Dans le cadre de contrats internationaux, l’objectif premier d’une due diligence est de procéder à une vérification complète de la situation (fiscale, sociale, comptable…) du futur cocontractant afin de décider si la relation d’affaires pourra se poursuivre. De telles précautions sont essentielles dans la vie des affaires, et leur violation peut avoir de lourdes conséquences pour les sociétés. En cas de manquement aux procédures de due diligence instituées par une entreprise, des sanctions peuvent être prises à l’encontre des responsables.
Une parfaite illustration de l’importance de ces mécanismes et des conséquences de leur violation se trouve dans l’arrêt du 11 mars 2021 rendu par la Cour d’appel d’Angers.
I/ Quels sont les faits de l’affaire ?
En l’espèce, il s’agissait d’une société qui avait pour activité principale la fabrication et la vente de produits pyrotechnologiques destinés à la défense et au maintien de l’ordre. La société avait embauché un directeur commercial qui a été, quelques années plus tard, licencié pour faute grave au motif que ce dernier s’est rendu coupable de manquements particulièrement graves à « ses obligations professionnelles élémentaires » en violant les procédures internes de l’entreprise.
En effet, ce dernier a organisé, sans aucune autorisation ou vérification préalable, un rendez-vous afin de signer un contrat avec un nouveau client basé aux Emirats Arabes Unis. La direction général, incitée par son directeur commercial, a accepté de s’y rendre.
Or, la procédure interne préalable à la conclusion de tout contrat international imposait la validation de l’opération par différentes directions (direction du développement international, direction commerciale…) afin de s’assurer de la légalité et de la régularité du contrat conclu, notamment sur l’absence de risques de corruption.
En l’espèce, aucune de ces vérifications n’a été observée, le tout sans que la direction générale ne s’en rende compte. Lorsque cette dernière est alertée, il est trop tard et le rendez-vous aura bien lieu. Cependant, après analyse, de nombreux signes d’alertes de corruption ou de risques de corruption sont mis en avant et les négociations sont réouvertes.
Le directeur commercial en cause saisi le Conseil des Prud’hommes qui juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. La société interjette appel.
II/ Quelle est la position de la Cour d’Appel ?
La Cour d’appel va premièrement retenir la cause réelle et sérieuse de licenciement, comme l’exige l’article L1232-1 du Code du travail, notamment au regard du degré de responsabilité conféré au directeur commercial. Elle relève ici que la faute réside dans le fait que le directeur ne s’est pas inquiété de respecter les procédures de vérification, mais non dans l’absence des vérifications anticorruption, ces vérification ne relevant pas de sa compétence. L’absence de due diligence « aurait pu avoir des conséquences fâcheuses pour l’entreprise, compte tenu notamment du fait qu’elle travaille dans un secteur sensible ».
Cependant, la Cour ne va pas estimer que le comportement du directeur suffisait à qualifier une faute grave. En effet, elle juge que « le manquement ainsi commis s’analyse en une abstention qui est certes fautive compte tenu du contexte mais qui ne traduit ni une mauvaise foi ni une quelconque déloyauté de la part [du directeur commercial] ». Si la faute grave avait été retenue, le directeur commercial n’aurait pu se voir verser l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis.
Ainsi, cet arrêt revêt une importance particulière dans la mesure où la solution retenue par la Cour d’appel d’Angers est novatrice. Il est désormais clair qu’aux yeux des juridictions, les manquements aux procédures internes de due digilence ne sont pas constitutifs d’un simple oubli mais pourront bien être le fondement d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il était, en l’espèce, d’autant plus important que des contrôles anticorruption soient réalisés compte tenu du secteur sensible dans lequel la société évoluait.
Cette solution mérite approbation en ce qu’elle permet de placer les contrôles anticorruption au centre des préoccupations précontractuelles des entreprises. Ces dernières devront donc être à même de proposer des mécanismes de due diligence performants, mais également de s’assurer de leur respect et d’en tirer les conséquences en cas de violation. Nul doute que cet arrêt incitera les entreprises et leurs salariés à redoubler de vigilance avant d’entrer en relations d’affaires. De plus, par les précautions prises, aussi bien les personnes physiques que les personnes morales seront protégées contre des éventuelles actions en responsabilité pénale, dont les amendes peuvent s’élever à plus millions d’euros.
L’arrêt du 11 mars 2021 semble donc s’inscrire dans une lignée jurisprudentielle invitant les entreprises à être plus vigilante et plus rigoureuse dans leurs choix commerciaux.