Les affaires en justice relevant d’infractions pénales graves et dont la résolution peut s’avérer complexe, requièrent l’intervention d’un juge d’instruction. Ce dernier est un magistrat du siège chargé d’instruire l’affaire afin qu’elle soit jugée. Le juge d’instruction est donc un juge à part entière qui dispose d’un large pouvoir d’intervention, cependant avec certaines limites. Alors qu’est-ce qu’un juge d’instruction ? Quels sont ses pouvoirs et quels sont les limites ? Nous faisons le point dans cet article.
Qu’est-ce qu’un juge d’instruction ?
Le juge d’instruction est un magistrat qui dirige les enquêtes sur les affaires pénales les plus complexes. Il commande l’action de la police judiciaire et appartient au tribunal judiciaire (ancien tribunal de grande instance). Le juge d’instruction est nommé par décret du Président de la République sur proposition du Ministère de la Justice, pour trois ans renouvelables et est inamovible. Il mène l’instruction préparatoire qui consiste à rechercher les auteurs et à établir les éléments de preuve pour constituer un dossier, notamment lorsqu’une infraction n’est pas flagrante. Il instruit à charge ou à décharge dans les enquêtes judiciaires.
Le juge d’instruction procède à la manifestation de la vérité et prend certaines décisions juridictionnelles. Il doit rassembler les éléments de preuve permettant de considérer des charges suffisantes contre une personne. À défaut de charges suffisantes, il rend une ordonnance de non-lieu. Si les charges sont suffisantes, il rend une ordonnance de renvoi devant le juge correctionnel notamment. Dans ses fonctions, il peut être saisi par le réquisitoire du procureur de la République ou par une plainte avec constitution de partie civile.
Le juge d’instruction est automatiquement compétent pour les crimes. Pour les délits et contraventions, en revanche, il doit être saisi par le parquet. Sa compétence territoriale englobe :
- Le lieu de commission de l’infraction pénale ;
- Le lieu de résidence d’une personne soupçonnée dans l’affaire ;
- Le lieu de l’arrestation ;
- Le lieu de détention de l’auteur présumé de l’infraction.
Quels sont les pouvoirs du juge d’instruction ?
Le juge d’instruction dispose d’un important panel de pouvoirs pour mener à bien ses missions d’enquêtes judiciaires. Ces pouvoirs sont prévus par le législateur dans le Code de procédure pénale, aux articles 79 à 190. Il est défini comme la juridiction d’instruction du premier degré.
Il a le pouvoir de mettre en examen tout individu suspecté d’avoir participé à la commission d’une infraction sur laquelle il enquête, à condition que les soupçons reposent sur des indices graves et concordants. Les pouvoirs du juge d’instruction l’autorisent à prendre l’initiative de limiter la liberté de l’individu suspecté, avec des mesures restrictives qui peuvent être prononcées dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Le contrôle judiciaire est une mesure d’exception pouvant être appliquée aux personnes en attente de leur procès ou mises en examen. Bien qu’une personne mise en examen reste en principe libre, le juge d’instruction peut décider de la placer sous contrôle judiciaire, restreignant certains de ses mouvements, comme :
- L’interdiction de s’absenter de son domicile ;
- L’interdiction de sortir d’un certain périmètre ;
- L’interdiction de rencontrer certaines personnes, etc.
Le juge d’instruction dispose également du pouvoir d’agir pour la manifestation de la vérité. Il peut :
- Procéder à des descentes sur les lieux ;
- Procéder à des perquisitions et saisies ;
- Commander des expertises ;
- Auditionner les victimes et témoins.
Dans la pratique, pour plus d’efficacité, le juge d’instruction délègue un important pan de ses pouvoirs à la police judiciaire. Cette délégation de pouvoir se fait sous l’appellation de commission rogatoire, permettant aux agents de police judiciaire d’exercer les pouvoirs du juge d’instruction, tels que les perquisitions. Pour finir, le juge d’instruction peut délivrer des mandats qui instruisent aux forces de l’ordre de conduire certaines actions.
Quelles sont les limites du pouvoir du juge d’instruction ?
L’intervention du juge d’instruction est soumise à une saisine préalable, soit par le procureur de la République, soit par une plainte avec constitution de partie civile. Le juge d’instruction ne peut donc pas se saisir lui-même d’une affaire. De plus, il n’a pas le pouvoir de placer un mis en examen en détention provisoire; cette compétence est du ressort exclusif du juge des libertés et de la détention.
La majorité des actes du juge d’instruction sont soumis au principe du contradictoire et peuvent être contestés par les parties par voie d’appel. Le juge d’instruction doit parfois obtenir une habilitation pour accéder au contenu de certains dossiers. Le cabinet du juge d’instruction fait l’objet de contrôle par la chambre de l’instruction (juridiction de second degré).
En 2007, une loi du 5 mars avait prévu des pôles de l’instruction. Il était alors question de regrouper dans certains tribunaux au moins trois juges d’instruction. Cette mesure était une réponse à la critique selon laquelle le juge d’instruction était un magistrat assez isolé, compte tenu de la complexité des affaires qu’il est souvent amené à instruire. Cependant, cette démarche visant à une collégialité effective de l’instruction n’avait pas prospéré. Elle avait d’abord été retardée avant d’être abandonnée en 2016.