À l’approche de deux grands événements sportifs internationaux organisés sur le territoire français, la Coupe du monde de rugby 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques 2024 ; l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté le 12 décembre 2022 une loi n° 2022-1555 autorisant la ratification de la Convention de Macolin. Zoom sur cette convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, sa genèse et ses objectifs.
Les compétitions sportives : un “terrain” propice aux manipulations frauduleuses
De simple loisir à l’origine, le sport est devenu un business lucratif entaché de forts enjeux économiques et politiques. Le règlement des litiges par les institutions sportives s’est vite avéré insuffisant et la mise en place d’un droit commun du sport adapté à ces nouveaux enjeux a tardé à se mettre en place. Ce manque de dispositions a permis à de nombreuses personnes peu scrupuleuses de s’enrichir illégalement lors de manifestations sportives truquées. Ainsi, uniquement pour l’année 2020, Europol, l’agence européenne de police criminelle, estime à 120 millions d’euros les recettes criminelles mondiales provenant de paris truqués.
Le concept de manipulations de compétitions sportives peut être défini comme étant “un arrangement, un acte ou une omission intentionnels visant à une modification irrégulière du résultat ou du déroulement d’une compétition sportive afin de supprimer tout ou partie du caractère imprévisible de cette compétition, en vue d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou pour autrui”. La nature de l’avantage indu peut-être à caractère sportif lorsque la manipulation vise un bénéfice sportif tel que la victoire d’une compétition ou à caractère financier, lorsque la manipulation vise un bénéfice pécuniaire tel que le blanchiment d’argent.
Les manipulations de compétitions sportives sont nombreuses et variées. On peut notamment citer :
- l’affaire VA-OM de 1993 visant l’obtention d’un avantage sportif au bénéfice du club marseillais, les joueurs de Valenciennes ayant été invités à lever le pied en échange d’une somme d’argent ;
- l’affaire Bochum, sans doute la plus marquante, visant quant à elle un avantage financier. En l’espèce, il s’agissait d’un réseau de paris truqués de plus de 200 matchs de football à travers 9 pays européens pour environ 10 millions de gains frauduleux. Un séisme qui a dépassé le cadre sportif et a nécessité une coopération européenne des forces de police afin de sanctionner pénalement les criminels impliqués.
C’est précisément cette affaire Bochum qui a permis une reconnaissance politique des lacunes législatives et du devoir d’agir en matière de manipulations de compétitions sportives.
La convention de Macolin : une réponse aux manipulations frauduleuses de compétitions sportives
Genèse de la convention de Macolin
Le manque de législation et l’absence de sanctions judiciaires concrètes et prédéfinies à l’égard des criminels qui sévissent lors des compétitions sportives ont nécessité la mise en place d’un instrument juridique commun afin de lutter contre ces nombreuses manipulations frauduleuses qui entravent l’intégrité et l’authenticité des compétitions sportives.
Face à cela, un traité multilatéral du Conseil de l’Europe a été adopté et ouvert à la signature le 18 septembre 2014 à Macolin en Suisse. Européenne mais aussi à vocation mondiale, cette convention a été signée par 38 pays membres du Conseil de l’Europe et 3 pays non-membres tels que l’Australie et le Maroc.
La convention Macolin est entrée en vigueur le 1er septembre 2019 et est aujourd’hui ratifiée par 8 pays. Un comité de suivi, avec pour président Monsieur George Mavrotas, a été mis en place afin de surveiller la mise en œuvre de la convention au sein des États parties et d’encourager les autres pays à la ratifier.
Apports de la convention de Macolin
Cette convention de Macolin est aujourd’hui le seul outil de droit international juridiquement contraignant qui permet de lutter contre la fraude en matière sportive. L’harmonisation et le renforcement du régime juridique en la matière ont vocation à permettre une coopération internationale efficace des gouvernements, des organisations sportives, des services répressifs et des autorités chargées des paris sportifs.
Axée sur le truquage de paris sportifs, la convention possède néanmoins un champ d’application large en incluant tout acte pouvant affecter le déroulement de la compétition et ses résultats.
Le dopage n’est cependant pas concerné car déjà encadré spécifiquement par deux conventions du Conseil de l’Europe et de l’Unesco.
Quant aux sports et institutions pris en compte, il ne s’agit pas uniquement des sports populaires et des sports olympiques, le comité de suivi a établi une première liste des organisations sportives incluant au total 111 sports tels que le frisbee, les fléchettes et le football Gaélique. Le comité de suivi a toutefois estimé qu’il était prématuré d’inclure l’eSport dans la liste, un domaine également frappé par les manipulations frauduleuses qui commence à peine à être pris en considération (voir Paris truqués dans l’eSport : la fête est finie ?).
Au niveau des mesures, la convention de Macolin prévoit trois axes prioritaires.
- D’une part, être un instrument de prévention en insistant sur la sensibilisation aux manipulations des compétitions sportives, en mettant en place des principes de bonne gouvernance et en veillant à ce que les acteurs respectent par exemple l’interdiction de parier sur les compétitions auxquelles ils participent.
- D’autre part, être un instrument de répression avec des mesures disciplinaires, financières et pénales proportionnées et dissuasives.
- Enfin, être un instrument de protection par le biais d’une réglementation spécifique destinée à protéger les lanceurs d’alerte.
La ratification et l’entrée en vigueur de la convention de Macolin en France devraient intervenir courant 2023. Sa mise en place permettra de garantir au mieux l’intégrité des futures compétitions sportives en s’appuyant sur un socle juridique solide en matière de manipulations de compétitions sportives.