Louboutin et semelles rouges : bataille juridique pour la protection un monopole ? (Partie 1)

16 avril 2021

Louboutin et semelles rouges : bataille juridique pour la protection un monopole ? (Partie 1)

« Pas un talon haut n’est assez haut pour moi. » Christian Louboutin. C’est ce qu’a démontré le célèbre créateur français par le biais des multiples batailles juridiques opposant Louboutin à d’autres marques pour la protection du monopole de ses semelles rouges à travers le monde. Connue pour ses semelles rouges remarquables, Louboutin tente de déposer la couleur rouge, qui serait rattachée uniquement à elle-même en tant que marque. 

I – L’affaire Louboutin contre Zara – un rouge qui fait débat 

Ainsi, à l’instar de Coco Chanel ou LVMH, le géant du Luxe Christian Louboutin n’a pas échappé aux problématiques liées à la propriété intellectuelle.

Le coeur de ces litiges est une couleur bien précise. Pour Louboutin, c’est la nuance rouge avec le pantone n. 18. 1663TP sous la semelle d’une chaussure qui suscite ces différends. La distinction de ces nuances de rouges est souvent remise en question. Les juges ont également mis en avant le concept de loi sur la marque et de l’applicabilité de celui-ci dans le cas des couleurs. Ces cas sont la possibilité d’illustrer la difficulté de protéger les panneaux de couleur, menant à des litiges importants dépassant toutes frontières, dont l’affaire française Louboutin contre Zara, l’affaire européenne opposant l’EUIPO (European Union Intellectual Property Office) et Louboutin à Van Haren, puis l’affaire américaine Louboutin contre Yves Saint Laurent.

C. Louboutin a déposé une marque figurative internationale auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) ayant pour spécificité une semelle de chaussure de couleur rouge. 

Des actes de contrefaçon sont par la suite reprochés à Zara qui commercialise des chaussures à semelle rouge. Le tribunal de grande instance le Paris, le 4 novembre 2008, estime que la marque de C. Louboutin consistant en la semelle rouge des célèbres souliers est valable car suffisamment distinctive mais déboute finalement le requérant de son action en contrefaçon. (TGI Paris, 4 novembre 2008, n° 06/16750) 

L’absence de référence de la couleur Pantone est sans importance pour les juges de première instance car la marque était aussi caractérisée par d’autres éléments, comme l’inscription du nom Christian Louboutin. Cependant, la cour d’appel de Paris affirme la nullité de la marque le 22 juin 2012 (JurisData : 2011-023927) pour manque de précision et d’exactitude lors de l’analyse de la figure. En effet, la couleur rouge n’était pas définie grâce à une référence, telle que le code Pantone, internationalement reconnu, et semblait être « imposée par sa nature et sa fonction ». Ce manque de distinctivité provient donc du fait que la marque voit sa forme être dictée par sa nature, la marque consistant en effet en une semelle de couleur rouge. De plus, cette couleur n’était pas identifiable au vu du manque de référence à un code internationalement reconnu exigée depuis un arrêté du 2 septembre 2008 lors du dépôt de ladite marque. C’est donc à la fois la forme et la couleur qui posent un problème en ce qu’aucune représentation graphique de ceux-ci n’existe et que le signe est dépourvu de tout caractère distinctif.

Les Hauts magistrats sont amenés à évoquer le pourvoi formé contre la décision mentionnée dans un arrêt en date du 30 mai 2012. La Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme la nullité de la marque pour défaut de distinctivité. Effectivement, « ni la forme ni la couleur de la semelle litigieuse ne faisaient l’objet d’une représentation graphique lui permettant d’être représentée visuellement ». (Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 mai 2012 n° D 11-20.724) En suivant la jurisprudence établie en matière de validité de marque de couleur, est logiquement annulée la marque de Christian Louboutin. 

Les juges rappellent néanmoins qu’une couleur unique peut constituer une marque à condition cependant d’être susceptible d’une représentation graphique et de présenter un caractère distinctif. Il peut également être relevé que la notoriété de la marque ne suffisait pas à lui donner raison dans cette affaire : l’usage de la semelle rouge s’attache « à la gamme de chaussures, non à la marque litigieuse » d’après la Haute juridiction.

