L’exclusion d’un associé en raison d’absences répétées : Cass. com., 14 octobre 2020, nº18-19.181

15 mars 2021

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Traditionnellement, la vie d’une société est imaginée avec des associés travaillant main dans la main et prenant des décisions collectivement lors de grandes réunions. Cependant, la réalité peut parfois être différente. Associés déloyaux, absences répétées, redressement judiciaire, est-ce si simple d’exclure un associé de sa société ? Récemment une décision de la Cour de cassation du 14 octobre 2020 est venue préciser cette question.

COMMENÇONS PAR L’ARRÊT

Le 26 novembre 2014, l’associé majoritaire de la société Austrasie notifie à l’associé minoritaire un projet de cession de ses actions. L’associé minoritaire déclare alors le 2 février 2015 ne pas se porter acquéreur en lieu et place de l’associé majoritaire. Il n’exerce alors pas son droit de préemption. Le 11 mars 2015, lors d’une assemblée générale de la société, l’exclusion de l’associé minoritaire est décidée. 

Après une mise sous sauvegarde (lien vers article sauvegarde) de la société Austrasie par un jugement du 19 mars 2015, l’associé minoritaire assigne l’associé majoritaire en annulation des délibérations de l’assemblée ayant prononcée son exclusion. 

Les juges de fond ont débouté l’associé minoritaire de ses demandes se fondant sur l’article 15 des statuts de la SAS Austrasie. Cet article stipule qu’en cas de désintérêt d’un associé, se manifestant par son absence répétée aux assemblées générales, son exclusion peut être prononcé. 

Les juges relèvent que l’associé n’a pas assisté aux assemblées générales ordinaires sans prendre en considération l’existence d’un litige devant un organisme de médiation et l’éloignement du lieu de tenue des assemblées. L’exclusion de l’associé minoritaire a donc pour seul motif le désintérêt de l’associé se manifestant par son absence répétée aux assemblées générales.

L’ÉTAT DES LIEUX AVANT L’ARRÊT

L’associé d’une entreprise dispose de certains droits mais est également tenu à certaines obligations. Le législateur permet l’exclusion d’un associé dans certains cas notamment dans le cas où l’actionnaire le libère par la totalité des actions souscrites.

Dans le silence de la loi, la jurisprudence a admis la validité des clauses statuaires d’exclusion (en ce sens un arrêt du 13 décembre 1994 de la chambre sociale de la Cour de cassation). En effet, les juges ont considéré que la liberté contractuelle autorise en principe la stipulation d’une clause d’exclusion à condition que les causes de celle-ci et les modalités de la décision soient précisées dans ladite clause.

Bien évidemment, la clause d’exclusion et les motivations de sa mise en oeuvre doivent être conformes à l’intérêt social et à l’ordre public. Par ailleurs, dans certaines formes sociales, la possibilité de stipuler une telle clause est expressément prévue par le Code de commerce, notamment en matière de SAS (Article L227-16 du Code de commerce).

Ainsi, le juge peut-il décider seul de l’exclusion d’un associé ?

Nous pouvons constater que les juges sont majoritairement contre l’exclusion d’un associé lorsque cette mesure n’est pas prévue par la loi ou par les statuts de la société.

Toutefois, quelques juridictions de fond ont accordé l’exclusion d’un associé en dehors de toutes dispositions légales ou statutaires prévoyant cette mesure. Les juges du fond ont pris en considération l’intérêt social et ont admis que « les associés n’ont pas un droit intangible à faire partie de la société » (Arrêt CA Reims 24 avril 1989).

La Cour de cassation a retenu la possibilité d’exclure un associé « indépendamment même de la clause des statuts prévoyant cette sanction ».

Par ailleurs, l’associé sous le coup d’une exclusion dispose également de certaines garanties. Ainsi, les motifs justifiant cette décision doivent avoir été prévus dans les statuts. L’associé doit également pouvoir présenter ses moyens de défense et ses arguments contre son exclusion  notamment. 

Si les motifs de la décision ne sont pas réguliers, l’exclusion de  l’associé n’est cependant pas annulée.

Par ailleurs, l’associé a la possibilité de participer aux votes relatifs à son exclusion au nom de son droit de participer aux décisions collectives. La décision d’exclure un associé devra être décidée à l’unanimité, moins les voix de l’associé mis en cause, selon un arrêt de la Cour de cassation en date du 24 octobre 2018. 

QUEL APPORT POUR CET ARRÊT ?

L’arrêt retient donc un nouveau motif d’exclusion d’un associé : le désintérêt se manifestant par des absences répétées. Les juges ont basé leur décision sur les absences en elles-mêmes, et non les motifs de celles-ci.

Cette décision est peu satisfaisante puisqu’au final, le désintérêt de l’associé est-il réel ? Ou  s’agit-il pas simplement d’une mauvaise organisation, d’un empêchement ou alors d’une très mauvaise entente avec l’associé majoritaire ?

Il est légitime de se demander si l’associé majoritaire n’aurait pas décidé de l’exclusion de l’associé minoritaire afin d’asseoir davantage sa position et son poids lors des votes en assemblée ?

Selon l’associé minoritaire, son exclusion est motivée pour l’empêcher d’exercer son droit de préemption, et non pour ses absences aux assemblées générales. L’associé majoritaire se rendant ainsi coupable d’abus de majorité. Cependant, les juges n’ont pas considérés cette option, puisque le motif d’exclusion était prévu dans les statuts. 

Le juge a été saisi pour vérifier la régularité d’une résolution prononçant l’exclusion d’un associé. Pourtant, les juges ne vérifient ni les motifs, ni la procédure de mise en oeuvre de la clause. Aucune interprétation stricte n’a été faite. Le motif de cette exclusion était prévu par les statuts à des conditions de fonds et de formes précises, qui, en l’espèce, étaient réunies.

Cet arrêt est contestable puisqu’en effet, l’exclusion a été prononcée alors même que les absences répétées de l’associé minoritaire ne représentaient pas une perturbation pour la vie de la société. 

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