Le président du comité exécutif de l’UEFA, Aleksander Ceferin, a déclaré dans une interview accordée à l’agence de presse Associated Press que les clubs encore juridiquement impliqués (AC Milan, FC Barcelone, Real Madrid, Juventus Turin) dans Super League doivent obligatoirement se retirer de ce dessein sous peine d’une exclusion pour la prochaine campagne de ligue des champions. Toutefois, cette menace apparait simplement comme telle et ne pourra en aucun cas aboutir. Explications.
I – La résurgence des patineurs
Le cas de la menace d’exclusion des clubs encore présent du moins juridiquement au sein du projet de la Super League (AC Milan, Real Madrid, FC Barcelone, Juventus Turin) fait écho à celui de deux patineurs néerlandais.
En effet, l’International Skating Union (Union international de patinage) constitue l’unique fédération internationale reconnue par le Comité international olympique (CIO) qui assure l’organisation, l’encadrement du patinage artistique et du patinage de vitesse. Au sein de cette Union International de Patinage, des règlements sont disposés afin d’établir un cadre à ces deux disciplines. Selon ces règlements, les patineurs ne peuvent participer à des épreuves internationales de patinage de vitesse tel que les Jeux Olympiques s’ils participent à des compétitions internationales de patinage de vitesse que l’ISU ne reconnait pas. La sanction en cas de non-respect du règlement susmentionné est l’exclusion à vie des patineurs « rebelles ».
Dans notre cas, deux patineurs de vitesse professionnelles néerlandais d’une renommée incontestable reconnue par leurs pairs (Mark Tuitert, champion olympique et Niels Kerstholt, champion du monde par équipe) ont contesté ce règlement afin de participer à une compétition de patinage de vitesse non autorisée par l’ISU. En 2014, la société coréenne Icederby International CO. Ltd prévoyait d’organiser à Dubaï une compétition de patinage de vitesse comportant des épreuves d’un nouveau format. Toutefois, cet évènement n’étant pas autorisé par l’ISU, la participation effective des deux patineurs susmentionnés a forcé l’entreprise à renoncer à l’organisation de cette compétition d’un nouveau genre.
En réaction à cela, les patineurs ont déposé une plainte devant la Commission européenne qui a par la suite ouvert une enquête en octobre 2015.
Dans une décision du 8 décembre 2017, la Commission européenne a estimé que les règles d’éligibilité de l’Union international de patinage prévoyant de lourdes sanctions en cas de non-respect par les athlètes du règlement disposant la nécessaire reconnaissance préalable d’une compétition par cette fédération internationale, étaient contraires aux règles de l’Union européenne en matière de pratique concurrentielles. Selon la Commission et une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, les règles relatives au sport ne sont compatibles avec le droit de l’Union que si elles poursuivent un objectif légitime et si les restrictions qu’elles créent sont inhérentes et proportionnées à la réalisation de cet objectif, ce qui dans le cas présent était absent.
Cette décision a par la suite été confirmée dans un jugement du 16 décembre 2020 rendu par le Tribunal de l’Union Européenne soulignant le caractère totalement disproportionné de cette sanction.
II – Tribunal de commerce n°17 de Madrid : une première victoire pour la Super League
Concernant les quatre des douze « clubs fondateurs » de la Super League, cette décision joue inéluctablement en leur faveur. En effet, cette prohibition de la sanction d’exclusion a été réaffirmée de plus bel par la tribunal de commerce n° 17 de Madrid qui dispose expressément que l’UEFA et la FIFA ne peuvent prendre des mesures contre les clubs, dirigeants et/ ou joueurs impliqués dans la préparation de la Super League comme d’« exclure les clubs et/ ou les joueurs (…) de toute compétition de club international ou nationale », tant que son cas n’aura pas été traité.
III – Quel sera l’impact de ces décisions sur la prochaine compétition européenne ?
Bien que favorables en apparence pour les clubs fondateurs de la Super League, ces décisions doivent encore faire jurisprudence devant l’instance suprême du sport, le Tribunal Arbitral du Sport.
Il apparait pertinent de ressasser l’expression de certains juristes, professeurs concernant le Tribunal Arbitral du Sport, notamment celle d’Alain Pellet affirmant que le TAS joue le rôle d’un « agent unificateur » pour en comprendre le rôle. En effet, le TAS s’appuyant sur l’expérience de la cour arbitrage de la chambre de commerce internationale (CCI), tend à se constituer une véritable jurisprudence. Le TAS souhaite élaborer un droit sportif transnational cohérent et unifié avec des sentences qui s’inscrivent dans un ensemble homogène.
De ce fait, après avoir mentionné sa volonté d’édicter une source majeure du droit du sport accompagné d’une logique commune afin de constituer une ordre juridique sportif international, il est envisageable d’anticiper la décision du TAS vis-à-vis de cette menace d’exclusion compte tenu de la jurisprudence provenant du tribunal de commerce de Madrid ainsi que du tribunal de première instance de l’UE. Toutefois, à contrario le TAS peut tout à fait dans un dessein de distinction vis-à-vis des jurisprudences susmentionnées prendre à contre-courant ces décisions et admettre la possibilité d’exclusion de la prochaine ligue des champions des quatre clubs fondateurs de la super League.