« Les plus grands groupes d’entreprises, multinationaux ou nationaux, devront payer un impôt sur les sociétés qui ne peut pas être inférieur à 15 % au niveau mondial » déclarait le ministre tchèque des finances Zbyněk Stanjura.
Le 12 décembre 2022, le Conseil de l’Union européenne réunissant les ministres de l’Économie des 27 États membres, est parvenu à un accord sur une taxation des bénéfices à hauteur de 15%.
L’avènement de l’impôt minimum de 15% au sein de l’OCDE
Cette vaste réforme fiscale menée par l’UE était déjà en travaux depuis 2016 sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Effectivement, la Directive trouve son origine dans la publication de l’OCDE, le 8 novembre 2019, d’une « proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition », couramment dénommée « GloBE » (pour « Global Anti-Base Erosion »). L’ensemble de cette proposition a été approuvée par une déclaration des 130 Etats composant le cadre inclusif OCDE/G20 du 1er juillet 2021 et par une nouvelle déclaration du 8 octobre 2021 à laquelle ont participé 140 pays.
Cette réforme d’octobre 2021 des règles en matière de fiscalité internationale des entreprises par l’OCDE comporte deux piliers.
— Le Pilier 1 comprend un système d’attribution des droits d’imposition des plus grandes multinationales aux juridictions où les bénéfices sont réalisés. C’est l’administration Biden qui avait proposé, à ce sujet, de taxer les multinationales non plus en fonction de leur présence physique dans un pays mais des bénéfices qu’elles y réalisaient par leurs activités.
Pour les entreprises multinationales qui réalisent des bénéfices supérieurs à 10 % de leur chiffre d’affaires, 25% de ces profits seront répartis vers les pays dans lesquels leurs biens et services sont utilisés et consommés. Afin de permettre une application efficace de la mesure, seuls les Etats dans lesquels les entreprises concernées réalisent plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires en bénéficieront. Le seuil passe à 250 000 euros si le PIB de l’Etat est inférieur à 40 milliards d’euros, afin de favoriser les pays les moins riches (au-delà des seuls pays du Sud, quatre pays de l’UE sont également concernés : la Lettonie, l’Estonie, Chypre et Malte).
— Le Pilier 2, quant à lui, comporte des règles visant à réduire les possibilités d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices. Les bénéfices des grandes multinationales et des sociétés ou groupes nationaux, dont le chiffre d’affaires annuel cumulé est d’au moins 750 millions d’euros, seront imposés à un taux d’imposition qui ne pourra pas être inférieur à 15 %.
Les grands groupes multinationaux doivent désormais payer un taux minimum d’impôt sur les sociétés. Selon l’OCDE, cette mesure doit créer 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires. Par exemple, une société allemande dont les profits sont localisés dans un paradis fiscal, et qui à ce titre ne paie aujourd’hui pas d’impôts, sera désormais contrainte d’en reverser 15 % à l’Allemagne. De même, une entreprise française, taxée quant à elle au taux de 8% dans un autre pays à faible fiscalité, devra verser la différence à la France, soit 7 % d’impôts supplémentaires.
D’après l’ONG Tax Justice Network, les pays européens auraient perdu près de 80 milliards de dollars de recettes fiscales en 2020 en raison de l’évasion fiscale. Pour lutter contre cela, le 22 décembre 2021, la Commission européen a publié une proposition de directive permettant d’instaurer l’impôt minimum.
La mise en place de l’impôt minimum de 15% au sein de l’UE
Environ un an après la publication d’une proposition de directive par la Commission européenne, les dirigeants des pays membres de l’UE ont approuvé la transposition en droit européen de l’impôt minimal de 15 % sur les bénéfices des entreprises.
La transposition du second pilier de l’impôt mondial a été retardée par les vétos hongrois et polonais. En effet, Varsovie et Budapest avaient tour à tour bloqué ce dossier afin d’obtenir par l’UE la validation de leurs plans de relance dotés de milliards d’euros de subventions. Les deux ont finalement approuvé le projet à la mi-décembre après avoir eu un feu vert sur leurs plans de relance. L’unanimité des vingt-sept pays membres de l’Union européenne était nécessaire pour valider le projet de directive préparé par la Commission qui met en oeuvre l’accord historique de l’OCDE.
La directive 2022/2523 du Conseil de l’UE, visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union, a ainsi été publiée au Journal officiel de l’Union européenne ce 14 décembre 2022. La directive doit être transposée par les États membres avant le 31 décembre 2023 pour une application aux exercices des sociétés concernées à compter de cette date.
Cette réforme a d’ailleurs été saluée par les dirigeants franco-allemand. Le président français Emmanuel Macron a déclaré que c’est une « une avancée majeure pour toutes celles et ceux qui tiennent comme nous, nous y tenons, à la justice fiscale ». Le chancelier allemand Olaf Scholz a souligné que « l’imposition minimale des entreprises au niveau mondial » était l’un de ses « projets les plus chers en Europe ».
Cependant, si l’impôt minimum de 15 % (second pilier) peut directement être introduit par chaque Etat dans sa législation, la répartition des surprofits (premier pilier) nécessite quant à elle une convention multilatérale. L’OCDE, qui devait initialement l’élaborer pour la fin de l’année 2022, a souhaité reporter cette échéance à la mi-2023. La convention devra ensuite être ratifiée par l’ensemble des Parlements nationaux, dont le Congrès américain, pour une entrée en vigueur ajournée à 2024.