Les successions transnationales ou internationales supposent un élément d’extranéité dans la succession. Avec la mondialisation et la libre circulation dans l’espace Schengen, on a des flux migratoires en augmentation constante ce qui engendre des problèmes de successions transnationales. Chaque année, rien qu’au sein de l’Union européenne (UE), on recense environ 450 000 héritages dans un contexte international, ce qui représente entre 9% et 10% des successions. Ceci représente environ 123 milliard d’euros de la valeur du patrimoine dans l’UE. On aurait pu penser que l’UE avec son marché unique va supprimer les obstacles à la circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux mais en matière de succession un problème se pose : celui de la fiscalité. Une fiscalité qui relève de la souveraineté des Etats réticents de partager cette prérogative régalienne.
En Europe, l’absence de coordination des critères d’imposition des successions pourrait engendrer : une insécurité juridique et un risque de double imposition. Par ailleurs, l’application de certaines dispositions nationales susceptibles de heurter le principe de non-discrimination. La mission de résoudre ces problèmes était du ressort des accords bilatéraux mais le droit national n’a pas toujours toutes les réponses. Le règlement de l’UE n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif aux successions internationales vient pallier ces problèmes. Dès lors il convient de se demander : que comporte le règlement ? Et qui est concerné par celui dernier ?
Le régime des successions transnationales
Avant le règlement de l’UE n°650/2012 relatif aux successions internationales, chaque Etat appliquait son régime juridique en matière de successions transnationales. Pour éviter une double imposition, les Etats doivent négocier un accord bilatéral comme le droit communautaire “ne prescrit pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les États membres s’agissant de l’élimination des doubles impositions à l’intérieur de la Communauté européenne” (CJCE n° C-67/08, Margarete Block c/ Finanzamt Kaufbeuren, 12 février 2009).
Depuis l’entrée en vigueur du règlement en 2015, le droit des successions transnationales a été modifié mais il ne touche pas à la fiscalité des successions internationales qui relève toujours de la compétence des Etats. En revanche, il pose quatre principes pour les successions transnationales :
→ Depuis le 17 août 2015, il faut appliquer le critère du lieu de résidence du défunt (article 21-1 du Règlement). La succession est sous le droit national de l’Etat où le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès. La notion de “résidence habituelle” pose problème puisqu’elle n’est pas définie par le Règlement. Il convient de se référer à l’arrêt CJCE 17 février 1977 qui définit la résidence habituelle comme “le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu qu’à fin de détermination de cette résidence, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci”. Selon la Cour de justice, l’ensemble des circonstances permettent d’apprécier la résidence c’est pourquoi les juges font une appréciation cas par cas.
→ Il y a aussi la possibilité d’appliquer le droit national de la nationalité du défunt s’il l’avait précisé dans son testament.
→ Les successions, mobilières et/ou immobiliers, sont traitées ensemble selon le principe d’unité du droit applicable.
→ Le Règlement introduit un certificat successoral européen pour faciliter la reconnaissance du statut, des droits des héritiers. Il n’est cependant pas obligatoire.
Le Règlement s’applique aux Etats membres de l’UE sauf le Danemark, l’Irlande depuis son entrée en vigueur le 17 août 2015 mais en pratique cela touche d’autres pays.
L’application du Règlement sur les successions transnationales concernant des pays en dehors de l’Union européenne
Le Règlement devrait toucher uniquement les Etats l’ayant signés mais pourtant son champs d’application peut s’étendre encore plus loin. En effet, il peut concerner des ressortissants qui n’ont pas la nationalité des pays signataires.
Par exemple, en Suisse le Règlement n’a pas d’incidence sur le droit successoral. Un étranger vivant en Suisse peut soumettre sa succession à son droit national de par sa nationalité. Mais un double national suisse et étranger résidant en Suisse n’a pas ce choix, on applique le droit suisse.
Cependant, un impact est relevé dû au règlement. En matière de successions transnationales, le règlement permet l’application du droit d’un Etat qui ne l’a pas signé et c’est effectivement le cas de la Suisse. Les Suisses résidant dans un Etat ayant signé le règlement peuvent donc soumettre leur succession au droit suisse en faisant valoir leur nationalité dans un testament. Les personnes résidant en Suisse peuvent aussi choisir le droit d’un autre État dont ils ont la nationalité dès lors qu’il n’ont pas la double nationalité avec la Suisse.
Fiscalement, cette réforme n’a pas d’incidence directe. Une succession soumise au droit suisse reste imposable en France, dès lors que l’héritier a résidé en France pendant les dix dernières années. Mais l’article 784 A du Code général des impôts dispose d’un mécanisme pour éliminer la double imposition sur les droits de succession en imputant les droits acquittés à l’étranger sur ceux en France.
Le droit successoral vient d’être encadré par le droit communautaire mais en ce qui concerne les règles de fiscalité, cela relève de la compétence de l’Etat.