« Je pose une question, la question fatale, est-ce qu’il y’a de la TVA sur ces quotas là ». Vous avez probablement vu ou entendu parlé du nouveau documentaire Netflix qui fait fureur, les rois de l’arnaque. Trois hommes auraient commis « le casse du siècle » en dérobant a minima 283 millions d’euros au fisc français. Comment ont-ils fait ? C’est ce que nous allons vous expliquer en détail.
I. Le mécanisme de la fraude carrousel
La TVA est l’un des impôts phare des fraudeurs. Et pour cause, cet impôt sur la consommation représente 70% des recettes de l’Etat français, une assiette alléchante dont les failles sont biens réelles.
Le mécanisme classique de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) permet de déduire la taxe supportée sur les opérations situées en amont (TVA déductible). Toutefois, lorsque le montant de TVA exigible sur lequel s’impute la TVA déductible n’est pas suffisant, il est possible pour une entreprise de se faire rembourser les crédits de TVA.
C’est de ce processus qu’est née la fraude carrousel. Il s’agit d’une fraude impliquant plusieurs entreprises d’une même chaîne commerciale, généralement établies dans au moins deux États membres de l’Union européenne.
En effet, la fraude carrousel consiste à mettre en place une chaîne de sociétés dans plusieurs Etats réalisant entre elles des acquisitions intracommunautaires et des livraisons intracommunautaires. Ce montage a pour but de constituer artificiellement des droits à déduction par l’intermédiaire de sociétés éphémères (encore appelé « taxi ») qui ont pour rôle de « créer » de la TVA grâce à un circuit de facturation.
Cette fraude vise à obtenir le remboursement de la TVA afférente à une livraison de biens alors que celle-ci n’a pas été reversée (de façon abusive) au trésor public ; par un fournisseur qui l’a pourtant collecté. Les schémas de fraude carrousel peuvent s’avérer complexe. Elles peuvent avoir recours à diverses techniques d’ingénierie juridique et fiscale.
Dans le schéma le plus classique, une entreprise A située dans un État membre autre que la France vend des marchandises à une entreprise B établie en France. Cela constitue une livraison intracommunautaire exonérée et qui donnera lieu à une auto-liquidation en France. Ensuite, l’entreprise B revend les marchandises à l’un de ses clients (C), également établi en France. La taxe est facturée à C, mais elle n’est ni déclarée ni acquittée par B. Le client C exerce son droit à déduction et, le cas échéant, demande le remboursement de la taxe qui lui a été facturée par B et revend les marchandises éventuellement à l’entreprise (A) en exonération de TVA (car il s’agit d’une livraison intracommunautaire) ou à un autre client établi en France.
Ce montage concernait notamment les secteurs du commerce de la téléphonie mobile ou du textile. Mais certains ont eu l’idée d’utiliser cette technique sur les quotas d’émission de carbone. En pratique, et dans des schémas plus complexes, plusieurs sociétés écrans peuvent s’intercaler entre les entreprises B et C dans l’objectif de masquer leurs relations, ce qui était le cas pour les trois rois de l’arnaque.
En résumé, la fraude repose sur le fait que l’entreprise qui a collecté la TVA (entreprise B) ne reverse par la TVA à l’Etat. Cette entreprise disparait alors rapidement dans la majorité des cas, ce qui rend difficile voire impossible le recouvrement de cette taxe, récupérée après liquidation et dont les capitaux sont alors bien loin du fisc français.
II. Les mesures de lutte contre la fraude
La loi de finances rectificative pour 2006 a mis en place trois mesures pour lutter contre cette pratique. L’ampleur de la fraude carrousel et ses conséquences néfastes sur les finances de l’Etat ont conduit le législateur a prendre des mesures, mesures qui n’ont pas totalement endigués la fraude.
L’article 262 ter du CGI prévoit une remise en cause de l’exonération de TVA sur les livraisons intracommunautaires. L’exonération ne s’applique pas lorsqu’il est apporté la preuve que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l’expédition ou du transport n’avait pas d’activité réelle (art. 262 ter, I, 1°, al. 2 du CGI).
L’article 273-3 du CGI prévoit une remise en cause du droit à déduction de l’acquéreur. La déduction ne peut être demandée lorsqu’il est démontré que l’acquéreur, savait ou ne pouvait ignorer, que, par son acquisition il participait à une fraude carrousel.
Enfin, l’article 238-4 bis du CGI prévoit une solidarité de paiement. L’acquéreur complice est solidairement responsable du paiement de la TVA que n’a pas versée son fournisseur.
Vous savez désormais tout sur la fraude à la taxe carbone, il ne tient qu’à vous d’en faire bon usage !