Pour exercer leur mission, les représentants du personnel disposent d’un crédit d’heures qui leur est alloué mensuellement. Le contenu de cette enveloppe horaire est strictement définie: par la loi ou par accord collectif plus favorable. Cependant, lorsque les élus justifient de circonstances dites « exceptionnelles », il est possible qu’ils obtiennent davantage d’heures. Les prochaines lignes vous proposent d’explorer le régime relatif aux heures de délégation en cas de circonstances exceptionnelles.
I. Définition des circonstances exceptionnelles
En l’absence de définition légale, la jurisprudence définit les circonstances exceptionnelles lorsqu’elles constituent « une activité inhabituelle nécessitant, de la part des représentants, un surcroît de démarches et d’activité débordant le cadre de leurs tâches coutumières en raison, notamment, de la soudaineté de l’événement ou de l’urgence des mesures à prendre » (Cass. crim., 3 juin 1986, n° 84-94.424).
La caractérisation des circonstances exceptionnelles se fait in concreto par les juges, en cas de différends entre l’employeur et les élus. Ainsi, les juges apprécient également le nombre d’heures de délégation utilisé lors de ces circonstances (Cass. soc., 13 juill. 1988, n° 85-45.045).
Par exemple, constituent des circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement du crédit d’heures :
- l’existence d’une procédure d’alerte (Cass. soc., 29 avr. 2009, n° 07‐ 45.480) ;
- un conflit collectif important, affectant les trois usines d’une société (Cass. soc., 27 juin 1979, n° 78‐40.229).
A contrario, ne constituent pas des circonstances exceptionnelles :
- la préparation ou l’organisation d’un spectacle pour les enfants du personnel (Cass. soc., 16 nov. 1983, n° 81‐42.984 ) ;
- Une grève de courte durée sans importance particulière.
Lorsqu’un élu veut se prévaloir des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’en apporter la preuve. Le régime de présomption de bonne utilisation des heures de délégation ne s’appliquent pas en cas de dépassement (Cass. soc., 4 juill. 2000, n° 97-44.846).
Il devra de plus apporter la preuve de l’utilisation conforme à l’objet de son mandat (Cass. soc., 20 févr. 1996, n° 92-44.968) et également justifier de l’épuisement de son crédit d’heures légales ou conventionnelles.
Quant au paiement de l’excédent horaire par l’employeur , « l’obligation pesant sur l’employeur de payer à l’échéance normale […] ne s’étend pas aux heures prises en fonction de circonstances exceptionnelles. » (Cass. soc., 12 nov. 1987, n° 83‐42.192). Le délit d’entrave ne sera pas caractérisé, sauf à démontrer une volonté délibérée de porter atteinte au mandat (Cass. crim., 26 mai 1987, n° 85‐92.193). Le juge judiciaire pourra être saisi en cas de contestation sur l’existence de circonstances exceptionnelles ou la conformité de l’utilisation des heures (Cass. soc., 27 nov. 2012, n° 11‐21.202).
II. Les sanctions en cas de dépassement injustifié
Dans l’éventualité, où un élu dépasse son crédit d’heures et que les circonstances exceptionnelles ne sont pas caractérisées, l’employeur peut prendre deux types de mesure :
- La retenue sur salaire. En cas d’utilisation d’heures indues l’employeur peut retenir sur paie les heures supérieures au crédit mensuel (Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 08-42.546). Il convient cependant de porter une vigilance particulière au transfert et au report d’heures.
- La sanction disciplinaire. Les juges ont pu retenir le caractère réel et sérieux d’un licenciement fondé sur le dépassement des heures de délégation. Par exemple, constitue une faute d’une gravité suffisante le dépassement du crédit horaire en l’absence de justification de circonstances exceptionnelles, qui s’accompagne de l’utilisation du budget du Comité d’Entreprise (CE, 17 déc. 1993, n° 116531). Le dépassement par un élu de son crédit d’heures constitue un manquement professionnel, alors même qu’il n’était pas rémunéré comme du temps de travail. De même, le licenciement est fondé lorsque les dépassements ont fait l’objet de nombreuses remarques par l’employeur, et qu’ils sont importants et répétés (CE, 16 avr. 1982, n° 19530).