Coup de projecteur sur les actions de préférence : « Silence, moteur, ça tourne, action » !

19 juillet 2021

_ Coup de projecteur sur les actions de préférence _ « Silence, moteur, ça tourne, action » !

Contrairement à la SARL, où le capital est réparti en parts sociales, les sociétés anonymes (SA) se caractérisent par une répartition d’actions. Cependant, dans le feu de l’action, il ne faut pas tout mélanger ! En effet, une dichotomie significative existe entre les actions ordinaires et les actions de préférence. Les droits octroyés par ces titres étant distincts. Les actions de préférence doivent leur création à la loi du 26 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières. Leur institution a été fortement inspirée des « prefered shares » américaines. Leur création permet notamment d’apporter un régime unitaire. Mais ces actions ont surtout été créées dans le but d’offrir aux investisseurs un instrument de financement à long terme garantissant le maximum de sécurité et de souplesse. La loi PACTE du 22 mai 2019 a contribué à renforcer cet assouplissement. 

Lumière sur les coulisses et le « backstage » de ces nouvelles actions, qui semblent avoir réellement impacté le fonctionnement des SA ! A quoi correspondent réellement les actions de préférence des SA ? Comment sont-elles créées et émises ? 

I/ Zoom sur la définition des actions de préférence : un scénario intéressant !

Les actions de préférence sont des titres de capital accordant des droits et prérogatives spécifiques à leurs détenteurs. Les droits conférés aux détenteurs de cette catégorie d’actions sont différents de ceux octroyés par les actions ordinaires. 

Les actions ordinaires correspondent aux titres accordés aux associés d’une SA, en contrepartie des apports effectués par ces derniers lors de sa création. 

Un titre ordinaire confère un droit de vote aux assemblées, un droit aux dividendes (une part fixe sur les dividendes). Mais aucun privilège particulier n’est conféré aux associés. Alors que les actions de préférence confèrent des prérogatives spécifiques aux associés, et sont ainsi avantageuses par rapport aux actions ordinaires.  

Le régime des actions de préférence est caractérisé par une souplesse importante. En effet, elles sont assorties de droits particuliers de toute nature à titre temporaire ou permanent. Il peut s’agir de : 

  • Droits politiques : le droit de vote peut être supprimé ou augmenté (vote double, vote multiple), droit d’information accrue. 
  • Droits économiques : les droits aux bénéfices (superdividendes, dividendes prioritaires dans le respect de la prohibition des clauses léonines), reprise prioritaire des apports, attribution de droit sur la cession de certains actifs. Ou encore, actions avec dividende prioritaire permettant à l’associé de toucher des dividendes prioritairement aux autres associés.

Les actions de préférence remplacent les actions de priorité, les actions à dividendes prioritaires sans droit de vote et les certificats d’investissement. 

Cependant, elles peuvent parfois mal porter leur nom. En effet, les actions de préférence peuvent parfois retirer certains droits, comme le droit de vote par exemple. On utilisera ce genre d’action lors d’opérations de levée de fonds entre un associé fondateur et un fonds d’investissement. Dans ce cas, les actions de préférences seront accordées à l’un ou l’autre des parties pour les distinguer. 

II/ Derrière les coulisses : comment créer, émettre des actions de préférence ? 

Qu’elles soient émises par transmission ou par cession de titres, la création des actions de préférence est subordonnée à une procédure particulière. Les sociétés doivent respecter les dispositions légales en vigueur lors de la création de ces titres (articles L228-11 et suivants du Code de commerce). 

Quand sont-elles créées ? Les actions de préférence peuvent être crées à deux moments : soit lors de la constitution de la société, soit en cours de vie sociale, dans ce cas, on parlera de conversion des actions ordinaires en actions de préférence

Dans les deux cas, les associés devront : 

  • Mentionner le nom des bénéficiaires de ces actions dans les statuts ; 
  • Préciser les droits et prérogatives attribués par ces actions, leur modalités de fonctionnement dans les statuts ;
  • Établir un pacte d’actionnaires énumérant les droits et prérogatives des actions de préférence : Les droits pourront par la suite être complétés et précisés dans ce pacte d’associés. Ce système permet d’atteindre une plus grande confidentialité, une meilleure efficacité des opérations, la mise en place de mécanismes avantageux (particulièrement lors des levées de fonds). Enfin, ce système permet de créer différentes catégories d’actionnaires. 

