Qu’est-ce qu’une NFT ?
Les NFT sont des « Non-fungible Token » qui permettent de rendre un fichier numérique unique afin de pouvoir en obtenir la propriété exclusive de l’œuvre originale incluse. Ainsi, dans la pratique, on a pu retrouver la maison d’enchère, Christie’s qui a proposé une vente d’une œuvre de l’artiste Beeple sous la forme de NFT, et cette vente a atteint la somme de 69,3 millions de dollars. De plus, il existe un réel engouement face aux NFT : il n’est pas rare de voir des photos de profil sur les réseaux les exposant fièrement. Ainsi, aux vues du montant que peut avoir un NFT et du lien étroit avec le monde de l’art ou de l’illustration, il est nécessaire d’envisager ces derniers sous l’angle juridique.
Le droit d’auteur des NFT
Par principe, on retrouve ce droit d’auteur à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle qui permet à l’auteur de l’œuvre de l’esprit d’obtenir certains droits de protection et d’exploitation. Toutefois, pour se faire, il est nécessaire que l’œuvre soit originale c’est-à-dire qu’elle porte la marque de la personnalité de l’auteur qu’elle révèle alors d’un effort créatif, mais aussi que l’œuvre soit tangible.
L’intégration des NFT sous ce régime du droit d’auteur permet par le biais des droits moraux qui protègent la création et son auteur de toute divulgation faite sans son consentement pouvant alors intervenir face à l’affichage au quotidien des NFT sur les réseaux. Il y a également des droits patrimoniaux qui permettent à l’auteur d’une création d’exploiter l’œuvre comme bon lui semble. Ainsi, avec ces droits, l’auteur peut décider de l’utilisation de leurs œuvres et en tirer une éventuelle rémunération, que l’on retrouve déjà avec la vente de ces NFT.
Ainsi, un contrat de cession des droits d’auteur permettrait à l’auteur de céder les droits patrimoniaux dont il dispose sur l’œuvre et l’acheteur pourrait alors exploiter cette dernière à la place de l’auteur.
La non reconnaissance d’oeuvre d’art pour les NFT
L’article L112-1 du CPI aborde les différentes œuvres de l’esprit qui peuvent être des livres, des œuvres de dessin, des illustrations et bien d’autres. Toutefois, il n’y a aucune notion de NFT alors qu’on y retrouve bien des illustrations. Il faut cependant préciser que cet article n’a pas été modifié depuis 1994 et que les NFT ont fait une apparition récente aux alentours de 2007.
Cependant, les NFT ne peuvent être qualifiées d’œuvres de l’esprit ; elles nécessitent de passer par des processus informatiques ne permettant pas de les considérer comme tel. Les acheteurs ne reçoivent pas l’œuvre au moment de l’achat.
De plus, une telle considération dans le régime d’œuvre d’art par exemple aurait permis un régime fiscal propre à ces dernières. Il aurait été envisageable de considérer que les NFT pouvaient bénéficier de ce régime ; les sommes engagées sont proches de celles des œuvres d’art.
La non-reconnaissance de support de l’oeuvre pour les NFT
Si les NFT ne peuvent constituer des œuvres d’art, il est envisageable de se demander s’ils peuvent être considérés comme le support permettant d’accéder au fichier, de la même manière que pourrait le faire une clef USB. L’article L111-3 du CPI nous rappelle que la propriété incorporelle est indépendante de la propriété matérielle ; ainsi, la possession d’un support matériel ne permet pas nécessairement la propriété incorporelle de l’œuvre. L’œuvre de l’esprit se doit également d’être tangible, or, par définition, l’art numérique ne peut l’être.
Le NFT ne peut être qualifié de support de l’œuvre numérique non plus : il n’est que le moyen d’accès au fichier.
La reconnaissance en tant que certificat d’authenticité numérique
Il est nécessaire de définir le certificat d’authenticité : c’est un écrit qui atteste qu’une œuvre d’art est authentique, c’est-à-dire qu’elle a bien été réalisée par l’artiste auquel on l’attribue et non par un autre. Considérer cette définition pour les NFT semble plausible : ce sont les clefs d’accès aux fichiers numériques. En effet, les NFT possèdent un avantage qui n’est pas moindre dans le cadre de ces certificats : ils garantissent efficacement l’authenticité de l’œuvre grâce à son enregistrement sur une blockchain qui est une technologie de stockage et de transmission d’informations sous la forme d’une base de données partagée simultanément à tous ses utilisateurs. Les NFT comportent alors tous les détails et informations relatives à l’œuvre.
Cependant, tout n’est pas sans risques. Le vendeur d’un NFT sur une œuvre dont il n’est pas l’auteur original est possible. En effet, les acheteurs pensent acquérir une œuvre d’une collection mais ce n’est pas le cas. Malgré la non-qualification, pour être protégée sous l’égide du droit d’auteur, il est possible d’envisager par analogie la notion de contrefaçon dans le cadre d’une vente contrefaite qui rendrait automatiquement le vendeur responsable de l’infraction. Cela permettrait de défendre a minima les œuvres contrefaites. Afin de combler également la possibilité d’une modification de l’œuvre sans l’accord de l’auteur de l’œuvre, il serait important d’envisager un contrat de cession de droits d’auteur qui porterait sur ce point et éviterait tout éventuel problème juridique quant à sa disposition.
Toutefois, les NFT représentent un réel effet de mode qui mériterait d’avoir un meilleur encadrement, les sommes engagées peuvent être astronomiques. A titre d’exemple, 1,7 millions de dollars ont été volés lors d’une attaque contre une plateforme d’échange de NFT. De plus, les droits d’auteur interrogent toujours quant aux NFT ; il y a eu l’émergence d’une polémique autour d’un projet de vente sous forme de NFT de certaines œuvres de l’artiste Pablo Picasso que ses héritiers ne perçoivent pas d’un bon œil. Ainsi, les NFT autant qu’elles attirent, divisent. Comme toute nouveauté, le droit ne l’encadre pas encore idéalement, permettant à la pratique de s’affirmer. Le droit des NFT constitue alors un enjeu majeur dans les années à venir.