Les dirigeants sociaux assurent la gestion quotidienne de la société et sa représentation à l’égard des tiers. En principe, sur le plan interne, les dirigeants ont tout pouvoir pour diriger la société. Toutefois ce pouvoir ne pourra s’exercer que dans la limite du respect de l’intérêt social, de l’objet social, des pouvoirs expressément attribués par la loi ou les autres organes, et des dispositions légales et statutaires qui restreignent leur pouvoir.
I- Que se passe-t-il lorsque le dirigeant social dépasse ses pouvoirs ?
Le premier risque est celui d’être révoqué, mais au delà, les dirigeants peuvent également voir leur responsabilité civile engagée, aussi bien à l’égard de la société et des associés que des tiers.
En la matière, il n’y a pas de distinction légale entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle : on a une responsabilité professionnelle du dirigeant de nature indéterminée. Toutefois, on peut souligner que la responsabilité est traitée de manière différente selon que l’action est exercée en interne ou en externe. Le présent article s’intéressera à la première des possibilités, c’est à dire à la réparation des préjudices subis par la société ou les associés.
Sur cette responsabilité interne des dirigeants sociaux
On est en présence d’une responsabilité civile classique avec la triptyque faute, dommage et lien de causalité. On peut tout de même y apporter quelques précisons.
Concernant la faute du dirigeant social, les textes visent la violation de la loi, des règlements, des statuts sociaux mais aussi de la faute de gestion. Cette faute peut se révéler délicate. Pour considérer qu’il y a une faute de gestion il ne suffit pas que l’acte soit préjudiciable à la société. Certains actes peuvent parfaitement avoir des conséquences économiques fâcheuses sans pour autant être fautifs. Il sera alors nécessaire de caractériser au moins des imprudences ou des négligences.
Aussi, il est nécessaire que la société ou l’associé ait subi un dommage. Dans la majorité des cas, la faute du dirigeant aura des conséquences pour la société mais aussi pour l’ensemble des associés. Individuellement un associé ne pourra donc pas agir contre un dirigeant, sauf s’il a subi un dommage propre et distinct de celui que subit la société. Cela signifie qu’en présence d’un dommage subit collectivement par l’ensemble des associés, seule la société pourra s’en plaindre, et non pas un associé individuellement.
Enfin, il faut établir l’existence d’un lien de causalité, ce qui peut poser des difficultés car la preuve est parfois difficile à rapporter. Il est souvent délicat de faire la différence entre un acte intrinsèquement fautif et un acte qui a des conséquences fâcheuses sans pour autant être fautif. Les dirigeants peuvent prendre de mauvaises décisions sans pour autant nécessairement commettre une faute.
II. Comment engager la responsabilité civile du dirigeant ?
L’action sociale :
Il s’agit de l’action exercée par la société contre son dirigeant fautif. En principe, c’est le dirigeant qui détient les pouvoirs pour agir au nom de la société, mais il n’agira pas au nom de la société contre lui-même, ce qui lui offre une sorte d’impunité.
Pour pallier ce risque, le législateur a prévu qu’à coté de l’action des représentants légaux ut universi, les associés peuvent agir au nom de la société à la place des dirigeants, on parle d’action sociale ut singuli.
Cette action pourra être exercée soit par un associé seul, soit par un groupe d’associés. Les dommages et intérêts qui résulteraient de cette action tomberont directement dans le patrimoine de la société, puisque c’est elle qui a subi un dommage. Cette action est peu exercée en pratique en raison de sa lourdeur : tous les frais sont supportés par l’associé qui agit.
Pour permettre alors une meilleure défense des intérêts des associés et de la société, il est possible de demander la désignation d’un mandataire ad hoc afin que celui-ci représente la société lorsqu’il y a un conflit d’intérêts entre la société et ses représentants légaux. Cela permet aux associés d’échapper au coût de la procédure, toutefois cette mesure n’est offerte que dans les SA et SARL.
L’action individuelle :
Elle va permettre à l’associé d’agir pour son propre compte en réparation du préjudice qu’il a subit personnellement.
De ce fait, la recevabilité est subordonnée à sa qualité d’associé au jour de la faute. La difficulté relève du fait que l’associé devra établir qu’il subit un dommage propre et distinctde celui que pourrait subir l’ensemble des associés. Il devra également établir le lien de causalité entre la faute commise et le dommage dont il souffre. En pratique, on a très peu d’hypothèse où l’on va admettre la présence d’un préjudice personnel subit par un seul associé personnellement.
L’action en responsabilité civile des dirigeants exercée sous forme sociale ou individuelle se prescrit par 3 ans à compter du fait dommageable, ou de sa révélation s’il a été dissimulé.