Influenceurs et placements de produits : de la réglementation aux recommandations

14 mai 2021

Influenceurs et placements de produits - de la réglementation aux recommandations

Les placements de produits ne datent pas d’aujourd’hui, ils sont même aussi vieux que le cinéma ! Ce dernier date de 1895, tandis que le premier placement de produit est visible dans le film Les Laveuses des Frères Lumières (1896), qui met en avant un savon de la marque Sunlight Soap. Depuis, les placements de produits prolifèrent.

La publicité a beaucoup évolué ces dernières années grâce à l’utilisation de nouveaux canaux de diffusion, et en particulier grâce au développement des réseaux sociaux. En effet, ces derniers, faciles d’utilisation, présentent de nombreux atouts indispensables aux campagnes publicitaires modernes.  

Pour illustrer ce phénomène, ce graphique met en lumière l’évolution du chiffre d’affaires mondial annuel de la publicité en ligne. Il est notable que les réseaux sociaux font l’objet d’une croissance exponentielle depuis 2018, cette dernière étant intrinsèquement liée au développement des placements de produits, notamment réalisés par des créateurs de contenu.

I. Comment reconnaître un placement de produit ?

La définition formelle du placement de produit

Ils relèvent de la communication commerciale audiovisuelle, qui est définie par la directive européenne 2007/65/CE, plus communément appelée directive SMA, comme des « images combinées ou non à du son, qui sont conçues pour promouvoir, directement ou indirectement, les marchandises, les services ou limage dune personne physique ou morale qui exerce une activité économique. Ces images accompagnent un programme ou y sont insérées moyennant paiement ou autre contrepartie, ou à des fins dautopromotion. La communication commerciale audiovisuelle revêt notamment les formes suivantes: publicité télévisée, parrainage, téléachat et placement de produit. ».

D’après le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le placement de produit correspond à « toute forme de communication commerciale audiovisuelle consistant à inclure un produit, un service ou une marque ou à y faire référence, en l’insérant dans un programme, moyennant paiement ou autre contrepartie », conformément à l’article 1er de la directive SMA.

Ces définitions ne mentionnent que les programmes télévisuels, et peuvent donc être considérées comme lacunaires en ce sens. Mais en réalité, c’est complètement normal : elles sont issues d’une délibération du CSA datant du 16 février 2010 relative au placement de produit dans les programmes des services de télévision, qui a été autorisé en France par la loi de transposition n°2009-258 du 5 mars 2009. La définition est donc simplement ancienne, et ne tient pas compte des canaux de diffusion des placements de produits aujourd’hui utilisés.

YouTube propose une définition plus actuelle des placements de produits tels que nous y sommes confrontés aujourd’hui, indiquant qu’ils correspondent à des « contenus créés pour un tiers en échange d’une rémunération, ou dans lesquels sa marque, son message ou son produit sont directement intégrés ». 

Les différentes formes de placement de produit rencontrées 

Les consommateurs sont aujourd’hui confrontés à différents types de placements de produits : 

  • Le placement de produit classique : Cette technique se rapproche fortement de la publicité classique, le produit apparaît de manière à l’écran mais il est également mis en évidence par son utilisation. On peut en voir dans le film The Social Network, par la mise en valeur à de multiples reprises d’ordinateurs de la marque Sony.
  • Le placement de produit institutionnel : Dans ce type de placement, c’est davantage la marque qui est mise en avant par l’intégration d’un produit, d’un panneau publicitaire ou encore d’une enseigne au décor. On peut retrouver cette technique dans le film Les Schtroumpfs, où la marque Sony est affichée sur un panneau publicitaire en arrière plan.
  • Le placement de produit évocateur : C’est un placement très utilisé dans le marketing, puisqu’il se rapproche beaucoup du sponsoring. En effet, dans ce type de placement, le produit et la marque ne sont pas mentionnés, mais le design et l’originalité du produit le rendent reconnaissable aux yeux du public. On rencontre par exemple dans le film Matrix, où le design des piles Duracell sont bien reconnaissables. La subtilité de ce procédé fait son succès. 
  • Le placement de produit furtif : C’est un placement extrêmement discret, qui est généralement utilisé par les grandes marques de luxe. La marque demeure anonyme puisqu’elle n’apparaît nulle part, mais la renommée du produit permet son identification. Il est utilisé dans le monde cinématographique, dans lequel les marques peuvent être mentionnées au cours du générique de fin de film. C’est d’ailleurs le cas dans le film Ensemble c’est tout, où une besace Hermès apparaît à l’écran.

II. Comment le placement de produit est-il réglementé ?

A l’échelle de l’Union européenne, l’EASA, European Advertising Standards Alliance (Alliance Européenne pour l’éthique en publicité) a été créée en 1992. Chaque Etat-membre a un homologue à l’échelle nationale, comme l’ARPP en France (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité). Ces institutions ont pour mission la vérification de la bonne application des règles déontologiques applicables à la publicité sous toutes ses formes.

