Corruption et blanchiment d’argent au Brésil : l’affaire Lula et la notion de compliance

14 juin 2021

Figure emblématique de la gauche brésilienne, l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva est devenu en l’espace de cinq ans le symbole d’un pays gangréné par la corruption. Les déboires de l’ex-dirigeant s’inscrivent dans une opération d’ampleur (l’enquête « Lava Jato »). Celle-ci a mis au jour un système de pots-de-vin orchestré par les géants du BTP pour obtenir l’attribution de chantiers surfacturés à l’entreprise publique Petrobras avec la bénédiction de politiciens de tous bords. 

Ce scandale d’Etat permet d’illustrer la notion de « compliance » en entreprise, que nous tâcherons d’éclaircir car elle revêt une importance capitale pour les sociétés en quête de financements.

I – La compliance au service de l’image des entreprises 

De prime abord, la notion de « compliance » regroupe un ensemble de processus destinés à assurer qu’une entreprise, ainsi que ses dirigeants et salariés, respectent les normes juridiques et éthiques qui leur sont applicables. 

Cette mission complexe échoit généralement au compliance officer. Ceux-ci sont chargés d’anticiper les risques juridiques et financiers tout en préservant la réputation des entreprises, notamment lorsqu’elles mettent en œuvre une politique ou une action qui ne respecte pas la loi, leurs engagements contractuels, la déontologie ou l’éthique.

Cette mission s’avère lourde de conséquences. En effet, outre les possibles poursuites judiciaires et les sanctions potentielles, il ne fait nul doute qu’une société dont l’image est ternie accèdera plus difficilement aux investissements. 

Si l’on tient au rôle du compliance officer, celui-ci va notamment intervenir en matière de :

  • Lutte contre la fraude (Cf. « dieselgate », scandale sanitaire et industriel par le groupe Volkswagen, lequel a admis avoir employé des techniques pour réduire artificiellement les émissions polluantes de ses moteurs lors des tests d’homologation) ;
  • Lutte contre le blanchiment d’argent ;
  • Lutte contre le financement du terrorisme (Cf. groupe LafargeHolcim, spécialiste des matériaux de construction, auquel il été reproché le financement indirect des groupes terroristes en Syrie) ;
  • Protection des données personnelles (accentuée depuis l’entrée en vigueur du RGPD applicable depuis le 25 mai 2018) ;
  • Droit de la concurrence (en liaison avec l’Autorité de la concurrence française et la direction générale de la concurrence au sein de la Commission européenne, qui peuvent sanctionner financièrement les entreprises coupables de pratiques anti-concurrentielles) ;
  • Sécurité, d’hygiène et de conditions de travail ;
  • Responsabilité sociétale des entreprises (prise en compte de l’impact des activités de l’entreprise sur son environnement économique, social et écologique).

Plus généralement, l’essor de la compliance en France est récent et s’est démocratisé avec la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique du 9 décembre 2016 (loi Sapin II). Pour reprendre les mots de Michel Sapin, ancien ministre de l’Economie et des Finances :

« Le commerce prospère là où la corruption recule. Il existe une relation entre l’indice de perception de la corruption d’un pays et le niveau d’investissement. Ce projet de loi aura un effet macroéconomique vertueux ». 

De manière succincte, la loi Sapin II apporte certaines innovations :

  • Création d’une Agence française anticorruption constituée d’une commission des sanctions. La prévention et la détection de la corruption et du traffic d’influence pourront aboutir à des mesures et procédures contraignantes pour les entreprises en cause sous le contrôle de cette agence, à peine de sanctions pécuniaires ;
  • Mise en place d’un mécanisme de justice négociée (« convention judiciaire d’intérêt public ») entre le procureur de la République et la société mise en cause pour des faits de corruption) ;
  • Instauration d’un régime obligatoire de « say on pay » pour les sociétés cotées sur un marché règlementé, soumettant à l’approbation annuelle de l’assemblée générale des actionnaires les principes et critères de la politique de rémunération des dirigeants mandataires sociaux et membres des conseils de surveillance. 

II – L’affaire Lula et les dérives des relations entre le secteur public et privé

« Dans la démocratie que tu as si bien su consolider, les présidents qui transmettent le pouvoir, ne meurent pas. Ils ne deviennent pas plus comme ces grands vases chinois que tu évoquais, beaux mais encombrants au point que l’on ne sait trop où les mettre ».

Simple coïncidence ou message prémonitoire, ces paroles de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, adressées à son homologues brésilien Luiz Inácio Lula da Silva en 2010, ne manqueront pas de susciter l’ironie. Depuis, les deux hommes ont été condamnés pour corruption et traffic d’influence tout en phagocytant la sphère médiatique de leur Etat respectif.

En l’espèce, Petrobras, entreprise publique appartenant à l’Etat brésilien, commandait des chantiers à diverses entreprises du BTP. Cependant, les marchés étaient surfacturés, de sorte qu’ils coûtaient à Petrobras (et donc à l’Etat) plus cher que le coût normalement dû. Pire encore, le différentiel entre le coût « normal » de la prestation et les sommes effectivement payées constituait une cagnotte versée sous forme de pots-de-vin à différents partis politiques (dont la coalition au pouvoir). 

Près de 12,7 milliards d’euros ont ainsi été détournés des caisses de l’Etat selon la police brésilienne. Ces manœuvres frauduleuses misent en œuvre par les géants du BTP ont été rendues possibles par la complicité des cadres de l’entreprise Petrobras et celle de personnalités politiques de premier plan (ministres, sénateurs, députés et trois anciens présidents dont Lula et sa successeur Dilma Rousseff). 

Il est notamment reproché à Lula d’avoir accepté plus d’un million d’euros ainsi qu’un appartement luxueux pour son intervention dans l’attribution d’un contrat entre une entreprise d’ingénierie et la compagnie pétrolière Petrobras.

Lula est finalement condamné le 12 juillet 2017 à neuf ans et six mois de prison. Il devient dès lors le premier Président brésilien condamné pour un délit de droit commun. Il lui est par ailleurs interdit d’exercer une fonction publique, faisant obstacle à sa candidature pour les élections présidentielles de 2018. En dépit de l’appel formé, Lula voit sa peine alourdie en janvier 2018, passant à douze ans et un mois de prison.  

Enfin, le jeudi 15 avril 2021, la Cour suprême du Brésil est venue confirmer l’annulation des condamnations pour corruption de l’ex-président. Cette décision très favorable lui permet notamment de retrouver ses droits politiques, le rendant éligible aux présidentielles de 2022. 

Toutefois, Lula n’a pas été innocenté sur le fond. En effet, la juridiction suprême est simplement venue confirmer que le tribunal de Curitiba qui l’avait condamné n’était pas compétent. Par conséquent, lors d’une prochaine audience, les magistrats devront décider s’ils ordonnent le transfert du dossier à un tribunal de Brasilia ou de Sao Paulo. 

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