Statut éminemment protecteur pour le locataire, le bail commercial est « un contrat par lequel une partie, le bailleur, s’engage à assurer à l’autre, le preneur, propriétaire d’un fonds de commerce, la jouissance des lieux moyennant un loyer ». Le droit commercial, innervé par des considérations plus économiques que juridiques, ne pouvait se satisfaire du droit commun du bail. Raison pour laquelle, le législateur s’est évertué à bâtir un régime dérogatoire pendant près d’un siècle. En effet, depuis une loi du 30 juin 1926, initiant le statut des baux commerciaux, de nombreux textes sont intervenus pour parfaire ce régime, en renforçant quasi-systématiquement les prérogatives des locataires.
Il importe donc de revenir sur les diverses conditions qui encadrent l’application d’un statut qui peut s’avérer contraignant pour les bailleurs.
I. Les conditions relatives aux parties
D’une part, le locataire ou preneur doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés. Cette condition est indispensable pour pouvoir prétendre au renouvellement du bail au terme de celui-ci. Par ailleurs, si le locataire détient plusieurs établissements, il devra procéder à autant d’immatriculations secondaires qu’il a de succursales. Cette immatriculation est essentielle car elle prévaut sur la qualité même de commerçant. Ainsi, un commerçant de fait ne pourra pas bénéficier du statut des baux commerciaux. Il convient de préciser que le locataire doit être immatriculé au titre de l’activité exercée dans les lieux loués. Autrement dit, une immatriculation à un autre titre serait sans effet (Civ. 3ème, 22 septembre 2016, n°15-18.456).
Toutefois, par extension, le législateur a apporté quelques dérogations à ce principe. Ainsi, le statut a également été octroyé aux artisans immatriculés au répertoire des métiers, ce qui permet de considérer que ces derniers sont titulaires d’un fonds artisanal répondant au même régime que le fonds de commerce.
D’autre part, le bailleur doit être capable et disposer du pouvoir de conclure un bail commercial. De ce fait, s’il est question d’un immeuble à usage commercial détenu par deux époux communs en biens, le Code civil imposera le consentement des deux conjoints pour la conclusion du bail. A défaut, le conjoint qui n’a pas consenti peut demander l’annulation du bail dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l’acte ou de la dissolution de la communauté.
Si le propriétaire du local est incapable (mineur ou majeur), son représentant légal peut conclure un bail commercial. Cependant, l’acte ne conférera au locataire aucun droit à renouvellement opposable à l’incapable devenu capable.
II. Les conditions relatives au lieu
Le statut des baux commerciaux ne s’applique qu’aux locations d’immeubles ou de locaux.
De prime abord, l’immeuble s’entend au sens commun du terme, c’est-à-dire comme une construction ou un bâtiment. L’immeuble suppose donc une certaine fixité, qui s’attache à la notion de clientèle. Quant au local, il s’agit d’un bâtiment ou d’une partie de celui-ci, un lieu clos et couvert permettant l’exploitation d’une activité commerciale.
Par conséquent, ne peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux :
- Les constructions légères, mobiles ou démontables ;
- Les emplacements variables dans les centres commerciaux ;
- Les murs et emplacements réduits rendant impossible l’installation d’un espace de vente, tels que les vitrines d’exposition ou les locations d’emplacement publicitaire.
En outre, les locaux accessoires peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux (art. L. 145-1, I C. com). Toutefois, ne sont considérés comme accessoires que les locaux sans lesquels l’exploitation du fonds serait comprise. Cette définition restrictive écarte du champ des baux commerciaux les locaux « simplement » utile à l’exploitation du fonds. A titre d’exemple, ne peuvent être soumis au statut des baux commerciaux, les hangars ou garages, sauf si leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds.
III. Les conditions relatives à l’exploitation du fonds de commerce
L’article L. 145-1 C. com pose pour règle que les baux commerciaux ne s’appliquent qu’aux immeubles dans lesquels un fonds de commerce est exploité. On retrouve les conditions permettant de caractériser l’existence d’un fonds : une activité commerciale et une clientèle autonome.
Le locataire doit donc justifier d’une clientèle propre pour bénéficier du statut. Si la clientèle appartient au propriétaire du local dans lequel el fonds est exploité, le locataire n’est pas titulaire d’un fonds de commerce. Il ne pourra donc exiger le renouvellement du bail puisque le contrat le liant au propriétaire des lieux n’est pas un bail commercial mais plutôt une location-gérance.
A noter toutefois qu’il faut percevoir ces termes au sens juridique. Ainsi, il n’est nullement nécessaire que la clientèle puisse avoir accès directement aux locaux commerciaux. Par exemple, des immeubles destinés à fournir des bureaux peuvent bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux dès lors que des actes de commerce y sont effectués.
Enfin, le fonds de commerce ne se conservant que par son exploitation, le droit au renouvellement du bail n’est reconnu que si le fonds a été exploité pendant les trois années qui précédent la demande de renouvellement. En revanche, le locataire n’est pas tenu d’exploiter lui-même le fonds (ex : hypothèse de la location gérance).
IV. Les conditions relatives à la durée ou à la nature du contrat
Bien que le statut des baux commerciaux ait un caractère impératif et ait donc vocation à régir toutes les conventions de location d’immeuble ou est exploité un fonds de commerce, certains types de contrats demeurent hors de son champ d’application soit parce que leur durée n’est pas en adéquation avec la durée légale d’un bail commercial qui est de 9 ans.
Ainsi, sont exclus du champ d’application du statut des baux commerciaux, les baux de moins de trois ans, les locations saisonnières et les conventions d’occupation précaire. Il en va de même, en raison de leur longueur, des baux emphytéotiques, des baux à construction et des concessions immobilières.
Enfin, certains baux, en raison de leur nature même, sont exclus du champ d’application du statut légal. Tel est le cas du crédit-bail immobilier à raison de son objet, à savoir financer une opération d’achat sur un immeuble. Cette opération peut néanmoins porter sur des biens d’équipement, sur du matériel d’outillage ou sur un fonds de commerce. Toutefois ce type d’opération est complexe car elle met en jeu des relations triangulaires.