Les statuts sont publics, ils sont déposés au greffe du tribunal de commerce. Enfin, comme le prévoit l’article L.228-12 du Code de commerce : « l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires est seule compétente pour décider l’émission et la conversion des actions de préférence ». 

Création dès la constitution de la société : 

Les actions de préférence peuvent être créées dès la constitution de la société. Il est important de noter que toutes les sociétés ne peuvent pas émettre des actions de préférence, elles sont uniquement réservées aux sociétés par action, telles que : les sociétés par action simplifiées, les sociétés anonymes et les sociétés en commandite simple. Les sociétés de personnes ne sont pas admises à émettre de tels titres (sociétés civiles, sociétés en nom collectif). 

Il faudra également joindre en annexe des dispositions statutaires le rapport du commissaire aux comptes ou du commissaire aux avantages. Ces rapports portent sur les droits particuliers attachés aux actions. 

Création au cours de la vie sociale de l’entreprise : 

A défaut d’être créées lors de la constitution de la société, les actions de préférence peuvent également être émises au cours de la vie sociale de la société. L’opération sera subordonnée à un vote des actionnaires en assemblée générale extraordinaire. Un pacte d’actionnaires devra également être élaboré.  

Deux situations peuvent alors se présenter : 

  • L’émission des actions de préférence par une augmentation de la valeur nominal du capital : dans ce cas, l’émission des titres est décidée par une assemblée générale extraordinaire des associés, selon les modalités prévues dans les statuts (la majorité est souvent requise). Un rapport des organes de la société doit également être remis aux associés. Ce rapport précise les modalités de fonctionnement des actions et les conséquences découlant de leur émission. 
  • Ou encore, la conversion des actions ordinaires en action de préférence : dans cette hypothèse, aucune action nouvelle n’est créée, il s’agit plutôt d’un « recyclage » des actions déjà existantes au sein de la société. En effet, les actions dites « classiques », « ordinaires » sont transformées en action de préférence. Mais il est également possible d’effectuer une conversion à partir d’action de préférence déjà existantes, mais attachés à des droits différents ou d’une autre catégorie. La décision de conversion devra également faire l’objet d’un vote lors d’une assemblée générale extraordinaire. Un rapport des organes de gestion, voire un rapport du commissaire aux comptes, doivent également être établis. Il est important de soulever que la conversion crée une plus-value sur les titres, d’un point de vue fiscal. Les propriétaires des actions faisant l’objet d’une conversion ne peuvent pas prendre part au vote lors de l’AGE.

Les actions de préférence émises temporairement, seront converties en action ordinaire une fois le délais atteint. Une action de préférence ne peut pas être supprimée, elle sera juste convertie.

Le rôle du commissaire aux apports :

Il permet d’éviter les conflits d’intérêts lors de l’émission des actions de préférence

Il devra être désigné par les actionnaires avant la réunion de l’AGE. Il peut s’agir soit d’un commissaire aux comptes, soit d’un commissaire aux avantages particuliers. Il est nommé par l’ensemble des associés, ou à défaut, par décision de justice du Tribunal de commerce. 

Après sa nomination, le commissaire aux comptes dressera un rapport sur l’évaluation des prérogatives particulières inhérentes aux actions de préférence, sur les modalités d’évaluation qu’il a retenu. Il doit remettre ce rapport au Tribunal de commerce. L’article R225-14 du Code de commerce prévoit que : « le rapport des commissaires aux apports est tenu, à l’adresse prévue du siège social, à la disposition des futurs actionnaires, qui peuvent en prendre copie, trois jours au moins avant la date de la signature des statuts ». Cela permet de respecter l’égalité des actionnaires. 

Une intrigue qui peut mal tourner : les problématiques liées à la création des actions de préférence

Il faut toutefois être particulièrement vigilant lors de la création des actions de préférence. En effet, plusieurs problématiques sont liées à ces actions : en cas de conversion des actions de préférence en actions ordinaires, en cas de cession ou de transmission d’action, lors de l’exercice des droits particuliers attachés aux actions de préférence. Leur valorisation peut également soulever un certain nombre de problèmes. En effet, on se demande s’il est pertinent de leur attribuer la même valeur que celle des actions ordinaires d’un point de vue patrimoine et fiscal. Quelle assiette faut-il retenir dans le calcul des plus-values découlant de la cession d’actions de préférence ? Une réponse de la doctrine est attendue à ce sujet. 

C’est pourquoi, il est nécessaire d’appréhender efficacement et prudemment la création des actions de préférence, et de s’entourer des conseils juridiques d’un professionnel du droit. 

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