Le Digital Service Act (DSA) s’habille en Balenciaga

16 avril 2021

Le Digital Service Act (DSA) s'habille en Balenciaga

L’industrie du luxe n’a pas manqué de saisir l’opportunité de la dernière directive européenne à l’encontre des plateformes numériques : la contrefaçon en ligne représentant la « bête noire » des enseignes de luxe. La régulation des contenus est alors plus que jamais d’actualité avec le projet de la Commission européenne du Digital Services Act (DSA) présenté le 15 décembre 2020, qui vise à davantage responsabiliser les géants du web. 

I. Une régulation des plateformes numériques jugée trop laxiste par les maisons de luxe

Certaines marques de luxe déplorent le manque de coopération réelle des acteurs du numérique notamment en ce qui concerne la contrefaçon. 

Le Comité Colbert, qui représente 85 maisons de luxe françaises et 16 institutions culturelles, rejoint le commissaire européen, Thierry Breton, qui demeure ferme dans ses propos tenus dans le Politico vis-à-vis de ces projets de lois : « ce qui est illégal hors ligne devrait être également illégal en ligne ». Et nous avons des acteurs au fait de leur puissance, qui suscitent une inquiétude quant à leurs modèle économique. En effet, certaines plateformes sont empreintes à certaines dérives, sur lesquelles la contrefaçon représente une ressource essentielle d’une économie criminelle, là où l’espace numérique est le plus fructueux. On se souvient par exemple en 2015 de la plainte de certaines marques telles que Balenciaga, Gucci, Yves-Saint Laurent contre Google ou contre Alibaba qui encourageait l’achat de produits contrefaits sur les sites de vente. Cette action a finalement abouti à une conciliation des deux parties afin de préserver les apparences et de ne pas se retrouver dans un état de compétition avec les états auxquels les GAFA ne s’attendaient pas. 

De surcroît, nous croyons que ces plateformes étaient novatrices et nous nous rendons compte qu’elles se comportent comme des Rockefeller qui ont du être régulées à terme. D’où le DSA pour armer juridiquement le luxe sur l’espace numérique.  

II. Le bras de fer entre le luxe et la contrefaçon en ligne sous le prisme du DSA

 C’est pour lutter contre la contrefaçon en ligne que le luxe souhaite influer sur la régulation des plateformes systémiques par le biais du Digital Services Act. Pour le définir succinctement, le digital services act (DSA) est relatif au contenu et définit une liste d’obligations et d’interdits que Bruxelles veut imposer aux grands géants du numérique. Ce projet de loi représente une véritable offensive face aux plateformes systémiques et résulte d’un cadre juridique en partie obsolète en Europe. Celle-ci a en effet constaté son incapacité à régler les contenus et à faire cesser les abus de positions dominante des géants numériques, qui ont acquis un rôle central dans l’économie mondiale et le quotidien des utilisateurs.

De fait, le DSA porte sur la lutte contre la diffusion de contenus haineux ou illégaux, les propos haineux, la contrefaçon, qui suscite particulièrement l’attention des maisons de luxe. Le document impose aux plus grandes plateformes des « obligations de moyens » pour réagir rapidement à l’apparition de contenus interdits (le principe du « notice and action »). Elles devront aussi donner suite à toute instruction des autorités judiciaires ou administratives nationales d’agir à l’encontre d’un contenu illicite (article 8). Elles devront également communiquer, à ces mêmes autorités, les informations relatives à un utilisateur qui pourront leur être réclamées conformément aux législations nationales ou européennes (article 9) sans compter que le luxe encourage l’identification de vendeurs et de signaleurs de confiance face à ces contenus (« trusted flaggers »).

Il s’agit de faire prendre des responsabilités aux grands géants du numérique et d’un jeu équilibriste entre régulation des contenus et protection de ses utilisateurs.

III. La protection des consommateurs mise en avant par les maisons de luxe 

Enfin, et d’une certaine façon c’est pour le prestige voire l’image des produits authentiques des enseignes de luxe que la contrefaçon est préjudiciable. 

D’autant que, les consommateurs ont tendance à préférer les produits authentiques en vue de réduire notamment les risques liés à la contrefaçon (de l’ordre financier, fonctionnel ou même social). L’utilisateur est beaucoup plus regardant et attentif aux critères sociaux et environnementaux des marques de luxe dans le choix des produits ou d’un service selon une étude d’Accenture. Un représentant de LVMH disait « la lutte contre la contrefaçon, c’est de plus en plus une question de protection du consommateur » expliquant notamment les effets nocifs des produits contrefaits. La contrefaçon peut ne pas être aussi durable et fiable que le véritable produit. Elle est généralement de moins bonne qualité et peut être nuisible à la santé du consommateur. Le luxe met donc en avant la protection de ses utilisateurs dans cette lutte contre la contrefaçon en ligne afin de légitimer sa prise de position au travers du DSA. 

Jusqu’à présent, la lutte contre la contrefaçon n’a pas été considérée comme prioritaire dans le Digital Services Act, mais elle pourrait bien être soutenue par le gouvernement français dans les mois à venir. En effet, il y a une véritable prise de conscience maintenant en Europe, d’une nécessité de régulation et de règlementation au « laisser faire » des GAFA. Les paroles de Eric Schmitt (ancien patron de Google) témoignent de cette prise de conscience : « les états sont trop lents, trop lourds, incompétents par définition, nous avons vocation à les remplacer » dans son livre « The New digital Age ». Face à l’insécurité des maisons de luxe, le DSA constituerait bien un espoir. 

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