Pourriez-vous me faire cette faveur ?
Dans le cadre du droit fiscal, il existe comme dans tout droit, un régime de droit commun et un régime de droit spécial. En effet, au sein du droit spécial se distingue le régime de faveur. Ce régime, comme son appellation peut le laisser sous-entendre, permet de ne pas constater fiscalement la réévaluation des actifs et passifs. Ce procédé va entraîner de multiples changements pouvant avoir des incidences significatives sur l’imposition.
1. Distinction : droit commun, droit spécial
Par principe, le droit fiscal est un droit qui englobe beaucoup d’obligations mais aussi des options, des possibilités pour lesquelles les contribuables peuvent opter.
Ces dernières sont offertes aux particuliers ainsi qu’aux professionnels afin de modérer, sous conditions, l’imposition.
En effet, nous distinguons communément, le droit commun du droit spécial. Nous commencerons cet article par une distinction entre le régime droit commun et le régime de faveur applicable aux fusions simplifiées ou non, aux scissions mais également aux transmissions universelles du patrimoine par une forme particulière de fusion entre deux sociétés.
1.1 Le régime de droit commun en matière de fusions :
Qu’est-ce qu’une fusion ?
La fusion est l’opération par laquelle des sociétés se réunissent pour n’en former qu’une seule. Elle suppose donc soit :
- la création d’une société nouvelle après réunion de plusieurs sociétés existantes (fusion par création d’une société nouvelle) entraînant la dissolution et la disparition des sociétés apporteuses ;
- le plus souvent, l’absorption d’une société par une autre (fusion par absorption).
Qu’est-ce que la transmission universelle du patrimoine ?
La transmission universelle du patrimoine en fusion est issue du mécanisme de dissolution d’une société. Ce mécanisme est par principe la liquidation.
Cependant, lorsqu’une société a un seul associé qui est une personne morale (c’est-à-dire une autre société), la dissolution a lieu sans passer par la liquidation, mais par une transmission universelle du patrimoine. Dans ce cas précis, l’associé unique reçoit l’intégralité du patrimoine de la société dissoute, comprenant de ce fait les actifs et les dettes. Il remplace la société dissoute dans tous les droits, créances et dettes de celles-ci.
En revanche, pour les cas de cautionnement, de contrat de franchise ou de mandat, ces derniers ne sont pas concernés du fait qu’il existe le principe de transmission automatique. Ils prennent fin au plus tard lors de dissolution de la société sauf accord du co-contractant (c’est-à-dire de l’autre partie).
Ainsi, l’engagement de la caution demeure avant la dissolution de la société et peut continuer après la TUP uniquement avec l’accord du co-contractant.
Pour le bail commercial, celui-ci est obligatoirement transmis à l’associé unique bénéficiaire de la TUP.
Ainsi, en droit commun, la fusion entre deux sociétés donnera lieu à une imposition immédiate :
- Des bénéfices d’exploitation de l’exercice en cours ;
- Des provisions inscrites au passif du bilan de la société devenues sans objet (art 210 A CGI)
- Des plus-values latentes dégagées de la société absorbée par l’absorbante
- De la plus-value relative à un apport supérieur à la valeur comptable
- L’imposition sur le boni de liquidation par les associés
Toutefois, il est important de souligner que les déficits fiscaux en report d’imposition peuvent être imputés sur le résultat taxable relatif aux éléments précédemment mentionnés.
1.2. La particularité du régime de faveur en matière de fusions
Un régime de faveur désigne le traitement d’un dossier ou d’une personne d’une manière plus favorable que les règles habituellement applicables.
Pour les entreprises, un régime de faveur est une libéralité, qui autorise à ne pas constater la réévaluation des passifs et des actifs d’une entreprise absorbée.
Cependant, une nuance est à distinguer: dès lors que les conditions (citées en fin du 1.2) sont remplies par les entités effectuant la fusion, le régime de faveur devient le régime le droit.
Le Code général des impôts permet par le biais de ses articles 210-0 A et suivants, de réglementer le régime de faveur afin d’alléger le régime relatif au droit commun.
Cette dérogation mise en place par le législateur permet de ne pas pénaliser les fusions d’entreprises par une imposition conséquente lors de l’année de fusion. Ce régime de faveur s’applique de plein droit aux scissions et aux TUP.
Cependant, il convient de préciser que ce régime ne bénéficie uniquement qu’aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés et remplissant certaines obligations, on qualifiera cette opération comme étant transparente(intercalaire).
Ainsi, dans ce cadre sera appliqué :
- Une exonération des plus-values de fusion
- Une exonération des plus-values sur les éléments d’actifs immobilisés ainsi que des provisions(seulement si ces dernières conservent leur objet à la suite de la fusion)
- Plus attrayant dans le cas où la société est soumise à l’IS
- L’article 209, II du CGI autorise le transfert des déficits de l’absorbée à l’absorbante si un agrément spécial est délivré par l’administration fiscale.
Néanmoins, l’impôt sur le bénéfice sera dans tous les cas immédiat et les déficits fiscaux reportés par la société absorbée ne sont pas déductibles par la société absorbante.
Ces exonérations sont accordées sous certaines conditions :
- La société absorbante doit reprendre au passif de son bilan : les provisions (= provisions qu’une entreprise peut comptabiliser selon des dispositions fiscales particulières).
- Les plus-values seront ultérieurement imposées lorsque les éléments seront effectivement cédés
- Un suivi des plus-values en sursis d’imposition ainsi que du mali technique de fusion doivent être joints tous les ans à la liasse fiscale ;
2. Exemples d’application
2.1.La fusion (questionnaire)
1.Pour bénéficier du régime fiscal de faveur des fusions, que doit-on remplir comme conditions l’opération ?
- Elle doit pouvoir répondre à la définition fiscale d’une fusion ;
- Être réalisée en France, dans un autre État membre ou dans un État (ou territoire) ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
- Être réalisée à l’étranger, sans avoir de convention fiscale contenant une clause administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
2.Lors de l’application de ce régime, où sont reprises les provisions réglementées ?
- Chez la société absorbante
- Chez l’absorbée
3.En reprenant les provisions réglementées, si la prime de fusion est insuffisante, comment sont-elles imposées ?
- De façon immédiate.
- De façon différée.
4.Dans ce régime, pour transférer un déficit de l’absorbée vers l’absorbante, dans quel cas l’agrément n’est pas nécessaire ?
- Si le déficit est supérieur à 200 000 euros.
- Si le déficit est inférieur à 200 000 euros.
5.Dans le cas où une plus-value est réalisée sur les immobilisations non amortissables, que se passe-t-il pour l’absorbée et l’absorbante ?
- Elles sont exonérées chez l’absorbante et en sursis d’imposition chez l’absorbée.
- Elles sont exonérées chez l’absorbée et en sursis d’imposition chez l’absorbante.
Réponses :
- 1.a,b
- 2.a
- 3.a
- 4.b
- 5.b
2.2Le TUP (application)
Prenons l’exemple d’une SCI au capital de 1000 euros :
Par une décision du gérant du 03 octobre 2022, une société SARL au capital de 1.000.000 euros, associée unique d’une société SCI, a décidé la dissolution sans liquidation avec transmission universelle du patrimoine de cette société dans les conditions de l’article 1844-5 alinéa 2 du Code civil. Les créanciers pourront dans ce cas, former opposition devant le Tribunal de Commerce d’Évreux dans les 30 jours de la présente publication.