Les relations contractuelles d’affaires sont souvent entremêlées d’éléments d’extranéité rendant difficile la question du tribunal compétent en cas de litige. Un des instruments les plus pertinent en la matière est dénommé le règlement Bruxelles I bis. Tout d’abord il convient de s’assurer de son applicabilité, pour ensuite l’appliquer. Concernant l’application, ledit règlement en son article 4 donne une compétence générale au for du défendeur, avant d’en dégager une option de compétence en matière contractuelle par son article 7 paragraphe 1.
Pour appliquer correctement ce dernier, il convient de vérifier la qualification de la matière contractuelle (I), d’appliquer les compétences pour les contrats de droit commun (II), tout en prêtant une attention particulière pour les contrats spéciaux (III).
La qualification de la matière contractuelle
En principe, la CJCE dans un arrêt Jakob Handte affirme qu’on ne peut être en matière contractuelle qu’en présence d’un « engagement librement assumé d’une partie envers une autre », ce qui a permis à la CJUE en 2018 dans un arrêt Feniks de retenir cette qualification dans le cadre d’une action paulienne. Cependant, la Cour a itérativement élargi sa qualification, autonome de surcroît, en se référant à la cause de l’action plutôt qu’à l’identité des parties. Ainsi, dans un arrêt Flightright, la CJUE a accepté de retenir cette qualification pour un litige opposant deux personnes qui n’étaient pas liées par un contrat sur le fondement du règlement 261/2004, s’agissant au cas d’espèce d’un retard de vol d’avion.
Partant de cela, la CJUE fait application de cette souplesse à plusieurs reprises. De manière non-exhaustive, elle retient cette qualification en cas d’action en concurrence déloyale (arrêt Brogsitter) ainsi que pour la rupture de relations commerciales établies (arrêt Granarolo), tout en la refusant pour une action en abus de position dominante (arrêt Wikingerhof).
Après cette étape, il convient d’appliquer les règles qui détermineront la compétence du tribunal.
Les contrats de droit commun
L’article 7 fait une distinction en énonçant qu’une : “personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre:
a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ( OBSD);
b) ( …) ou au lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande qui est:
- pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
- pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où les services ont été ou auraient dû être fournis“.
Dès lors, il convient de différencier les contrats relevant du a), des contrats de prestation de services ou de marchandises relevant du b).
→ Pour les contrats de services ou de marchandises (b), il faut d’abord qualifier lesdits contrats tout en rappelant qu’il s’agit de qualifications dites autonomes :
- Concernant la vente de marchandises, la CJUE n’a pas donné de définition générale, mais dans un arrêt Car Trim elle a pu qualifier le contrat comme tel en se référant à l’obligation caractéristique de ce dernier qu’est la vente elle-même.
- Concernant le contrat de prestation de service, l’arrêt Falco affirme qu’une telle qualification implique que « la partie qui fournit le service effectue une activité en contrepartie d’une rémunération », tel un contrat d’agence commerciale (arrêt Woodfloor).
- Enfin, concernant le contrat de distribution, l’arrêt de la CJUE Corman-Collins affirme qu’il convient de prendre en compte l’obligation caractéristique du contrat.
Ensuite, il faut appliquer l’article 7 paragraphe 1 b) : le tribunal compétent est le lieu d’exécution de la prestation caractéristique, et ce, à l’aune des stipulations contractuelles. Parfois il peut y avoir plusieurs lieux possibles, convenant ainsi d’identifier le lieu principal de l’obligation caractéristique, par exemple, le lieu de livraison principal.
→ Si le b) n’est pas applicable, alors il faut revenir au a) de l’article 7 paragraphe 1. Ce dernier affirme que le tribunal compétent est celui où est situé l’OBSD, là aussi en prenant en compte le lieu principal en cas de risque d’éclatement de la compétence des tribunaux (arrêt Shenavai). Pour déterminer l’obligation en question, l’arrêt Tessili affirme qu’il convient d’appliquer la loi qui régit l’obligation litigieuse.
Les contrats spéciaux protégeant la partie faible
Les contrats concernés sont les contrats d’assurance, de travail et de consommation. Il convient d’étudier que le contrat le plus fréquent : le contrat de consommation.
Pour faire jouer les dispositions protectrices du consommateur, il faut vérifier que le contrat entre bien dans le champ d’application de l’article 17 dudit règlement. Autrement dit, il faut (i) qu’il y ait un consommateur au sens de l’article 17, (ii) un contrat, (iii) un contrat visé par l’article 17.
Si tel est le cas, alors le consommateur bénéficiera d’une protection accrue puisqu’il pourra agir devant le tribunal du domicile du défendeur, mais également devant le tribunal de l’État ou il est lui-même domicilié. A l’inverse, le professionnel ne pourra agir que devant le tribunal du domicile du défendeur consommateur.