Nota bene : L’exigence de la représentation graphique n’est plus une obligation, elle était prévue dans la rédaction antérieure à l’ordonnance du 13 novembre 2019. Aujourd’hui, la marque est “Un signe servant à distinguer les produits ou service d’une personne physique ou morale” selon l’article L711-1 du CPI. 

II. La semelle rouge « Pantone » – une précision qui importe 

On aurait pu penser que l’histoire en resterait là. Mais les escarpins sont de plus en plus tendances et n’ont donc pas fini de faire parler d’eux ! Désormais abordable et facilement accessible (notamment grâce à l’aide des sites de reventes en ligne), la croissance de leurs achats est fulgurante. Une croissance justifiée, par un produit qui fait l’unanimité et qui se démarque par ses caractéristiques qui semblent se distinguer nettement de ses homologues. 

Symbole de l’élégance féminine, les enseignes cherchent par tous les moyens à se démarquer mais aussi à copier les produits phares de leurs concurrents. 

Les marques se positionnent financièrement mais aussi juridiquement sur le sujet ; l’objectif est à tout prix de protéger leurs créations et la commercialisation de celle-ci.  

Les revenus que génèrent ces chaussures sont tels que la concurrence est bien plus intense qu’on ne pourrait le penser.

Il faut dire que certains signes distinctifs ont marqué les consciences. Aujourd’hui, qui ne remarque pas la fameuse semelle rouge de Louboutin. Au-delà de la protection de la marque elle-même, c’est aussi la protection de l’œuvre et de l’innovation artistique qu’elle représente qui est mise en avant. Plus que la marque, c’est aussi l’artiste qui se doit d’être protégé. En effet, bien souvent le créateur n’est que peu cité dans ces affaires, en tout cas moins que pour d’autres milieux artistiques comme la peinture ou la musique. 

Une bataille entre les grands noms de la mode, et particulièrement du luxe, fait rage. Derrière les défilés et les campagnes publicitaires reflétant une vie parfaite, se cache en réalité le visage habituel du monde des affaires. La mode n’échappe donc pas aux règles de ce monde où le respect du créateur importe peu.

Il existe donc une suite à cette affaire en 2014, lorsque Louboutin obtient une victoire suite à une précision d’une référence Pantone lors du dépôt de la marque. Le 16 octobre 2014, un arrêt est rendu par le tribunal de grande instance de Paris (n°13/08301) dans lequel Louboutin reproche des actes de contrefaçon à Madame Laken Ngami, entrepreneuse individuelle, notamment concernant la marque « semelle rouge »

M. Louboutin et la société du même nom soutiennent que la représentation de cette marque telle que déposée, remplit bien les conditions nécessaires pour être valide. Ils ajoutent que le signe de la semelle rouge est indicateur de la provenance du produit. Enfin, ils soulèvent que la marque internationale correspondante a bien été acceptée par l’EUIPO pour déduire qu’elle présentait un caractère distinctif. Les juges du fond donnent raison à C. Louboutin

La marque avait bien été enregistrée avec la référence Pantone 18-1663TP, et une illustration pouvait permettre d’indiquer où la couleur protégée était apposée sur la chaussure. Ainsi, le critère de représentation graphique est correctement rempli grâce à cette illustration de la chaussure et la référence au code de la couleur dont on recherchait la protection. Concernant sa distinctivité, les juges concluent que la marque est distinctive car « l’application d’une couleur rouge spécifiquement déterminée à la partie extérieure d’une semelle » de couleur rouge sur des talons hauts « constitue une spécificité en soi »

Les documents versés permettaient d’établir en effet que l’application d’une telle couleur à un tel emplacement sur des chaussures à talons hauts était un signe qui laissait le consommateur identifier la provenance du produit. Ici les juges ont relevé la notoriété dont bénéficient les chaussures Louboutin dans le domaine des chaussures de luxe où l’association de la semelle rouge à la société Christian Louboutin s’opérait très facilement et fréquemment.

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