Les modes de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en cas de harcèlement moral

6 mai 2021

Les modes de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en cas de harcèlement moral

En 2020, selon une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined), 20.1% des femmes et 15.5 % des hommes, ont subi une situation de harcèlement au travail. Ce phénomène en entreprise, dépeint une réalité bien plus présente qu’on ne pourrait le penser, et ternit la vision que l’on pourrait se faire de la relation travail. Ainsi, il a été du rôle des pouvoirs publics et notamment du législateur de répondre concrètement à cette réalité par l’instauration d’un cadre juridique adapté.

I. Le cadre juridique du harcèlement moral

Le harcèlement moral, reste à ce jour indéfini par le législateur mais l’article 222-33-2 du code pénal dispose que « Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. »

Ainsi, le code du travail rappelle dans son article L1152-1 qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Dans ce contexte juridique, il est envisageable pour un salarié victime de harcèlement d’obtenir la rupture de son contrat de travail. Au regard de sa situation, ce dernier aura le choix entre les quatre modes de rupture du contrat de travail, à savoir : la démission, la résiliation judiciaire, la rupture conventionnelle ou la prise d’acte.

1. La démission

Défini comme étant : « un acte juridique unilatérale émanant du salarié, supposant ‘’une volonté claire et non-équivoque’’ de la part de son auteur de mettre fin au contrat de travail », la démission se caractérise par la volonté manifeste du salarié de mettre fin au contrat de travail.

Ainsi, elle demeure pour ce dernier le moyen de rupture du contrat de travail le plus aisé, il suffira simplement d’informer son employeur par oral ou par écrit de sa volonté de rompre le contrat de travail.

Démissionnaire, le salarié n’aura le droit à aucune indemnité à l’exception de l’indemnité compensatrice de congés payés. Cependant, il pourra percevoir les allocations chômage en cas de démission légitime.

2. La résiliation judiciaire

Le Droit prétorien a créé la résiliation judiciaire du contrat de travail sur la base de l’article 1184 du code civil qui disposait que : « La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».

Ainsi, le salarié a la possibilité de saisir le Conseil de Prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur. Il devra établir un manquement de son employeur d’une gravité suffisante, faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, pour justifier la résiliation du contrat.

En principe, si les griefs reprochés à l’employeur sont jugés suffisamment graves, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou par exception, les effets d’un licenciement nul suite à une situation de harcèlement moral.

A l’inverse, si les griefs ne sont pas fondés, la demande sera rejetée et le contrat de travail sera maintenu.

Néanmoins, en matière de harcèlement moral, il est peu approprié d’user de la résiliation judiciaire car la prise d’effet de la résiliation est fixée à la date de la décision de justice.

Cela implique pour le salarié de rester en poste durant plusieurs semaines voire plusieurs mois en attendant la décision.

Il continuera alors à potentiellement subir les faits de harcèlement, ce qui est moralement lourd sans compter qu’à l’issu de la procédure, le contrat pourrait ne pas être rompu et ce, en fonction de l’appréciation souveraine des juges du fond.

II. Les deux derniers modes de ruptures du contrat de travail

1. La rupture conventionnelle

Tout salarié a la possibilité de proposer à son employeur de mettre un terme à son contrat de travail de manière amiable et négociée en signant une rupture conventionnelle.

En effet, au regard du Droit Français, il est autorisé de signer une rupture conventionnelle alors même qu’il existe une situation conflictuelle entre l’employeur et le salarié.

Ce mode de rupture a l’avantage d’être une solution rapide pour quitter l’entreprise en étant assuré de bénéficier des indemnités chômage, notamment dans le cadre d’une situation urgente comme le harcèlement en l’espèce

Ainsi, le salarié victime aura droit à une indemnité de rupture conventionnelle en application de l’article L.1237-13 du Code du Travail dont le montant ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement prévu par le barème Macron, mais également au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement prévu par la convention collective applicable.

Toutefois, la rupture conventionnelle est conditionnée par la liberté de consentement. En ce sens, il n’est pas certain que l’employeur accepte la rupture conventionnelle car celle-ci encourt la nullité si le salarié se rétracte et parvient à démontrer qu’il était victime d’un harcèlement lors de sa conclusion.

Ainsi, il serait illogique pour l’employeur d’accepter de conclure une rupture conventionnelle dans un contexte de harcèlement.

Si l’employeur refuse de rompre le contrat à l’amiable, le salarié peut toujours prendre acte de la rupture de son contrat.

2. La prise d’acte

La prise d’acte est un des modes de rupture du contrat de travail initié par le salarié quand celui-ci estime que son employeur a manqué gravement à l’une de ses obligations légales ou contractuelles.

En ce sens, l’article L.1451-1 du Code du Travail dispose que : « Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

Il faut noter que les conséquences de la prise d’acte sont doubles :

  • Soit les manquements invoqués par le salarié à l’appui de la prise d’acte justifiaient de rompre le contrat de travail, dans ce cas la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
  • Soit, les manquements ne justifient pas la rupture. Dans ce dernier cas, la prise d’acte produit les effets d’une démission.

Ainsi, les effets produits par la prise d’acte dépendent de l’analyse par le juge des manquements que le salarié a invoqué, dont il a, par ailleurs, la charge de la preuve.

Il s’agira alors d’une approche casuistique qui dépendra de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Néanmoins, les juges prennent en compte plusieurs facteurs qui influent sur leurs décisions tels que le facteur temporel (ancienneté ou non du / des manquement(s) ) ou encore, la régularisation de la situation de harcèlement par l’employeur.

La prise d’acte a l’avantage pour le salarié harcelé de rompre immédiatement le contrat de travail, ce qui permet au salarié de sortir immédiatement de l’entreprise sans avoir à effectuer un quelconque préavis et de mettre fin sans attendre à sa situation de harcèlement.

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