S’inspirant des législations anglo-saxonnes, la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin II » entend lutter intensément contre la corruption, en contrant par la même occasion l’immixtion des Etats-Unis dans la vie des affaires européennes. En effet, sous couvert de lutte anticorruption, nos voisins outre-Atlantique mènent en réalité une guerre économique à travers de lourdes sanctions financières prononcées à l’encontre d’entreprises nationales, en vertu du principe d’extraterritorialité de certaines lois.
I/ Quelles sont les mesures imposées par la loi Sapin II ?
Cette volonté se traduit par un programme de compliance obligatoire comprenant l’instauration d’une procédure d’alerte dont la protection de l’auteur se voit renforcée, afin de détecter et prévenir des faits de corruption et de trafic d’influence commis en France ou à l’étranger, dont les entreprises seraient responsables ou victimes.
Si les exigences de la loi Sapin II entrée en vigueur en 2017 peuvent paraître contraignantes, elles n’en demeurent pas moins des instruments indispensables à la bonne gouvernance d’une entreprise. Plus particulièrement, elles permettent de se prémunir d’une éventuelle mise en cause de leur responsabilité, qui impacterait lourdement la confiance des investisseurs, salariés et autres tiers.
Plus qu’une simple procédure, il s’agit d’un système anticorruption global et adapté aux spécificités de l’entreprise dont l’objectif est la prévention effective des conduites contraires à l’éthique des affaires et à la probité.
II/ La mise en place d’un système anti-corruption efficient
Comme le précise l’article 17 de la loi Sapin II, cette obligation incombe en premier lieu aux dirigeants des entreprises comprenant au moins 500 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, sans lesquels une lutte efficace contre la corruption serait impossible.
Son application réside dans la mise en œuvre de 8 mesures préventives fortes qui permettront de détecter au plus tôt la commission des principaux délits et crimes auquel le secteur financier fait face. La mise en place d’un code de conduite et de mesures coercitives en cas de violation de celui-ci ; une cartographie des risques ; des procédures rigoureuses d’évaluation des clients et fournisseurs et de contrôles comptables ; la formation du personnel exposé mais surtout et c’est sur cette mesure que l’on se concentrera : un dispositif d’alerte interne.
Contrôlées par l’Agence française anti-corruption, instaurée à l’occasion de la loi, les entreprises en cas de manquement ou de condamnation pour corruption, peuvent faire l’objet de plusieurs sanctions allant de l’injonction de mise en conformité à une amende de 200.000 euros (1 million d’euros pour les personnes morales), en passent par la publication de ces décisions.
III/ Focus sur la procédure d’alerte interne
Se dissociant des autres mesures de la loi Sapin II, la procédure d’alerte interne est un dispositif permettant de recueillir les signalements de comportements illégaux au travail, dont a eu personnellement connaissance tout salariée, ou plus généralement tout collaborateur interne ou externe, récurrents ou occasionnels, de bonne foi et agissant de manière désintéressée.
Comme le dispose l’article 8, son application se fait « par palier » :
- Dans un premier temps, l’alerte doit être réalisée auprès d’un supérieur hiérarchique.
- Sans réponse de sa part dans un délai raisonnable, celle-ci peut être transmise à une autorité judiciaire ou administrative mais également aux ordres professionnels comme l’Ordre des experts-comptables ou l’Ordre des avocats.
- Enfin, si au bout de trois mois cette seconde étape n’a toujours pas donné lieu à des diligences de la part des destinataires du signalement ou en cas de situation d’urgence présentant un danger grave et imminent, l’alerte peut être rendu publique.
Afin d’assurer efficacité et conformité dudit dispositif, l’anonymat du lanceur d’alerte devra impérativement être garantie, conformément à l’article 9 de la loi. Souvent réticent pour mener à terme sa dénonciation par peur de représailles, le choix d’un canal sécurisé et simple d’utilisation comme une plateforme digitale externe, par le référent conformité – chargé de déployer le dispositif d’alerte dans une démarche proactive – permettra de mettre davantage en confiance l’auteur du signalement. De plus, si l’alerte n’a pas abouti, le dossier et plus particulièrement les éléments susceptibles de révéler l’identité de l’auteur et des personnes visées, devront faire l’objet d’une destruction dans un délai maximum de deux mois.
La mise en place d’une procédure d’alerte est absente dans plus de la moitié des entreprises, comme le révèle une étude menée par l’association française des juristes d’entreprise (AFJE) et la plateforme « ethicorp.org ». Pourtant, celle-ci peut constituer un véritable levier dans la gestion des risques de corruption – mais également d’image ainsi que de divulgation des secrets d’affaires, contribuant ainsi à l’amélioration du bien-être au travail et de la productivité – à condition bien sûr, de faire partie d’un dispositif de compliance cohérent et généralisé à l’entreprise.