COVID-19 : Le droit de la propriété intellectuelle freine-t-il l’accès aux vaccins ?

19 mars 2021

COVID-19 _ le droit de la propriété intellectuelle freine-t-il l'accès aux vaccins _

Au cours d’un sommet virtuel organisé le 19 février 2021, les pays du G7 ont annoncé à l’OMS un financement de 3,5 milliards d’euros pour faciliter l’accès aux traitements dans la lutte contre la COVID-19. Le journal Le Monde affirme que le vaccin anti-COVID est devenu un « instrument de rivalité entre grandes puissances ». Outre les préoccupations géopolitiques, des inquiétudes existent quant au retard de fabrication et de distribution des doses vaccinales. Ces longs délais s’expliqueraient en partie par l’arsenal juridique strict que pose le droit de la propriété intellectuelle en matière de santé publique. De nombreux professionnels de la santé et du droit appellent donc à reconnaître le vaccin anti-COVID comme bien public mondial.

La délivrance des brevets pharmaceutiques : une législation réputée inflexible

En droit français, la durée de protection attribuée aux brevets pharmaceutiques est la même que pour les autres types de brevets (vingt ans à compter de la date de dépôt de la demande). La différence réside dans le fait que, pour les produits pharmaceutiques, une autorisation de mise sur le marché (AMM) doit être délivrée avant toute distribution. Cette AMM peut être accompagnée d’un certificat complémentaire de protection pour assurer au propriétaire du brevet une prolongation de ses droits d’exploitation du produit pharmaceutique. 

Néanmoins, avec la crise sanitaire, de nombreux experts du monde de la santé, du droit et de la politique appellent à mettre en place une procédure d’urgence. Cela permettrait une délivrance plus rapide des brevets pharmaceutiques et ainsi accélérer, la fabrication et la distribution des vaccins et traitements contre la COVID-19. Certains soutiennent même une exemption temporaire du droit de la propriété intellectuelle sur ce type de produits.

La licence d’office dans l’intérêt de la santé publique : un atout majeur pour une accessibilité aux vaccins  

Aujourd’hui, les laboratoires fabriquant et produisant les vaccins et traitements contre la COVID-19 possèdent les droits  d’exploitation exclusive de ce type de produit. Pour permettre une exploitation plus souple, un mécanisme juridique appelé la licence d’office peut être utilisé. Au titre des articles L.613-16 du Code de la propriété intellectuelle et L.3631-15 du Code de la santé publique, l’État peut, dans le cadre de la crise sanitaire, engager une procédure de licence d’office comme une mesure d’urgence, lorsque l’intérêt de la santé publique le demande. Les ministères de la santé et chargé de l’industrie vont devoir négocier préalablement avec les laboratoires détenteurs des droits sur les brevets vaccinaux pour obtenir cette licence d’office. Cette licence devra s’accompagner de garanties financières sous forme de redevances pour les laboratoires ayant créé les vaccins. 

Le mécanisme en droit français est prometteur, mais sa complexité peut encore représenter un frein à l’accès aux vaccins. En droit international, la procédure de la licence d’office est encore plus stricte. Les accords ADPIC (accords sur les aspects du droit de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce) soumettent la délivrance de licence d’office à une durée limitée ou encore à une exploitation exclusive sur le marché national du pays demandeur.Peu de pays ont déjà eu recours à la licence d’office. On peut citer l’exemple du Canada, qui, par un projet de loi (Bill C-13) a levé l’exploitation exclusive des brevets sur les vaccins contre la COVID-19. Les députés européens et français, eux, sont en discussion pour adopter des licences d’office. 

Cependant, d’un côté, les laboratoires indiquent une certaine réticence quant à la perte de leurs droits de propriété intellectuelle liés aux brevets et de l’autre, les pays, pour des raisons politiques, souhaitent affirmer leur souveraineté nationale sur la distribution et la fabrication des vaccins anti-COVID. En effet, certains pays utilisent les règles du droit de la propriété intellectuelle pour exercer cette souveraineté. Par exemple, un laboratoire américain avait déposé une demande de brevet pour l’exploitation exclusive de la molécule « remdesivir ». Sous la pression internationale, le laboratoire a finalement retiré cette demande.

Le vaccin comme bien public mondial : quand d’autres droits de propriété entrent en jeu

En août 2020, la Commission européenne a pris en compte une initiative citoyenne destinée à considérer comme un droit, l’accès aux vaccins et aux traitements liées à la COVID-19. Cette initiative citoyenne vise également à démontrer qu’au regard de la crise sanitaire, l’intérêt de la santé publique devrait primer sur l’exploitation lucrative. Les signataires indiquent qu’ils vont notamment surveiller que le droit de la propriété intellectuelle n’entrave pas l’accès aux vaccins et aux traitements. 

Face au cadre légal strict du droit de la propriété intellectuelle, une partie de la société préconise de considérer les vaccins et traitements contre la COVID-19 comme bien public mondial. Certains professionnels du droit indiquent que le vaccin est déjà considéré comme un bien public mondial depuis 2001. Cependant, ils mettent en garde sur le fait que, si le vaccin contre la COVID-19 était juridiquement considéré comme un bien public mondial, les États pourraient être perçus comme propriétaires. Cette succession de freins juridiques montre bien à quel point faciliter l’accès aux vaccins et traitements contre la COVID-19 est chose complexe.

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