La “clause de break-up fees” ou la faculté de se délier contractuellement

26 février 2022

La "clause de break-up fees" ou la faculté de se délier contractuellement

La liberté de rompre une négociation est le corollaire de l’autonomie de la volonté. Les parties sont liées par le contrat, chacun est en droit de renoncer ou de finalement considérer que les conditions proposées ne lui conviennent pas (cf. article 1102 C.Civ.). Il n’en demeure pas moins que cette rupture peut avoir des conséquences dommageables. Bien qu’elle prive l’autre des avantages espérés de l’opération, cette rupture signifie aussi que les frais engagés jusqu’alors l’auront été en vain… Lorsque la période des pourparlers se prolonge et génère des frais importants, il n’est pas rare que les parties choisissent d’en organiser les conditions et le déroulement. Venues de la pratique anglo-saxonne, certaines clauses vont permettre à l’une ou l’autre des parties de revenir sur son consentement de façon unilatérale afin de mettre fin à la situation contractuelle. Ces clauses se sont développées en France sous l’impulsion de la pratique des affaires : on les appellent les « clauses de break-up fees ».

L’objet et le champ d’application de la clause de break-up fees : la volonté de répartir les risques d’une négociation 

Insérée dans un accord, cette clause de break-up fees permet de répartir le risque que constitue le coût des pourparlers, elle permet de se délier de ses engagements sans intervention judiciaire préalable moyennant le paiement d’une indemnité. Cela correspond à la faculté pour la partie qui l’invoque, de résoudre unilatéralement le contrat.

La clause de break-up fees a pour objet de prévoir à l’avance le paiement d’une indemnité à la charge de la partie, généralement le vendeur, qui souhaiterait se retirer unilatéralement d’une opération. Elle permet ainsi aux parties de sécuriser les conséquences, notamment financières, pouvant découler de la rupture de leurs pourparlers. En pratique, la clause de break-up fees peut aussi être mise en œuvre en sens inverse. Elle consiste alors à ce que l’acquéreur potentiel s’engage à verser une compensation financière, on parle alors de « clause de reverse break-up fees ». Cette clause est souvent consentie dans le cas où une exclusivité est accordée à l’acquéreur.

La qualification juridique de la clause de break-up fees 

Le droit des sociétés a déjà connu de telles interrogations concernant certains mécanismes laissant suggérer des divergences sur la qualification juridique à adopter. La convention de croupier par exemple ou bien les « golden parachutes » peuvent être cités parmi bien d’autres illustrations. 

Depuis un arrêt de la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 21 déc. 2006, n°04/03648, SA Accor Casinos c/ M. André Der Krikorian), cette clause de break-up fees est analysée non pas comme une clause pénale mais comme une clause de dédit (on parle d’un droit conventionnel de se repentir). La distinction se fait ici car dans le cadre de la clause pénale, on sanctionne une inexécution contractuelle fautive par le versement de l’indemnité alors que la clause de break-up fees oblige le versement que l’inexécution ait été fautive ou non.

De ce fait, l’article 1152 du Code civil applicable aux clauses pénales et donnant la faculté au juge de les réviser si elles sont dérisoires ou excessives, ne s’applique pas aux clauses de break-up fees. Il convient donc de ne pas y consentir trop rapidement. Parce qu’elles ne peuvent que rarement être qualifiées de clauses pénales ou bien être frappées de nullité, elles vont s’imposer, même lorsque les montants visés sont très importants. Cette mise en œuvre n’interdit toutefois pas un contrôle, afin d’éviter que la liberté de se dédire ne devienne abusive.

La mise en œuvre de la clause de break-up fees : comment faire et quelle efficacité ? 

Dans le cadre de négociation de fusions, il y a des risques que le vendeur change d’avis et que l’acheteur ait investi à perte dans les différents frais engagés donc pour parer ce risque, il convient de prévoir une clause de break-up fees. Ces clauses sont le plus souvent utilisées par les investisseurs en capital qui ne désirent pas engager des capitaux avec le risque que cela soit fait en vain, surtout au stade précontractuel.

Dans la rédaction de la clause, il faudra prévoir le fait générateur (motif de la rupture : faute imputable ou non au débiteur / résulte ou non de la non-réalisation d’une condition prévue dans la lettre d’intention) mais aussi fixer le montant de l’indemnité qui sera due si une des parties se dédie. Il convient de qualifier précisément la nature et la fonction de la somme versée pour éviter une requalification en clause pénale (montant forfaitaire ou pourcentage du montant de l’opération espérée). 

Concernant l’insertion de la clause au moment des négociations, il faut trouver le moment opportun pour ne pas faire fuir le vendeur. Le vendeur aura intérêt à négocier un faible montant afin de pouvoir bénéficier, en cas d’offre concurrente, d’un prix intéressant après s’être acquitté du montant de l’indemnité. L’acquéreur quant à lui cherchera au minimum à convenir d’un montant permettant de couvrir les frais engagés dans le cadre des négociations. Les parties peuvent prévoir ou non la réciprocité de la clause. 

Pour récapituler, lors de la rédaction d’une clause de break-up fees, il est important de s’attarder sur plusieurs points :

  • Les faits générateurs de sa mise en œuvre 
  • Le montant de l’indemnité 
  • La réciprocité de la clause

À titre d’illustration de la mise en œuvre de la clause de break-up fees, au Royaume-Uni à la fin des années 1990, une affaire de fusion entre les sociétés BP-Amoco et Vodafone Air’Touch avait donné lieu à des montants qui se sont élevés de 500 à 750 millions de dollars. En réaction à cela et dans le but de mettre en place des garde-fous, le « Takeover Panel Statement 1999/10 » avait été adopté et le montant maximal de l’indemnité versée au titre du contrat ne pouvait alors être supérieur à 1% du montant total de l’offre. 

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