Live (global) stream : droits d’auteurs et réappropriation avec BICEP

7 mai 2021

Live (global) stream _ droits d’auteurs et réappropriation avec BICEP

 « Parce que dans nos esprits nous savons que les gens connaissent la musique, mais la seule façon qu’ils auront de vivre notre réinterprétation de celle-ci est dans un club ou un festival, cest pourquoi les lives en direct sont si importants aujourdhui. Nous voulons recréer ces petits moments en temps réel, car la moindre des choses que l’on puisse faire c’est de donner quelque chose qui n’est pas atteignable à tout moment » révélaient Matthew BcBriar et Andrew Ferguson, les deux artistes de Bicep qui se sont imposés avec leur live global stream. C’est l’occasion d’aborder ce phénomène mondial sous l’angle des droits d’auteurs, du re-partage illégal et du streaming bénéfique ou non sur les plateformes. 

I. Exclusivité affirmée et droits d’auteurs du label de Ninja Tune

Les lives global stream permettent au duo Bicep de faire transpirer leur propre aura en direct sur les plateformes. Le groupe de musique Bicep fait partie de Ninja Tune, un label indépendant de musique électronique, mais se distingue également en tant que « sous-label » feelmybicep se rattachant à une certaine indépendance et une identité musicale propre aux deux artistes. McBriar et Ferguson sont ainsi maîtres de leurs « oeuvres de l’esprit » définies par Bernard Elderman comme « une création caractérisée par un travail intellectuel libre et s’incarnant dans une forme originale » (La propriété littéraire et artistique),  reflet d’une vraie marque personnelle. 

Ainsi, à travers leur live global stream en direct, le duo Bicep tire le meilleur parti de cette année de la peste. Le livestream c’est une communication de l’œuvre des auteurs au public en ligne, dans un espace temps singulier et unique, et qui ne sera plus disponible sur les plateformes numériques après l’événement. Ce sont des tracks inédits et des versions retravaillées qui sont proposés par le duo Bicep lors de ces lives global stream via la plateforme dice.fm. Les deux artistes de Ninja Tune sont auteurs des droits de performance de leurs propres morceaux, ils sont donc tout à fait légitimes à les interpréter en direct sur des plateformes comme Facebook ou Youtube. Selon l’article L121-2 du Code de la propriété intellectuelle « l’auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. Ils conservent leurs droits précis sur leurs créations, même après s’en être détachés. 

II. Des livestreams compromis par une radiodiffusion sauvage ?  

Cependant, avec le live global stream, la diffusion ou le partage d’un morceau n’est plus physique et matériel et est donc plus exposé à des formes de radiodiffusion illégale en ligne. En faisant un livestream, Bicep s’expose à de possibles retransmissions de ces livestreams payants sur d’autres réseaux, comme en témoigne le partage devenu viral sur la plateforme TikTok du morceau « Glue ». Or, le partage de la musique à partir d’un livestream sans avoir au préalable demander l’autorisation auprès des auteurs-interprètes viole la loi et il n’est a priori pas possible d’utiliser un morceau qui ne nous appartient pas, à moins d’avoir les autorisations des ayants droit (soit tous ceux qui ont les droits d’auteurs). Ceux qui ne le conçoivent pas, s’exposent alors à des sanctions pénales pour contrefaçon, qui est punie de trois ans de prisons et 300.000 euros d’amendes (article L335-2). En théorie, et bien que la réalité soit toute autre, pour rediffuser l’extrait de « Glue », il aurait fallu obtenir les autorisations des détenteurs de droits d’auteurs pour diffuser. Sans cette autorisation, il revient aux artistes de décider ou non d’exiger la suppression du contenu ou bien de monétiser la diffusion en échange de revenus reversés ensuite aux artistes quant à la publicité de leur morceau. 

Qui plus est, quel intérêt de rediffuser un contenu censé être qualitatif et exclusif ? Car le live global stream est un événement payant, où les spectateurs sont davantage impliqués et engagés que lors d’un vrai festival. La « gratuité en ligne » dévalorise souvent ce type de live stream, car les spectateurs sont d’autant plus susceptibles de regarder et d’écouter le live jusqu’à la fin. La plateforme de livestream de Bicep est catégorique : « Rien ne peut empêcher les fans d’apprécier un spectacle en direct, pas même une pandémie »

III. Vers une autre perception du streaming ? 

                    De fait, la diffusion en streaming des morceaux sans autorisations sur les plateformes suscitent de nombreux débats controversés. Plusieurs plateformes de streaming refusent la retransmission de contenus de livestream, prônant la protection des artistes, alors que paradoxalement les internautes ne cherchent pas à s’enrichir sur le dos des artistes. Par exemple, suite à la polémique des droits d’auteurs sur la plateforme, Twitch collabore avec Soundtrack pour permettre aux streamers d’accéder facilement à des morceaux, grâce à des accords avec certains labels dont Ninja Tune

Finalement, le livestream est soumis à une certaine réappropriation des morceaux par le public. Pour reprendre la retransmission massive de « Glue » sur TikTok, cela a donné lieu à de multiples réinterprétations. Certains utilisateurs ont altéré le morceau d’origine, l’ont modifiés, refaçonnés à leur manière. Mais est-ce qu’ils ont l’immunité juridique pour autant ? Légalement, les utilisateurs n’ont pas besoin de l’autorisation des artistes mais doivent au préalable demander aux auteurs-éditeurs. Mais dans les reprises et réinterprétations, seuls les droits d’auteurs sont concernés, car l’utilisateur utilise l’œuvre et non pas l’enregistrement de l’oeuvre : une nuance subtile mais importante car l’utilisateur apporte sa touche personnelle dans la reprise. D’autant que l’article L122-5 dispose que « lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature » ou encore la reproduction partielle « sous réserve d’indiquer clairement le nom de l’auteur ». Et un certain équilibre s’établit donc entre liberté d’expression et droits et intérêts des artistes de feelmybicep. D’autant que le mot d’ordre du duo c‘est la liberté d’expérimentation, sous les textures psychédéliques de leur morceaux.

En somme, les lives global stream sont là pour soutenir les artistes dans leurs créations et visent à protéger la propriété intellectuelle. Car dans ce casse-tête des rediffusions des livestreams, les spectateurs oublient trop souvent que les auteurs méritent la protection de leur oeuvre. Mais aux yeux de Bicep, ces livestream permettent à l’industrie musicale de relever la tête et facilitent indéniablement cette connexion musicale avec le public. 

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