Le fiasco mediapro

20 mars 2021

En février 2018, le groupe sino-espagnol Mediapro obtient les droits télévisés de la Ligue 1 et Ligue 2 sur la période 2020-2024 pour une somme record de 830 millions d’euros par an ! Une aubaine pour le football français qui voyait là une bonne occasion de rattraper son retard sur ses voisins (anglais, espagnols, allemands et italiens) et d’envisager un développement des clubs français sur le long terme. 

LFP-Médiapro : une collaboration de courte durée

Malheureusement, cette perspective fut de courte durée. Le 21 août 2020, la chaîne Téléfoot est officiellement lancée. Le 6 octobre, soit moins de 2 mois après le démarrage de la diffusion des matchs, le groupe Mediapro enregistre déjà son premier incident de paiement. 

Le 5 décembre 2020, date de la troisième échéance du contrat, Médiapro ne paye toujours pas le versement des droits à ligue. Finalement, le 11 décembre, la Ligue de Football Professionnelle (LFP) met fin au contrat moyennant une indemnité de 100 millions d’euros de dédommagement. Le groupe défaillant continuera de diffuser les matchs jusqu’au début du mois de février coïncidant avec l’arrivée de Canal + qui a acquis les droits télévisés pour le reste de la saison.

Des pertes financières colossales pour le football français.

Au final, pour la saison 2020-2021, la LFP devrait donc récupérer un montant global de 688 millions d’euros contre les 1,153 milliards d’euros initialement prévus. C’est donc un manque à gagner considérable pour les clubs de Ligue 1 et Ligue 2. D’ailleurs, la LFP s’est vu contrainte de contracter un prêt octroyé par l’Etat à hauteur de 224,5 millions d’euros. Ce prêt est une bombe à retardement car il devra être remboursé par les prochains prélèvements de droits TV. Toutefois, il est difficile d’imaginer un montant aussi important de droits TV pour les prochaines échéances.

Ce fiasco est d’autant plus grave, qu’il intervient en plein crise de la Covid-19. La pandémie ne permet plus aux clubs d’accueillir du public dans les stades. Les recettes de la billetterie sont donc nulles depuis le début de la saison. De plus, le contexte économique global a ralenti nettement les dépenses des clubs lors du mercato. Or le football français est dépendant depuis de nombreuses années de la vente des joueurs aux clubs étrangers puissants financièrement. Le fiasco Mediapro, conjugué à la crise sanitaire, plonge donc le football français dans l’incertitude la plus totale. 

Les raisons du fiasco

La principale raison de cet échec incombe aux responsables du football français. Aveuglés par l’appât du gain, les représentants de la LFP n’ont pas exigé de garanties financières. En effet, une simple caution solidaire d’un actionnaire chinois de Mediapro (Orient Hontai Capital) a été jugée comme suffisante et satisfaisante par les dirigeants français….

Pourtant des précédents inquiétants auraient dû alerter les représentants du football français. Ainsi, au début de l’année 2018, Mediapro avait remporté les enchères concernant la diffusion de la ligue italienne pour la somme record de 1,05 milliards d’euros. Les dirigeants italiens avaient néanmoins demandé au groupe Sino-Espagnol d’apporter des garanties financières, plus précisément une demande de caution via des revenus réguliers en cas de défaillance comptable. Or, le groupe n’a pas été capable de justifier la moindre garantie. L’accord trouvé avec les dirigeants de la ligue italienne a donc été rompu. Visiblement, la LFP n’a pas eu vent de cet échec…

Le fiasco s’explique également par les prévisions erronées des dirigeants du groupe Mediapro. Ces derniers comptaient sur 3,5 millions d’abonnés aux chaines du groupe, seuil au-delà duquel l’affaire aurait été rentable. Malheureusement, le nombre d’abonnés est loin du compte espéré et la chaîne Téléfoot peine à dépasser les … 600 000 abonnées ! 

De plus, le plan du groupe était de revendre une partie des droits télévisés acquis au groupe français Canal +. Bien évidemment, la chaîne cryptée a refusé cette offre. Mediapro visait également le marché de la ligue des champions. Cependant, il aurait dû partager le marché avec le groupe Altice. 

Les garanties financières inexistantes et la vision stratégique chaotique de Mediapro ont donc contribué au fiasco prédit par de nombreux économistes. 

Quel avenir pour le football français ?

L’heure est à l’austérité pour les clubs de l’Hexagone. Certains spécialistes prédisent une faillite généralisée. Certains clubs seraient proches d’un état de cessation de paiement. Dans un entretien accordé au Parisien, début décembre 2019, Jean Pierre Caillot, président du Stade de Reims et membre de la LFP annonçait que « la moitié des clubs français risquent la cessation des paiements ». Pas étonnant lorsque l’on sait que les droits TV constituent en moyenne plus de 50% des recettes des clubs. 

Pour éviter cette situation, des plans sociaux sont à prévoir dans de nombreux clubs. L’une des solutions évoquées par la LFP serait de négocier un accord avec les syndicats de joueurs afin de diminuer les salaires. Des accords ont déjà été trouvés entre dirigeants et joueurs comme au Racing Club de Lens et au Stade de Reims par exemple. 

L’autre solution serait d’accorder des délais de paiement aux clubs sur plusieurs saisons. Cela permettrait d’alléger les dépenses pour les prochains mois, de planifier et budgétiser les dépenses sur le long terme. 

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