On dit souvent que « l’habit ne fait pas le moine ». Cela ferait pourtant les affaires de bien des multinationales… dont Chevron, pour n’en citer qu’une !
Axant sa communication sur ses engagements pour l’environnement, la compagnie pétrolière est accusée de ne pas avoir la main aussi verte qu’elle le prétend…
L’autorité de la concurrence américaine découvrira-t-elle le pot aux roses ?
Sa décision mûrie, le verdict fleurira.
D’ici là, retour sur le sol français, où le législateur peine à semer les graines d’un encadrement de ce « verdissage ». Combattre le Greenwashing : mode d’emploi !
I – Identifier les mauvaises pousses : définition et illustrations du « Greenwashing »
Une odeur florale et naturelle sur vos produits d’entretien, la couleur verte omniprésente dans une publicité industrielle ou encore la mise en avant du seul échantillon naturel d’une gamme de cosmétiques… le Greenwashing est un mal qui prend racine dans notre quotidien, à notre insu mais pourtant sous nos yeux.
Aussi appelée écoblanchiment, cette pratique consiste en l’emploi malintentionné de l’argument écologique à des fins promotionnelles. En d’autres termes, le Greenwashing est utilisé par les entreprises comme une technique de marketing pour faire croire au consommateur à une démarche éco-responsable.
Mais l’arroser d’arguments trompeurs en n’associant pas l’acte à la parole, c’est cultiver la désinformation et se rendre coupable d’une mascarade écologique !
Un peu d’actualité :
Vous avez sûrement déjà entendu parler de la fast fashion, cette manie de renouveler constamment sa collection (et donc de jeter les anciennes) pour maintenir la clientèle en alerte, à laquelle s’adonnent nombre d’enseignes de textile ? Curieusement, H&M, qui en est l’un des principaux acteurs, commercialise depuis peu une ligne de vêtements éco-responsables…sans toutefois arrêter les autres.
De même, il est certain que le récent scandale des « voitures zéro-émissions » est parvenu à vos oreilles : présentées par l’industrie automobile comme des véhicules « propres », ces machines émettent pourtant polluants et gaz à effet de serre à foison, et ce de leur fabrication à leur destruction.
Le point commun entre ces deux récits ?
Prenez une plante en déperdition, étoffez-la d’un feuillage artificiel verdoyant, abreuvez-la d’un doux nectar de bienséance feinte et elle aura l’air plus saine et épanouie que jamais…
Simple apparence, toutefois : ce tour de passe-passe ne trompera pas les autorités compétentes.
II – Tenter de les soigner : palliatifs et correctifs à destination des entreprises
Un peu d’eau et beaucoup de lumière ne suffisent pas à redresser une tige qui pousse de travers : il faut agir vite et rectifier sa trajectoire tant qu’il en est encore temps.
Pour les entreprises déviantes, la donne est similaire. Mais comment, au sein de celle-ci, épandre le terreau d’une communication saine et respectueuse des normes en vigueur ?
Enfilez vos gants, sortez vos outils et n’ayez pas peur de vous salir les mains : il va falloir couper toutes les branches mortes qui nuisent à votre communication.
Exit, donc, les images suggestives, slogans trompeurs et propos abusifs, partenariats imaginaires et autres labels pseudo-écolos qui empoisonnent votre com’.
Place, plutôt, à de nouveaux germes sains et à une communication positive : suivez les recommandations des botanistes du droit, inversez votre stratégie marketing et imposez-vous comme les leaders écologiques de demain !
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou encore les Ministère de l’environnement et associations sont autant de spécialistes qui, par leur documentation et leurs recommandations, sauront vous guider dans votre mise au vert.
Ne vous arrêtez pas en si bon chemin !
Vous souhaitez voir vos engagements en faveur de l’environnement officiellement reconnus ? Diverses certifications, telles que les normes ISO (la norme ISO), peuvent y contribuer.
Vous avez besoin d’une motivation supplémentaire ? Communiquez sur vos progrès grâce au programme « Global Compact » mis en place par l’ONU et gagnez votre réputation d’entreprise responsable.
Les perspectives d’assainissement de votre activité et de votre communication ne manquent pas. Investir pour notre environnement, c’est miser sur votre avenir : épurez votre marketing et vous sublimerez votre image ; sublimez votre image et c’est tout l’écosystème consumériste qui vous le rendra…Après tout, on récolte ce que l’on sème !
Mais qu’en dit le législateur lui-même ?
III – En ultime recours, les arracher : répression et sanctions par le législateur
Pour déraciner le Greenwashing, il faut prendre le mal à sa source : la communication.
Le législateur l’a bien compris et tente, depuis plusieurs années, de combattre en amont ces pratiques, notamment :
- Par l’interdiction de faire figurer telle ou telle mention hypocrite (ex : la mention « biodégradable » sur les emballages)
- Par l’obligation de « prouver » au consommateur les vertus prétendument écologiques d’un produit (au travers d’une étiquette reprenant différents critères).
Si, toutefois, l’entreprise malhonnête persiste et signe dans sa démarche illusoire, il sera nécessaire d’agir en aval en la sanctionnant.
Seule difficulté : le Greenwashing est une notion récente, pas encore véritablement réprimée en tant que telle.
Tentant de suppléer le législateur, le juge et l’Autorité de la concurrence s’improvisent donc apothicaires, ratissant le terrain des infractions déjà existantes pour trouver le remède miracle à ce marketing malade. Ceux-ci s’appuient pour ce faire, en pratique, sur le droit de la consommation et le droit de la concurrence, et notamment sur les infractions de publicité trompeuse, illicitement comparative ou anticoncurrentielle, enracinant ainsi solidement leurs décisions dans les ramifications du droit en vigueur.
La loi « Climat et résilience », en débat au Parlement, pourrait cependant bientôt changer la donne : ambitionnant de fertiliser le régime du Greenwashing, elle opterait davantage pour la qualification plus sévère de « pratique commerciale trompeuse » … une mesure suffisante pour dissuader les plus obstinés ?
Le temps que sa feuille soit portée par le vent des réformes, le législateur ne pourra cueillir les fruits de sa semence que d’ici quelques années, quand bien même les chiffres actuels démontrent l’urgence de combattre le Greenwashing.
En témoigne le Jury de déontologie publicitaire, nouvelle figure du paysage du Greenwashing éclose à l’occasion du Grenelle de l’environnement. Le bilan de ce dernier, qui s’est fixé pour mission de couper l’herbe sous le pied aux campagnes publicitaires hasardeuses en se prononçant publiquement à leur encontre, est particulièrement éloquent : sur la quarantaine de campagnes examinées en séance plénière depuis 2008, les deux-tiers étaient effectivement… dans les choux.
De quoi donner l’envie de remuer ciel et terre pour dépolluer le monde de la communication d’entreprise !
Conclusion : pire qu’une mauvaise herbe, le Greenwashing se répand à une vitesse insoupçonnée. Mais sus aux imposteurs : le recyclage d’arguments déchets n’a pas lieu d’être devant un public de consommateurs ; il ne trouve sa place…qu’au fond d’une fosse à compost !