La procédure de clémence dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles : quand délation ne rime pas avec sanction.

19 janvier 2022

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La procédure de clémence trouve son inspiration dans le droit américain de l’antitrust et a été transposée en Europe dans les années 1960.  Plus récemment, cette procédure a connu des améliorations nécessaires depuis une Communication de la Commission européenne intitulée « Communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes », qui s’applique depuis le 8 décembre 2006 et qui a connu une modification en août 2015. Cette procédure se révèle être un mécanisme très utile, une sorte d’arme de dissuasion massive, afin de lutter contre une pratique anticoncurrentielle comme les ententes, et notamment les « ententes secrètes » que l’on appelle aussi les « cartels ».

Quelles sont les finalités de ce programme de clémence concernant les ententes ?

De manière générale, le programme de clémence permet à la Commission de faire bénéficier à une entreprise d’une immunité totale ou d’une réduction partielle d’amende, en contrepartie de la divulgation d’informations sur l’entente et de sa coopération à l’enquête.

On a un mécanisme qui s’apparente à de la délation, une pratique encouragée par le droit européen. Les entreprises doivent dénoncer les ententes auxquelles elles participent (délation d’ententes les plus graves à savoir les cartels). L’intérêt pour l’entreprise est que si elle dénonce la pratique anticoncurrentielle (le cartel horizontal), elle pourra bénéficier d’un programme de clémence qui va consister en la réduction ou exonération de l’amende. 

Ce programme sera favorable uniquement à la première entreprise qui dénonce le cartel. Il y a donc un intérêt de « jouer contre la montre » car chaque entreprise doit essayer d’anticiper les choses et savoir quand arrivera le moment opportun pour dénoncer le cartel. Le but recherché par la Commission ici est de créer une pression sur le cartel car si d’autres entreprises dénoncent cette entente, elles vont aussi bénéficier d’une réduction d’amende mais elle ne sera que partielle et proportionnelle à leur rang. Le pourcentage de réduction de l’amende prévue va dépendre des preuves que l’entreprise dénonciatrice apportera à la Commission (cf. Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées).

La mise en œuvre de la clémence : l’entreprise partie à l’entente actrice de sa destinée

La caractéristique de ce type de procédure est qu’elle incombe aux principaux acteurs à savoir ici les entreprises parties à une pratique anticoncurrentielle. L’accent ici va être mis sur la possibilité pour l’entreprise membre d’un cartel d’en sortir « sans y laisser des plumes ». En effet, c’est elle qui devra d’elle-même contacter la Commission et devra collaborer pleinement avec les autorités dans le cadre de cette procédure. 

Dans le cas où la première entreprise délatrice n’apporterait pas d’éléments nouveaux par rapport à ce que la Commission détiendrait, elle pourrait tout de même bénéficier d’une réduction partielle de l’amende à défaut d’exonération partielle (entre 30 et 50% de réduction possible pour la première, entre 20 et 30% pour la deuxième et jusqu’à 20% pour les autres entreprises). 

Les conditions à réunir pour bénéficier du programme de clémence sont listées par l’article 4 bis du Règlement (UE) 2015/1348 de la Commission du 3 août 2015 portant modification du règlement (CE) no 773/2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE.

Pour récapituler les conditions : 

  • Il faut une entente horizontale injustifiable « hardcore » (cartel)  
  • Il faut que le délateur apporte une réelle valeur ajoutée aux informations qui sont détenues par la Commission : il faut qu’il soit en mesure d’apporter des preuves dont la Commission n’avait pas connaissance
  • Il faut que le délateur prenne contact de lui-même avec la Commission 
  • Il ne suffit pas de dénoncer car il faut que le délateur coopère pleinement avec la Commission : il doit apporter tous les éléments de preuve nécessaires et répondre à toutes les questions de la Commission 

NB : La Commission exige une collaboration totale qui vise à faire cesser l’infraction pour que le délateur bénéficie d’une exonération totale (cf. programme de clémence modèle).

À ce jour, l’ensemble des États membres de l’Union européenne sont dotés d’un programme de clémence et peuvent donc accorder des exonérations totales ou partielles d’amende à des entreprises participant à une pratique anticoncurrentielle. Au titre de mouvement général, la France s’est dotée d’un programme de clémence avec la loi relative aux nouvelles régulations économiques dite « NRE » de 2001 à travers les dispositions de l’article L.464-2 du Code de commerce.

De plus à titre d’exemple, dans une affaire datant de mars 2021 une entreprise française, la société Roland Monterrat, a obtenu une immunité totale d’amende par l’Autorité de la Concurrence dans le cadre d’une entente dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs sous marque de distributeur (dits « MDD ») à destination de la grande distribution alimentaire.

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