« On voit les choses différemment sur des talons. » Christian Louboutin
Célèbre pour ces inimitables chaussures aux semelles rouges, le créateur Christian Louboutin ne cesse vouloir protéger cette fameuse couleur, qu’il souhaiterait voir rattachée uniquement à sa marque en tant telle. Les pas de C.Louboutin ne s’arrêtent pas aux prétoires parisiens, sa route se poursuit au-delà de nos frontières. Nous le retrouvons aux quatre coins du globe.
I – Une affaire Louboutin au coeur de l’Europe
EN 2011, Christian Louboutin, titulaire de la marque Louboutin décide de former un recours devant l’EUIPO. Ce recours concerne la décision de rejet de l’enregistrement de sa marque communautaire de la nuance Pantone 18-1663TP.
L’Office européen décide de faire droit à ce recours. Toutefois il vient poser des limites au champ de validité de la marque. Ne pourront être visées par cette dernière que les chaussures à talons hauts, présentes en classe 25. En l’espèce, c’est bien le caractère distinctif de la marque qui était porté à l’étude. Le réquérant (La société Loubontin ainsi que son créateur) ont fourni des documents permettant de démonter que la couleur rouge si spécifique à Louboutin était perçue par les consommateurs comme un indicateur d’origine des fameux talons Louboutin. La distinctivité de la marque s’est donc acquise par l’usage.
Toujours du côté européen, mais cette fois-ci concernant une affaire qui a eu lieu au Pays-Bas, C. Louboutin a fait enregistrer sa marque au Benelux. Elle consiste une nouvelle fois en une couleur appliquée sur une semelle. La couleur rouge est décrite avec le code Pantone 18-1663TP. C. Louboutin vient d’écrire la marque comme constituée de cette nuance appliquée sur la semelle d’une chaussure. De plus il n’oublie pas de mentionner que le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque . Ce contour ne permet uniquement de citer l’emplacement de la couleur sur l’objet.
L’élément déclencheur de l’affaire est la commercialisation aux Pays-Bas, d’une paire de chaussures à hauts talons par la Société Van Haren. Afin de mettre un terme à cette contrefaçon, et de sanctionner la société Van Haren, la société Christian Louboutin et lui-même dédient d’ester en justice à l’égard de la société néerlandaise. Cette dernière décide de prendre comme argument principal : la nullité d’une telle marque pour non-conformité à la Directive 2008/95/CE tendant à rapprocher les législations nationales sur les marques. Cette directive détermine, qu’un signe ne peut pas être protégé à titre de marque si ce dernier est fondé uniquement par la forme. Cette forme offrant une valeur substantielle au produit.
Les juges néerlandais de saisir la juridiction européénne afin de lui poser une question préjudicielle. Selon la directive citée précédemment, « la ‘forme’ du droit des marques peut-elle être étendue aux caractéristiques du produit qui ne sont pas tridimensionnelles telles que la couleur ? » Le 12 juin 2018, le juge européen répond à cette question. Il n’est pas possible de considérer que la couleur constitue une forme au sens de la Directive. De plus, il ajoute que la marque litigieuse ne visait pas une forme en particulier. En effet, lors de l’enregistrement de la marque, C. Louboutin titulaire de cette dernière a défini que les contours de la chaussure ne faisaient pas partie de la marque. Ces derniers ne permettaient que d’indiquer où la couleur rouge débutée et terminée.
II – Une affaire outre-Atlantique
Les affaires de Christian Louboutin dépassent les frontières de l’Europe, la célébrité de la marque étant mondiale. Aux Etats-Unis, Christian Louboutin à la tête de sa société Louboutin décide d’intenter une action pour contrefaçon l’encontre de la société Yves Saint Laurent. Cette dernière avait en effet commercialisé des chaussures de couleur rouge.
À New-York, le 17 octobre 2011 la District Court décide de refuser la validité de la marque de la Société Louboutin. L’action de la société est rejetée. La District Court prend appui sur une jurisprudence antérieure, à savoir la décision Qualitex rendue par la Cour Suprême. La décision retenait qu’il n’était pas possible pour une couleur singulière d’être protégée comme marque, si cette dernière est « essentielle à l’usage ou à l’objet du produit ». La décision a fait l’objet d’un appel. Ainsi La cour d’appel fédérale des Etats-Unis a une nouvelle fois rejeté l’action, mais a pu estimer que la marque était valable, sous conditions. Il est nécessaire pour cette dernière d’acquérir un caractère distinctif par l’usage de la couleur. La distinction par l’usage doit permettre à la marque de se différencier des produits ou services proposés par les concurrents. Toutefois, le caractère distinctif du rouge louboutin n’avait pas encore été reconnu comme distinctif aux yeux des consommateurs américains, et ne permettait pas de la distinguer de ses concurrents. Aujourd’hui, l’utilisation de la couleur rouge à cet emplacement précis permettent à tous de faire le lien entre la paire de chaussures, et l’origine de cette dernière : à savoir la célèbre maison de couture Louboutin. Les juges américains ont finalement pu constater que la marque de C.Louboutin avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Cet usage permettait aujourd’hui d’identifier la marque Louboutin très aisément.