Faute d’un joueur de football : responsabilité de l’association ou du joueur auteur de la faute ?

19 janvier 2023

Faute d'un joueur de football _ responsabilité de l'association ou du joueur auteur de la faute

La faute commise par un joueur de football peut entraîner des conséquences juridiques importantes. Ces conséquences peuvent peser sur le joueur mais également sur l’association sportive responsable. Revenons sur les précisions encadrant le régime de la faute d’un joueur.

Fiche de l’arrêt de la Cour de cassation du 29 août 2019

La réponse à la question posée par le titre est apportée par la Cour de cassation le 29 août 2019 : l’arrêt a été rendu à l’occasion d’un litige dans le cadre sportif : M.Y est blessé par M.M lors d’un match de football. Le tacle a provoqué chez le demandeur une fracture du tibia et du péroné de la jambe droite. Suite à l’incident, la victime assigne le joueur ainsi que son association en responsabilité et exige indemnisation.

Le demandeur est débouté de sa demande par la Cour d’appel de Toulouse dans son arrêt du 18 avril 2018, qui estime que la faute commise par M.M était une faute grossière aux termes de la circulaire 12.05 de 2011 ; circulaire de la Fédération française de football. Elle ajoute finalement que la faute commise faisait partie des risques acceptés par les joueurs dans le cadre d’une confrontation de football et que l’intention de blesser l’adversaire n’a été constatée que par le demandeur lui-même, excluant ainsi l’existence d’une intention fautive malveillante de M.M.

La Cour de cassation a donc dû répondre au problème suivant :  la faute grossière d’un footballeur engage-t-elle sa responsabilité civile et notamment celle de l’association dont il est membre ? Une deuxième question se pose : Dans quelle mesure la solution rendue par la Cour de cassation est-elle conforme au droit positif ? 

Il est admis que des fautes peuvent être commises par les joueurs dans le cadre d’un match de football. Les arbitres sont toutefois présents afin d’encadrer et sanctionner les fautes dans le cadre de l’affrontement. En revanche, certaines fautes sortent du cadre sportif et peuvent faire l’objet de recours, notamment en cas de grave blessure à l’encontre d’un joueur. Le problème de la responsabilité civile est soulevé à cette occasion : si indemnisation est admise en faveur de la victime, qui verra sa responsabilité engagée, l’association ou le joueur ? 

L’état actuel du droit sur la question de la faute du sportif

Il convient tout d’abord de rappeler le principe de faute : une faute désigne un comportement anormal, volontaire ou non qui portait atteinte au droit d’autrui en lui causant un dommage.

Précision sur le comportement anormal

Le comportement anormal est assimilé au modèle du bon père de famille originellement institué par le droit civil. Ainsi, toute action s’écartant de l’idéal du bon père de famille serait considérée comme une faute causée à autrui. Le principe connexe au bon père de famille est la responsabilité du fait personnel : le fondement de reconnaissance des fautes le plus ancien régi par l’article 1382 du Code civil indique que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». De ce fait, la réparation de la faute incombe forcément à l’auteur de celle-ci lorsqu’elle lèse autrui de son droit.  

L’évolution jurisprudentielle sur la notion de faute du sportif

Nonobstant, le droit civil étant un droit évolutif, les situations juridiques impliquant la responsabilité des choses dont on a la garde se multiplient, conduisant ainsi à la création d’une nouvelle forme de responsabilité consacrée par la jurisprudence. L’arrêt Jand’heur consacre notamment ce régime juridique nouveau qui prend son fondement en l’article 1384 du Code civil disposant que l’on est responsable « non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde »  

Toutefois, il s’agit là d’une faute dans le cadre sportif, ce qui suppose forcément la nécessité de caractériser une faute violant les règles du jeu du football

Un joueur est non seulement soumis aux règles sportives, mais aussi à la loi. De la même manière, les associations qui représentent les joueurs sont soumises aux 2 régimes. De ce fait, lorsqu’un joueur ne se conforme pas aux règles du jeu et les viole, l’association dont il est membre peut voir sa responsabilité engagée La faute sportive ayant entraîné la blessure doit toutefois être regardée comme violation aux règles du jeu et est une condition préalable à la faute civilement répréhensible. Autrement, l’association ne peut voir sa responsabilité engagée : lorsque la faute faisant l’objet du litige n’est pas contraire aux règles du jeu, l’association n’est aucunement responsable et l’indemnisation  se fera à titre personnel, par l’auteur du dommage.

La Cour de cassation dans cet arrêt juge en ce sens : elle estime que le joueur comme l’association sont tenus d’indemniser le demandeur car il y a eu non seulement une violation aux dispositions légales mais aux règles du football, notamment la circulaire 12.05 de juillet 2011 de la Direction nationale de l’arbitrage de la Fédération française de football. La Cour d’appel a donc violé les textes en vertu desquels elle statue, et le demandeur obtient gain de cause, à savoir une indemnisation versée à la fois par le joueur en tant qu’auteur de la faute lui ayant causé un préjudice corporel mais aussi l’association en qualité de « gardien », assureur du joueur. 

La jurisprudence a maintenu intacte sa position au sujet de l’existence de limitations en ce qui concerne les fautes à risques normaux : étant un sport de contact, le football implique nécessairement un contact physique entre les joueurs, contacts marqués d’une « énergie particulière inhibitrice des réflexes habituels de prudence »qui, « dans la vie quotidienne seraient nécessairement qualifiés de risqués ou dangereux ».  Il est clair qu’il s’agit de gestes plus ou moins violents qui sortent de l’ordinaire et des gestes usuels, mais cela n’empêche en rien l’exécution de sanction lorsque la brutalité des gestes est prononcée. Les violences doivent demeurer licites et doivent respecter un seuil préétabli par les règles du jeu soumis à l’appréciation des juges ainsi que des arbitres. Le juge dans son arrêt ici a donc évalué la violence de la faute en prenant pour référence le modèle de joueur qui est loyal, attentif et diligent. 

La Cour de cassation a, comme à son habitude jurisprudentielle, admis l’existence d’un cumul des responsabilités civiles de l’association et celle du joueur au profit des victimes.

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