Principe de révocabilité du contrat de mandat : Analyse de l’arrêt rendu du 4 octobre 2023 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, pourvoi n°22-15.781.

23 novembre 2023

Principe de révocabilité du contrat de mandat Analyse de l'arrêt du du 4 octobre 2023

“Quand bon lui semble”, c’est ce qu’il faut retenir de la révocation dans le contrat de mandat. Cette partie de l’article 2004 du Code civil a été réaffirmé par une décision récente de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu en date du 4 octobre 2023. Cet arrêt rappelle qu’en vertu de l’article 2004 du Code civil le mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans en préciser les motifs.

L’affaire du 4 octobre 2023

Les faits de l’affaire

En l’espèce, il était question d’une association de syndicat qui a confié à une société la communication et la publicité relatives à sa foire nationale à la brocante et aux jambons de Chatou, organisée deux fois par an. Le contrat initial a été conclu en 1979. Seulement le syndicat a notifié le 21 novembre 2013 la rupture du mandat à la société de communication. Cette dernière l’a assigné en réparation de son préjudice. Cependant, par un jugement en date du 1er avril 2015, la société de communication a été placée en redressement judiciaire, par conséquent l’association a appelé en garantie le gérant de la société après le plan de continuation de son partenaire économique, plan qui a été arrêté le 26 octobre 2016. En appel, les juges du fond retiennent que “la rupture du mandat avait été brutale pour n’avoir pas été précédée d’un préavis ni motivée”. Cependant, dans un courrier en date du 21 novembre 2013, il n’était pas prévu de préavis ni de motifs.

La procédure

La société mandante se pourvoi donc en cassation en s’appuyant sur les dispositions de l’article 2004 du Code civil qui dispose que “Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s’il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l’écrit sous seing privé qui la contient, soit l’original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l’expédition, s’il en a été gardé minute”. Et la Cour de cassation octroie un gain de cause à la société demanderesse. Nous allons expliquer et analyser cette solution.

Application du Droit commun

En droit commun, notamment en droit des obligations, chaque contractant à la possibilité de rompre la relation contractuelle à condition toutefois de respecter un préavis raisonnable prévu à l’article 1211 du Code civil qui dispose que “Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable”.

Ce fondement est fondé sur le fait que nul ne doit être perpétuellement lié par un contrat, c’est ce qui découle de l’abolition de l’esclavage. L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, régime général des obligations et droit de la preuve a intégrée la prohibition des engagements perpétuels à l’article 1210 du Code civil qui dispose que “Les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée”. Avec une sanction opportune, puisque le législateur a aligné le régime des engagements perpétuels avec le contrat à durée indéterminée. Le résultat est donc efficace puisque la stipulation qui rendrait le résultat perpétuel en interdisant la faculté de résiliation n’a aucun effet. Le libéralisme de la rupture de ce contrat à durée indéterminée a incité le législateur à réguler les relations d’affaires, c’est-à-dire adopté des textes protecteurs en matière de relation d’affaires. Ainsi, l’article L.442-6 V° du Code de commerce encadre strictement la rupture des relations commerciales établies afin que le partenaire commercial ait un temps suffisant pour palier la disparition du contrat.

Application du droit des contrats spéciaux : le droit du mandat

Ce principe de libre révocabilité permet de parler alors de mandat ad nutum, c’est à dire révocable de manière immédiate et sans formalités. Cette libre révocabilité se justifie par le caractère intuitu personae du contrat de mandat. C’est une disposition d’ordre public, les parties ne peuvent y déroger. Toutefois, le mandant n’est pas libre de révoquer unilatéralement le mandataire, il doit donc établir une cause légitime de révocation rendant impossible lien contractuel (chambre commerciale, Cour de cassation 24 octobre 2018, pourvoi n°16-26.462). Ainsi, l’arrêt rendu par la chambre commerciale, de la Cour de cassation en date du 4 octobre 2023 vient replacer le raisonnement de l’article 2004 du Code civil qui prévoit donc la libre révocabilité du mandant. En l’espèce la révocation “quand bon lui semble” trouve application puisque le contrat initial a été conclu en 1979 et la rupture a eu lieu en 2013, se permet de comprendre que peu importe la longitude du contrat, celui-ci peut être révoquer à tout moment.

Cependant se pose alors la question de savoir si cette révocation du mandant peut, elle porté uniquement sur une clause du contrat ? À cette question, la Cour de cassation a admis que la révocation du mandat puisse ne porter que sur une clause en se fondant sur l’article 2004 du Code civil qui dispose que “le mandant peut évoquer sa procuration quand bon lui semble” par ailleurs, le mandataire demeure libre de refuser cette modification en renonçant au contrat. Il ne peut donc pas s’opposer à la modification unilatérale et exiger le maintien du contrat unilatéral.

Vers un respect d’un délai raisonnable et d’un préavis

L’avant-projet de réforme du Droit des contrats spéciaux, prévoit alors dans son article 2016 que lorsque le mandat est à titre onéreux, la révocation est précédée d’un préavis raisonnable ou conforme aux usages, sauf motif légitime, tel qu’une faute grave du mandataire dans l’accomplissement de sa mission. Dès lors qu’un contrat de mandat est conclu, il s’agira de se renseigner sur le fait de savoir s’il est à titre gratuit ou onéreux dès lors qu’il y a rupture par révocation de celui-ci afin d’envisager les conséquences de sa révocation.

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