Le remake d’une série télévisée : quelle liberté pour les auteurs par rapport à l’œuvre initiale ?
Le remake d’une série télévisée : quelle libertés pour les auteurs par rapport à l’oeuvre initiale ?

Nombreux sont ceux qui regardaient avec attention la Trilogie du Samedi Soir sur M6, un bloc de programmes qui diffusait entre autres Charmed. Cette série américaine fait l’objet d’un remake depuis 2018. A la différence du spin-off qui est une série dérivée d’une première série, le remake consiste, comme son nom l’indique, à « refaire » la série en lui donnant un nouveau souffle, souvent avec les mêmes personnages joués par des acteurs différents et à une époque différente.

I. Le remake d’une série télévisée – un phénomène qui dépasse les frontières 

En France ou à l’étranger, relancer des séries anciennement diffusées à la télévision est monnaie courante ces dernières années. Pour autant, le remake d’une série télévisée à succès n’est pas gage de réussite : au-delà des obstacles juridiques se heurte l’avis des téléspectateurs sur les changements apportés par rapport à la série originale, ce qui in fine, peut avoir une incidence économique. De l’autre côté de l’Atlantique on retrouve Hawaii 5-0, 90210, V, S.W.A.T, MacGyver, Les Nouvelles Aventures de Sabrina. Du côté français, on peut entres autres citer le très récent remake de la série américaine à succès This Is Us qui s’intitule Je te promets.  Il est primordial de retenir que le Code de la propriété intellectuelle prévoit que la reproduction de tout ou partie de l’œuvre audiovisuelle et de ses éléments est illicite. Or, la liberté d’expression se confronte au monopole d’exploitation détenu par les auteurs d’une œuvre préexistante. Comment articuler ces notions ? Pour comprendre le droit de remake, il faut retracer chronologiquement la titularité du droit.

II. Les droits d’auteur détenus par les auteurs de l’œuvre originaire

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit que les œuvres audiovisuelles, à l’instar des séries télévisées, sont considérées comme des œuvres de collaboration. De ce fait, à défaut de preuve contraire, cinq personnes sont juridiquement présumées être co-auteurs de l’œuvre et sont amenées en principe à exercer leur droit en commun : l’auteur du scénario, l’auteur de l’adaptation, l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales réalisées spécialement pour l’œuvre et enfin le réalisateur. 

On remarque l’absence du producteur comme co-auteur de l’œuvre mais cela est logique dans la mesure où sa contribution est surtout financière et que les personnes morales sont exclues de la qualité d’auteur et donc de co-auteur. Financièrement, c’est donc lui qui est en quelque sorte le « patron » de l’œuvre : il va assurer la promotion du film et gérer le budget. A l’inverse, le producteur, en tant que personne physique, pourrait se voir reconnaître la qualité d’auteur s’il prouve son « apport personnel » dérivant de son « activité créatrice » mais l’hypothèse est rare. En dehors de cette hypothèse, le producteur prend l’initiative et la responsabilité de l’œuvre mais la jurisprudence insiste sur le fait que cela n’écarte pas pour autant la qualification d’œuvre de collaboration de l’œuvre audiovisuelle qui ainsi ne peut jamais être considérée comme une œuvre collective .

III. La titularité du droit de remake par le producteur

Le producteur est présumé se faire céder l’ensemble des droits exclusifs d’exploitation par le biais d’un contrat de production audiovisuelle. Cette solution déroge à la règle de principe, posée à l’article L. 131-3 du CPI, qui exige que les droits cédés fassent l’objet d’une mention distincte et expresse dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit précisément délimité. 

Il s’agit donc de se demander si le producteur de l’œuvre initiale, en tant que cessionnaire des droits d’exploitation peut lui-même, autoriser la production d’un remake du fait de la présomption légale dont il bénéficie, ou si au contraire, il aura besoin de se voir en plus céder les droits de remake. Autrement dit, les droits de remake sont-ils inclus dans la présomption de cession légale ? Cette question permet de déterminer dans quelle mesure un producteur serait susceptible de commettre une contrefaçon en mettant en œuvre le remake d’une œuvre dont il n’a pas les droits afférents. La solution n’est pas encore gravée dans le marbre ou la jurisprudence mais la doctrine s’accorde à dire que la présomption n’inclut pas ces droits de remake car les droits d’exploitation ne portent pas sur « la création de nouvelles œuvres » selon P.-Y. Gautier.

IV. La production d’un remake avec l’accord, voire la collaboration du producteur de l’œuvre originaire

Comme la frontière est mince entre l’inspiration et la contrefaçon, s’assurer la titularité des droits de remake est d’un intérêt tant juridique qu’économique, les sanctions civiles et pénales pouvant être lourdes financièrement, surtout pour des œuvres notoires. Conserver les mêmes noms, les mêmes développements des personnages et/ou la même intrigue principale se révèle donc être un vrai casse-tête pour les producteurs. En effet, la reproduction de tout ou partie de l’œuvre audiovisuelle et de ses éléments étant illicite, il est nécessaire d’obtenir l’accord préalable des auteurs. 

C’est pourquoi, le producteur du remake devra demander l’accord du producteur de l’œuvre originaire afin de créer son œuvre. Il est donc vivement conseillé aux co-auteurs et au producteur de l’œuvre initiale  de collaborer avec celui du remake. Juridiquement, cela assure le respect de l’œuvre initiale dont le droit est imprescriptible et détenu par les co-auteurs. Économiquement, cela maintient l’esprit de l’œuvre originaire et permet d’éviter que les téléspectateurs soient déstabilisés par les changements apportés à l’œuvre initiale et désertent, voire boycottent le remake. La multitude de séries américaines basées sur le personnage de Superman et ses origin story ces 30 dernières années mériterait une attention toute particulière mais le personnage étant détenu par DC et les séries étant américaines, il faudrait se pencher davantage sur le régime outre-Atlantique.

En définitive, est-ce à dire que les téléspectateurs et les internautes fans de l’œuvre originairesont le vrai patron des remakes, plus que les co-auteurs ou le producteur ? En tout cas, mieux vaut ne pas se risquer à trop se dérober à l’esprit général de l’œuvre originaire, que ce soit sur un série française ou étrangère. On l’a vu avec le remake de Charmed en 2018 où la saison 1 a été vivement critiquée pour son côté moralisateur promouvant le féminisme ou encore la représentation des minorités. 

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