Egalement, à l’échelle nationale, existe la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes. La DGCCRF veille à assurer la qualité que les consommateurs sont en droit d’attendre d’un produit – alimentaire ou non-alimentaire – ou d’un service (règles d’étiquetage, de composition et de dénomination des marchandises, contrôle des falsifications et tromperies).

Le placement de produit manque cruellement d’encadrement. Les députés européens et français ont été dépassés par l’expansion foudroyante de ce mode de publicité. Mais évidemment, une règlementation, aussi lacunaire soit-elle, existe. 

Les règles générales applicables au placement de produit en matière télévisuelle

Les programmes comportant du placement de produit doivent respecter certaines règles : 

  • Ils ne doivent en aucun cas être influencés de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l’indépendance éditoriale de l’éditeur de services ; 
  • Ces programmes ne doivent pas inciter directement à l’achat de biens ou de services et ne peuvent en particulier comporter de références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services ; 
  • Ces programmes ne doivent pas mettre en avant de manière injustifiée le produit en question ; 
  • Afin de ne pas les induire en erreur sur la nature d’une telle valorisation, les téléspectateurs doivent être clairement informés de l’existence d’un placement de produit au début et à la fin des programmes concernés ainsi qu’à leur reprise après une interruption publicitaire.

Le principe d’identification de la publicité applicable au placement de produit

Le placement de produit fait partie des modes de publicité, qui sont régis par différents textes.

  • Tout d’abord, l’article 43 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « Toute forme de publicité accessible par un service de communication audiovisuelle doit être clairement identifiée comme telle. Elle doit également permettre d’identifier la personne pour le compte de laquelle elle est réalisée » ;
  • Larticle L121-3 du Code de la consommation, transposant les articles 6 et 7 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs indique qu’est réputée trompeuse toute pratique commerciale qui n’indique pas sa véritable intention commerciale et la sanctionne de deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende.
  • Il est donc indispensable de distinguer les messages à caractère publicitaire des autres, afin qu’ils puissent être identifiés comme tels par le public. 

Depuis la délibération n° 2010-4 du 16 février 2010 relative au placement de produit dans les programmes des services de télévision, les programmes doivent également faire apparaître le pictogramme « P » afin de prévenir les spectateurs de la présence d’un placement de produit, toujours dans une optique de protection du consommateur

Les modes d’identification du placement de produit selon les plateformes 

Puisqu’aucune disposition n’a été créée spécialement pour les placements de produits ayant lieu sur les réseaux sociaux, ces derniers se conforment alors au droit commun en se distinguant cependant de celui-ci par des spécificités propres à chaque plateforme. Ces pratiques correspondent à de réels codes déontologiques qui se développent. Le mot d’ordre ? TRANSPARENCE

  • Par exemple, sur Snapchat, Twitter ou encore Tiktok, il est fréquent de rencontrer les #ad ,#advertising, #sponsorisé #sponso, #collab (etc.) pour prévenir les spectateurs. Mais ils ne sont pas considérés comme suffisants, surtout s’ils sont indiqués en même temps que d’autres hashtags. L’identification de la publicité doit se faire de manière nettement perceptible.
  • Instagram permet désormais d’identifier les contenus sponsorisés et les partenaires commerciaux lors de la publication en cochant la case « en partenariat payant avec ». Cette pratique n’est pas obligatoire dans les conditions d’utilisation mais ces dernières sont en pleine révision et pourraient bien finir par l’imposer ; 
  • Sur YouTube, la plateforme dispose d’une option qui peut être activée sur les vidéos, simplement en cochant la case « Ma vidéo contient une communication commerciale telle qu’un placement de produit, un parrainage ou un autre type de promotion » lors de la mise en ligne, ce qui permet de prévenir le spectateur d’un éventuel placement de produit. Cette option est très pratique, notamment sur deux points. D’une part cela supprime la vidéo de la plateforme YouTube Kids afin de se conformer à la législation qui interdit de faire du placement de produit dans un contenu destiné aux enfants. D’autre part, YouTube fonctionnant sur la base de la publicité visée au début ou au cours des vidéos, le fait de préciser la communication commerciale permet d’éviter la publicité d’un concurrent de la marque promue au sein d’une même vidéo, ce qui est avantageux commercialement.

La langue imposée dans les placements de produits

En règle générale, une publicité -et donc un placement de produit par analogie- doit être rédigée en français si elle s’adresse à un public français depuis les dispositions de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l’emploi de la langue française qui ont été reprises en mêmes termes dans la loi n° 94-665 du 4 août 1994, dite loi Toubon. Ces restrictions, reprises à l’échelle européenne lors de la directive 97/7/CE du 20 mai 1997 sur les contrats conclus à distance, s’inscrivent dans une réelle logique de protection du consommateur. Mais, comme indiqué précédemment, la publicité en ligne ne fait pas l’objet de dispositions spéciales, elle doit alors se conformer au droit général de la publicité. Néanmoins, seuls les sites internet rédigés en français doivent faire l’objet d’une publicité en français.

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