre promotionnelle est plus importante qu’elle ne l’est en réalité. En effet, il doit pouvoir justifier le prix de référence pratiqué. L’article 4 de l’arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur dispose que « L’annonceur doit pouvoir justifier de la réalité du prix de référence à partir duquel la réduction de prix est annoncée. ». En illustration, le commerçant ne saurait justifier le prix de référence gonflé à 800€ d’un ordinateur, pourtant affiché à 700€ avant le début des soldes.

De plus, le commerçant doit justifier de la loyauté des prix de référence des produits soldés. En vertu de l’article L.121-1 du Code de la consommation « Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. ». Dès lors, le commerçant peut se voir accusé de pratiques commerciales déloyales lorsqu’il trompe l’acheteur. Ainsi, le consommateur qui souhaite acheter l’ordinateur soldé à 600€ dont le prix de référence est affiché à 800€, n’aurait sûrement pas acheté le produit s’il avait eu connaissance du réel prix de vente avant les soldes. En conséquence, le commerçant ayant trompé le consommateur, en affichant un prix de référence erroné, commet une pratique commerciale déloyale.

Quelles sont les voies de recours du consommateur ?

Le consommateur victime de pratique commerciale trompeuse peut invoquer la nullité du contrat ou réclamer une indemnisation. Pour ce faire, le consommateur doit faire une lettre recommandée avec accusé de réception. Le consommateur peut aussi demander de l’aide auprès d’une association de consommateur agréée.

En premier lieu, pour les litiges inférieurs à 1500€, l’acheteur devra impérativement procéder à un règlement amiable du litige par la conciliation ou la médiation.

En second lieu, si la résolution amiable du litige n’aboutit pas à un accord, le consommateur peut avertir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou la Direction départementale de la protection des populations (DDPP).

En dernier lieu, l’acheteur peut effectuer un dépôt de plainte auprès du commissariat ou saisir le procureur de la République auprès du tribunal judiciaire compétent.

En partenariat avec la Clinique Juridique LILLE

Avec Emma Cocheteux

Etudiante en L3 Droit à Lille, je suis clinicienne à la clinique juridique de Lille dans le pôle “contrats et consommation” et en formation de DU en pratique contractuelle.

Et Mathilde Chatelain

Etudiante de 22ans en L3 Droit au sein de la faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Lille.

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