En mars 2023, le Portugal a décidé d’appliquer un taux zéro de TVA sur les produits de première nécessité. Une telle mesure n’est pas nouvelle. En effet, l’Espagne avait en décembre dernier, adopté un décret-loi royal appliquant ce même taux zéro aux produits de première nécessité afin de faire face à l’inflation que connaît le pays depuis le début de la guerre en Ukraine.
Ces mesures peuvent apparaître comme étant radicales. On peut même se poser la question de leur régularité vis-à-vis du droit de l’Union européenne. Cependant, il n’en est rien, le droit de l’Union européenne, et notamment une directive de 2006 dédiée à la TVA, prévoit que ce fameux taux zéro puisse être mis en œuvre dans des cas exceptionnels et temporaires. C’est notamment le cas durant une période de transition ou dans le cas présent en cas de crise inflationniste.
Cette mesure apparaît comme étant la solution pour pallier l’inflation mais est-ce vraiment le cas ?
Une mesure radicale présentant des limites
En mars 2023, le Portugal a annoncé qu’il appliquerait un taux zéro de TVA sur les produits alimentaires essentiels. Cette décision prise par le gouvernement portugais s’inspire de la mesure adoptée par l’Espagne fin 2022.
En effet, en décembre 2022, l’Espagne a adopté un décret-loi royal faisant passer les aliments soumis à un taux réduit de TVA de 4% à un taux zéro. Cette mesure s’explique notamment par la dangereuse inflation que connaît les pays de la péninsule ibérique depuis le début de la guerre en Ukraine. L’Espagne comme le Portugal sont fortement touchés par cette guerre, avec 15,3% d’inflation pour l’Espagne sur l’année 2022.
Cette mesure, certes radicale, était nécessaire selon les gouvernements espagnol et portugais. Effectivement, cette réduction du taux de TVA a pour but d’apporter une certaine stabilité des prix pour le pays et ainsi soutenir les ménages moyens qui sont les premières victimes de l’inflation.
Cependant, cette mesure quelque peu surprenante peut présenter divers problèmes. En effet, pour que cette mesure soit totalement efficace il faut que la grande distribution répercute bien la baisse des prix en magasin. Or, aucun contrôle n’est prévu par les différents textes législatifs dans les deux pays pour assurer un tel contrôle, c’est bien là une limite que l’on peut reprocher à cette mesure. Effectivement, on peut craindre que les grandes chaînes de distribution profitent de cette réduction des prix pour gonfler leurs profits. C’est ce qui a pu être observé en Espagne, malgré la baisse du taux de TVA les prix des produits de première nécessité n’ont pas diminué et sont toujours aussi élevés.
Certains politiciens portugais craignent qu’un phénomène similaire se produise au Portugal et que cette mesure qui devait aider les ménages à faire face à l’inflation aide plutôt les grandes firmes à augmenter leur chiffre d’affaires.
Une mesure TVA difficilement envisageable en France
Même si la crise actuelle qui touche l’Europe pourrait justifier que la France réduise le taux de TVA sur certaines denrées de premières nécessité, cette réduction pourrait poser problème dans le sens où la TVA est l’impôt sur la dépense qui rapporte le plus à l’État français, plus de la moitié de ses recettes provient de la TVA.
Une mesure dans le même esprit que le décret-loi royal espagnol est donc assez peu envisageable car cela priverait l’État français d’une partie de ses recettes. De plus, l’investissement à faire pour mettre en œuvre une telle mesure est considérable, investissement que la France peut difficilement se permettre au vu de sa dette qui ne fait que s’agrandir depuis la crise du Covid 19.
De plus, le gouvernement français a opté pour une politique anti-inflationniste se basant sur l’octroie de ristourne sur le carburant, politique que les deux pays de la péninsule ibérique de l’Union européenne ont décidés d’abandonner.
Si la France décide d’adopter une telle mesure, ce qui semble peu probable, le gouvernement devra s’assurer de ne pas commettre les mêmes erreurs que l’Espagne et le Portugal et mettre en place dès le début un contrôle de la grande distribution afin de s’assurer que les entreprises répercutent bien la baisse de TVA sur ses prix en magasin. Le gouvernement devra également s’appuyer sur les raisons de l’échec du panier anti-inflation qu’ils ont voulu mettre en place, échec qui est notamment dû au manque de coopération de la grande distribution.
Enfin, même si cette mesure a l’air ingénieuse sur le papier, son effet reste à relativiser. En effet, avec une inflation de 14,5% sur les produits alimentaires l’abandon d’une TVA de 5,5% sur ces derniers n’apparaît pas comme étant la solution miracle selon de nombreux économistes.