Après avoir emballé le Pont-neuf en 1985, le couple Christo et Jeanne-Claude marqué par la folie des grandeurs et le génie de la splendeur s’attaque à un autre symbole de la capitale parisienne : l’Arc de Triomphe. 25 000 mètres carrés de tissus argent bleuté et 3 000 mètres de corde rouge,l’empaquetage de l’Arc de Triomphe, œuvre posthume du couple au-delà de déchainer les passions, soulève des questions de propriété intellectuelle.
I. Les emballages de Christo et Jeanne-Claude, entre idées et œuvres de l’esprit
« Un emballage, c’est une seconde peau » – Christo
L’Arc de Triomphe est dans de beaux draps. Au-delà des débats brulants, il est nécessaire de se questionner sur l’appréhension de l’emballage de l’Arc de Triomphe sous le prisme du droit d’auteur. Le droit d’auteur ne protège pas les idées, mais uniquement l’expression de celles-ci. Il est alors primordial que la création soit perceptible par les sens. La dichotomie entre l’idée et l’expression d’une œuvre est déterminante pour définir le champ de sa protection. Afin de déterminer si l’empaquetage de l’Arc de Triomphe est une œuvre de l’esprit, il est essentiel de se référer aux précédents judiciaires concernant les empaquetages de Christo et Jeanne-Claude.
Chaque œuvre est une expédition, et l’empaquetage du Pont-neuf est une aventure remarquable !
En 1986, la Cour d’appel de Paris reconnaissait que l’empaquetage du Pont-neuf était une œuvre de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle. En effet, les juges du fond retenaient que « l’idée de mettre en relief la pureté des lignes du Pont-Neuf et de ses lampadaires au moyen d’une toile soyeuse tissée en polyamide, couleur de pierre d’Ile-de-France, ornée de cordage en propylène de façon que soit mise en évidence, spécialement vu de loin, de jour comme de nuit, le relief lié à la pureté des lignes de ce pont constitue une œuvre originale susceptible de bénéficier à ce titre de la protection légale ». (. CA Paris, 13 mars 1986, D. 1987, somm. p. 150, obs. C. Colombet ; Gaz. Pal. 1986, 1, p. 238.)
La commercialisation de cartes postales reproduisant cet empaquetage sans autorisation était donc sanctionnée !
L’idée d’empaqueter… reste une idée !
L’année suivante, Christo avait pour ambition d’interdire à certains autres créateurs la possibilité d’user de la méthode dite de l’empaquetage, notamment pour l’emballage d’arbres sur les Champs Elysées. Une action qui n’a pas convaincu les juges qui ont réaffirmé la règle de non-appropriation des idées et la maxime de Desbois : « les idées sont de libre parcours ». En effet, le Tribunal de grande instance de Paris affirme que la loi française « ne protège que des créations d’objets déterminés (…) et non pas un genre ou une famille de formes qui ne présentent entre elles des caractères communs que parce qu’elles correspondent toutes à un style ou un procédé découlant d’une idée, comme celle d’envelopper des objets. ». (TGI Paris, 26 mai 1987, D. 1988, somm. p. 201, obs. C. Colombet.)
II. L’empaquetage de l’Arc de Triomphe… la distinction complexe entre œuvre de l’esprit et simple idée
La distinction entre la forme et l’idée réside donc dans l’exigence d’extériorisation. La formalisation de l’empaquetage de l’Arc de Triomphe est protégeable par le droit d’auteur. Si reprendre l’idée d’habiller des édifices urbains monumentaux ne semble pas poser problème, puisqu’elle est de libre parcours, reproduire l’empaquetage de l’Arc de Triomphe sur des vêtements, mugs, ou encore cartes postales pourrait poser problème. Il serait nécessaire de demander l’autorisation des ayants-droit pour éviter les actions en contrefaçon.