La validité d’un acte ou d’une procédure est soumise au respect de certaines conditions. Les unes se rapportent au fond (negocium), tandis que les autres se rapportent à la forme (instrumentum). Les conditions de forme sont celles qui évoquent la forme de l’acte ou d’une procédure. Elles se rapportent aux mentions obligatoires et à la présentation de l’acte. L’inobservation d’une condition de forme est constitutive d’un vice de forme (article 114 du CPC). Dans cet article, nous revenons sur ce qu’est le vice de forme. Dans quels cas évoquer un vice de forme ? Et enfin comment le régulariser ?
Qu’est-ce qu’un vice de forme ?
La notion de vice de forme
Le vice de forme est une irrégularité sur la forme de l’acte. Il s’agit d’un manquement à une formalité plus ou moins essentielle et pouvant entraîner jusqu’à la nullité de l’acte. La nullité est une sanction à un acte qui ne respecte pas les conditions substantielles de sa validité. Il peut s’agir de conditions de fond (article 117 du CPC) ou de condition de forme.
Dans un vice de forme, il y a violation dans la présentation de l’acte. L’acte ne présente pas toutes les mentions obligatoires, il ne remplit pas toutes les formalités liées à sa présentation. Il y a par contre vice de procédure, lorsqu’un l’établissement d’un acte juridique n’a respecté toutes les étapes essentielles. Le vice de fond pour sa part est un manquement à une condition de fond (capacité, pouvoir, etc.).
Les caractéristiques du vice de forme
Pour évoquer une nullité pour vice de forme, il faudrait que la partie qui s’en prévaut apporte la preuve du grief subi par elle du fait dudit vice. C’est ce qu’indique le législateur à l’alinéa 2 de l’article 114 du Code de procédure civile.
L’existence d’un grief est donc la condition préalable pour évoquer une nullité, et ce que la violation se rapporte à une formalité substantielle (ordre public) ou non. Le législateur a voulu par ce moyen éviter les manœuvres dilatoires par lesquelles une partie évoque une nullité pour un vice de forme sans aucune incidence sur le procès ni sur la validité d’un acte. Ce garde-fou instauré par le législateur se résume en la formule « pas de nullité sans grief ».
Il faut noter que cette règle est parfois appréciée différemment selon les cas.
Dans certains, le juge s’en tient à la justification préalable d’un grief, conformément à la formule ci-dessus, on parle alors d’appréciation in concreto (Cass. 2e civ. 27 juin 2023). Dans d’autres cas par contre, le juge va faire une appréciation in abstracto, par laquelle il ne sanctionne pas l’incidence du vice, mais plutôt la violation ou omission d’une mention essentielle ; il peut également se limiter à l’importance de la règle ou de la formalité violée lorsqu’elle porte atteinte aux droits de la défense (Cass. 3e civ. 3 décembre 2015).
La mise en œuvre de la nullité pour vice de forme ne peut être que du fait de la partie lésée, soit la partie destinataire de l’acte vicié ou acte entaché d’irrégularité. C’est donc la partie qui a subi le préjudice qui peut se prévaloir de la nullité d’un acte pour vice de forme (Cass. 2e civ. 21 juillet 1986). A la différence de la nullité pour vice de fond qui peut être soulevé d’office par le juge, dans le cas d’un vice de forme, le juge ne dispose pas de ce pouvoir. L’exception de nullité pour vice de forme doit être soulevée au fur et à mesure que les actes susceptibles d’être affectés par le vice sont accomplis.
Dans quels cas évoquer un vice de forme ?
En cas de violation d’une condition de forme prescrite par un texte
Lorsqu’un acte ne respecte pas les conditions de forme prescrites par un texte, alors on peut dire qu’il est entaché de vice de forme. En d’autres termes ici, pour que soit caractérisé un vice de forme, il faudrait qu’un texte ait au préalable prévu la forme ou la présentation d’un acte, et indiqué quelle violation à cette forme est constitutive de vice pouvant être sanctionnée par la nullité de l’acte en question. C’est l’essence même de la formule « pas de nullité sans texte » (article 114 du Code de procédure civile).
Il faut observer que les causes de nullité d’actes de procédure sont les nullités pour vice de forme. Voici quelques violations de conditions de forme constitutives de vice de forme :
- Le défaut ou l’irrégularité des formalités de notification des actes de procédure et des décisions de justice ;
- L’omission ou l’inexactitude de certaines mentions propres à l’acte d’huissier de justice ;
- Le défaut ou l’irrégularité des mentions qui doivent figurer sur une assignation ;
- Le défaut ou l’irrégularité des mentions qui doivent figurer sur un acte de déclaration d’appel.
En cas d’inobservation d’une formalité substantielle
L’inobservation d’une formalité substantielle ou formalité d’ordre public sur un acte de procédure est passible de nullité pour vice de forme. C’est une exception au principe posé par l’article 114 du CPC selon lequel « pas de nullité sans texte ».
Cette exception tire son origine dans la distinction classique entre formalités substantielles et formalité secondaires. Elle a été posée pour la première fois par la Cour de cassation dans un arrêt du 18 novembre 1947, dans lequel elle avait écarté l’application du principe « pas de nullité sans texte », lorsque la violation touche une formalité substantielle.
Le juge a décrit la formalité substantielle comme un caractère qui tient à la raison d’être d’un acte de procédure et indispensable à l’accomplissement de son objet (Cass. 3e civ. 3 mars 1955). Quoique critiqué par la doctrine au motif qu’un tel raisonnement de la jurisprudence signifie l’inexistence d’un acte en violation d’une formalité substantielle, les juges ont maintenu cette distinction au fil du temps, qui a finalement été consacrée par le législateur.
Comment régulariser un vice de forme ?
Un acte de procédure frappé de nullité pour vice de forme peut être régularisé afin qu’il produise ses effets de droit. L’article 115 du CPC dispose que « La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. ». Il en ressort que la régularisation d’une nullité pour vice de forme, trois conditions cumulatives doivent être remplies.
- Première condition :
L’auteur de l’acte vicié ou entaché d’irrégularité doit procéder à la rectification de l’acte en accomplissant un nouvel. Cet acte rectifié doit annuler et remplacer celui vicié. Si le vice est caractérisé par une omission de mentions prescrites à peine de nullité, il s’agira de délivrer une nouvelle assignation en bonne et due forme.
- Deuxième condition :
L’acte en question ne doit pas être forclos. C’est dire qu’entre la naissance de l’irrégularité et la rectification, il ne doit pas y avoir eu de forclusion, ou d’expiration de délai.
- Troisième condition :
La troisième condition se rapporte au grief. L’acte rectifié doit interrompre ou faire cesser le grief occasionné par l’acte vicié. Il faut surtout que le grief n’ait pas entraîné une perturbation durable de la défense de l’adversaire.