L’article 388-1 du Code civil : L’audition de l’enfant mineur.

4 décembre 2023

L'article 388-1 du Code civil : L'audition de l'enfant mineur.

En France, notamment en droit de la famille, toute situation impliquant un enfant mineur, ou pouvant entraîner des conséquences dans la vie de l’enfant, exige que ce dernier soit entendu par le juge. Le législateur a reconnu ce droit dans les dispositions du Code civil, notamment à l’article 388-1 qui prévoit le droit à l’audition de l’enfant mineur.

Qu’est-ce que le droit à l’audition de l’enfant mineur ? Pourquoi un tel droit ? Comment se déroule l’audition et quelle est son importance ?

Le droit à l’audition de l’enfant mineur

Le mineur est défini à l’article 388 du Code civil comme un « individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis. ».

L’audition désigne le fait d’être entendu dans le cadre d’une procédure.

Qu’est-ce que le droit à l’audition de l’enfant mineur ?

Le droit à l’audition de l’enfant mineur est un droit absolu dont dispose tout enfant n’ayant pas encore atteint l’âge de la majorité, lui permettant d’être entendu par le juge dans toutes les procédures judiciaires le concernant.

Ces procédures peuvent inclure un divorce contentieux de ses parents ou une procédure consécutive à la séparation de ses parents non mariés. Il est important de noter que l’audition de l’enfant mineur est exclue dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel ou d’une procédure amiable entre les époux (article 229-2 du Code civil).

L’article 388-1 alinéa 1 du Code civil précise que :

« Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut … être entendu par le juge ou … par la personne désignée par le juge à cet effet. ».

La reconnaissance internationale du droit à l’audition de l’enfant

Le droit à l’audition de l’enfant jouit d’une reconnaissance internationale. La Convention de New-York relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 le consacre à l’article 12 al. 1er par ces termes :

« Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. ».

Le droit à l’audition de l’enfant est donc un des droits fondamentaux de l’enfant, du label des droits de l’enfant.

L’audition du mineur proprement dite

Une fois ce droit consacré, comment se déroule l’audition de l’enfant mineur ?

Quelle condition doit être remplie ?

Et qui peut en faire la demande ?

Le discernement de l’enfant mineur

Le discernement du mineur est la condition sine qua non de l’expression de son droit à l’audition. Autrement dit, lorsque le mineur en est dépourvu, son opinion ne peut valablement être prise en compte. Cette condition est posée à la fois à l’article 388-1 du Code civil et à l’article 12 de la Convention de New-York.

Le discernement, défini comme la capacité à distinguer le bien du mal, concerne la faculté du mineur à comprendre les choses qui l’entourent au-delà d’un simple aperçu.

Le discernement n’est pas strictement lié à l’âge du mineur. Le juge doit réaliser une appréciation subjective basée sur des critères tels que l’âge, la maturité, l’expression verbale et le degré de compréhension du mineur.

Il est crucial de souligner que tous les éléments d’appréciation du juge doivent être considérés dans leur ensemble, indissociablement. L’âge de l’enfant seul ne suffit pas à reconnaître sa capacité de discernement (Cass., civ. 1ère, 18 mars 2015, n° 14-11.392).

Ainsi, seul le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge, et le refus du juge de l’entendre peut être justifié uniquement par le manque de discernement de l’enfant (Cass., civ. 1ère, 14 avril, N° 18-26.707), sauf lorsque la procédure ne le concerne pas.

La demande de l’audition

A qui revient le droit de formuler la demande d’audition d’un enfant mineur dans un conflit parental ? 

La demande peut être formulée par :

  • L’enfant ;
  • Les parents de l’enfant ;
  • Le juge aux affaires familiales (JAF).

Un enfant qui fait la demande d’être entendu par le JAF ne peut se voir opposer un refus par celui-ci, sauf s’il n’est pas concerné par la procédure. Il est à noter que, face au conflit d’interprétation que suscite le terme discernement, le défenseur des droits ou défenseur des enfants a recommandé aux juges de considérer, sans distinction d’âge, une présomption de discernement pour tout mineur qui formule la demande d’être entendu.

Lorsque la demande émane de l’enfant, elle doit être rédigée par celui-ci et non par ses parents. L’enfant est alors convoqué par le Greffe par lettre simple.

Si la demande provient des parents, elle peut être rejetée dans certains cas. En effet, le juge peut toujours refuser d’entendre l’enfant s’il estime cela contraire à l’intérêt de l’enfant. De plus, lorsque l’intérêt de l’enfant mineur l’oblige, le juge peut décider de l’entendre d’office.

La demande d’audition de l’enfant peut être faite à tout moment, même après la clôture de la procédure.

Le déroulement de l’audition

Selon l’article 338-1 du Code de procédure civile, les titulaires de l’autorité parentale doivent informer le mineur de son droit d’être entendu lorsqu’une procédure le concernant est introduite. Lorsqu’ils sont convoqués à l’audience concernant l’enfant, un avis doit rappeler aux parents les dispositions de l’article 388-1 du Code civil.

Lorsque l’audition de l’enfant intervient dans le cadre d’une procédure de divorce, selon les articles 1144 et 1145 du CPC, le mineur capable de discernement doit remplir un formulaire annexé à la convention de divorce par consentement mutuel.

Par ailleurs, lorsque l’enfant demande à être entendu par le juge, les époux ne peuvent plus recourir au divorce par consentement mutuel avec signature privée et contreseing de leurs avocats (article 229-2 du Code civil).

L’enfant est entendu seul ou en présence d’un avocat ou d’une personne de son choix.

Le juge peut désigner une autre personne, s’il estime que celle choisie par l’enfant ne sert pas ses intérêts.

Il peut aussi entendre l’enfant lui-même ou désigner une personne pour le faire.

Ladite personne ne doit entretenir aucun lien avec l’enfant ni avec ses parents et doit être un professionnel du domaine psychologique, social et médico-psychologique.

Dans la pratique, les parents doivent déposer une attestation 388-1 qui atteste au JAF qu’ils ont bien informé l’enfant de son droit à être entendu. Cette attestation est vérifiée dès la première audience d’orientation et de mesures provisoires.

Compte rendu et importance de l’audition de l’enfant

Le compte rendu de l’audition

L’audition de l’enfant fait l’objet d’un compte rendu de la part du juge ou de la personne mandatée pour auditionner l’enfant. Il n’est pas précisé de forme particulière pour le compte rendu. Il peut donc être verbal ou écrit, dans le respect de l’intérêt de l’enfant.

Le compte rendu n’a pas à retracer littéralement les propos de l’enfant. Ce n’est donc pas l’intégralité de ses paroles qu’il faut rapporter. Le rapport ne doit contenir qu’un résumé des paroles de l’enfant.

L’importance de l’audition

L’audition a pour but de recueillir l’avis de l’enfant.  Cet avis est l’un des critères d’appréciation du juge sur lesquels il base sa décision relative à l’exercice de l’autorité parentale.

L’article 373-2-11 du Code civil prévoit que lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération :

  • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ;
  • Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ;
  • L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre ;
  • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant ;
  • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 ;
  • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

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