Dans le panorama des procédures d’urgences en contentieux administratif, le référé-liberté s’érige comme un rempart pour protéger les droits et libertés des citoyens. Méconnu pour certains, mais devenu essentiel aujourd’hui pour les justiciables, ce dispositif juridique offre une réponse rapide et efficace face à toute décision administrative portant un préjudice grave à l’exercice de leurs libertés fondamentales. Il convient dès lors d’explorer les subtilités du référé liberté pour comprendre son rôle, son fonctionnement et son impact depuis sa création.
Un recours spécifique pour protéger les droits et libertés des citoyens
Instauré par l’article 6 de la loi n°2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions, le référé-liberté est une procédure d’urgence permettant de mettre fin à une mesure administrative de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à l’exercice d’une liberté fondamentale par les citoyens.
Le référé liberté est inséré dans l’article L.521-2 du Code de justice administrative aux termes duquel « Saisi d’une demande en ce sens justifié par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ».
Les conditions de l’introduction d’une action en référé-liberté
Bien que tout individu puisse entamer une procédure de référé-liberté, certaines conditions doivent être remplies au préalable. Quelles sont-elles ?
Premièrement, la liberté menacée doit être une liberté fondamentale. Le Code de justice administrative ne proposant pas de liste exhaustive des libertés considérés comme fondamentales, il est donc revenu à la jurisprudence administrative de les définir. Ce faisant, depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2001, de la loi du 30 juin 2000 créant le référé-liberté, 39 libertés fondamentales ont été reconnus par le Conseil d’État parmi lesquelles figurent notamment :
- la liberté d’aller et venir (CE, Ord., 9 janvier 2001, n°228928) ;
- la liberté d’expression des courants de pensée et d’opinion (CE, Ord., 24 février 2001, n°230611) ;
- le droit d’assurer de manière effective sa défense devant un juge (CE, Ord., 3 avril 2002, n°244686) ;
- le droit de grève (CE, Ord., 9 décembre 2003, n°262186) ;
- la liberté de culte (CE, Ord., 16 février 2004, n°264314) ;
- le droit au respect de la vie privée (CE, Ord., 25 octobre 2007, n°310125) ;
- le droit de propriété des personnes publiques (CE, Ord., 9 octobre 2015, n°393895) ;
- la liberté de la presse (CE, Ord., 3 février 2021, n°448721) ;
- et plus récemment, le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (CE, Ord., 20 septembre 2022, n°451129).
Deuxièmement, la violation de la liberté fondamentale doit être imputable à « une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public » (Code de justice administrative, art. L. 521-2). En d’autres termes, l’administration doit être responsable de la violation de la liberté fondamentale en cause.
Troisièmement, l’atteinte à la liberté fondamentale doit être « grave et manifestement illégale » (Code de justice administrative, art. L. 521-2). L’appréciation par le juge des référés de la gravité de l’atteinte et de son caractère manifestement illégal n’est pas objective, mais s’effectue au cas par cas en fonction du contexte de l’affaire qui lui est soumise. Le juge des référés se livre ainsi à une appréciation in concreto pour évaluer si la décision administrative porte une atteinte grave et illégale à la liberté fondamentale invoquée, nécessitant un lien direct entre cette décision et le préjudice subi par le requérant.
Enfin, quatrièmement, il est impératif de démontrer l’urgence de la situation d’espèce pour justifier le recours au référé-liberté. En effet, cette procédure n’est envisageable qu’en cas d’urgence extrême, nécessitant une protection rapide et efficace des droits et libertés du justiciable.
La procédure du référé-liberté
Une fois que les conditions requises sont remplies, le demandeur peut saisir le juge des référés, qui doit statuer dans un délai de 48 heures après l’introduction de la requête devant le tribunal administratif.
Il est à noter que la recevabilité du référé-liberté n’est pas subordonnée à une décision administrative préalable, et qu’il n’est pas nécessaire d’engager une autre action en parallèle, le référé-liberté pouvant être utilisé de manière autonome. De plus, l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire (Code de justice administrative, art R. 522-5).
En cas de rejet de la demande par le juge des référés, le requérant peut faire appel, dans un délai de quinze jours, directement devant le Conseil d’État, qui statuera également dans un délai de 48 heures (Code de justice administrative, art L. 523-1).
Un recours administratif d’urgence aux avantages multiples
Grâce à cette procédure d’urgence, le juge des référés peut prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l’atteinte à une liberté fondamentale. Autrement dit, ce recours permet ainsi de réagir rapidement et efficacement face à une atteinte grave, illégale et manifeste à l’exercice d’une liberté fondamentale.
En agissant dans des délais très courts (au grand maximum 48 heures), le juge des référés offre une réponse rapide et claire au justiciable, jouant un rôle crucial dans la protection des droits et libertés des individus.
En somme, le référé-liberté se positionne comme une pierre angulaire dans l’écosystème des référés, en témoigne son utilisation significative lors de situations exceptionnelles telles que la pandémie de Covid-19, période au cours de laquelle le référé-liberté a connu un certain essor.