Le 29 février 2020, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a expliqué que le coronavirus était un cas de force majeure pour les entreprises, en particulier dans les marchés publics de l’État, justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles.
La crise sanitaire actuelle a engendré de graves difficultés économiques pour les entreprises. En principe pour faire face à ces difficultés, les entreprises utilisent divers moyens mis à leur disposition tels que le licenciement économique, la rupture conventionnelle ou encore l’accord de performance collective. Toutefois, ces mécanismes ont un certain coût pour les entreprises. Ainsi, il est intéressant de s’interroger sur la faculté pour l’employeur de rompre le contrat de travail pour un autre motif telle que la force majeure.
I. L’absence de force majeure pour Covid-19 dans le cadre de la rupture d’un contrat de travail
L’épidémie du Covid-19 peut-elle constituer un cas de force majeure ?
Dans le cadre d’une rupture pour force majeure, l’employeur n’a pas à respecter de procédure ni à verser d’indemnités. Cependant, il doit pouvoir justifier d’un évènement imprévisible, extérieur, insurmontable et irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Afin de reconnaître la force majeure, il faut que l’événement soit donc imprévisible lors de la conclusion du contrat. Pour apprécier ce premier critère, il faut se placer au moment de la conclusion du contrat de travail, à savoir si la pandémie était prévisible ou non à cet instant.
La difficulté réside pour les nouveaux contrats de travail. A quel moment peut-on considérer que cet évènement était prévisible ? Il semble que pour les contrats signés au cours du mois de mars, l’épidémie de la COVID-19 était prévisible à la différence des contrats de travail signés en 2019. De ce fait, le critère d’imprévisibilité devra être analysé in concreto lors de la conclusion du contrat.
L’événement doit ensuite être irrésistible, autrement dit l’événement doit être insurmontable. Le contrat de travail est alors dans l’impossibilité d’être exécuté de façon durable, il n’a d’autres choix que de rompre le contrat de travail. Dans le contexte sanitaire, les salariés pouvant être placés en télétravail, le contrat de travail peut être exécuté. Si le recours au télétravail n’est pas envisageable, la rupture du contrat de travail peut être évitée par la mise en activité partielle. Il y a donc une alternative à la rupture du contrat de travail.
Le critère d’irrésistibilité fait donc obstacle à la caractérisation de la force majeure. Par ailleurs, si les mesures de protection répondant aux exigences de sécurité sont mises en place et permettent de les protéger alors il semble difficile de rapporter que l’événement est irrésistible.
Néanmoins, si l’entreprise souhaite alléger sa masse salariale pour pérenniser son activité, il serait plus approprié de rompre le contrat de travail pour motif économique (exclu pour les CDD) que de le rompre pour force majeure. Toutefois en cette période délicate, aussi bien pour les employeurs que pour les salariés, les licenciements pour motif économique ne devraient être envisagés qu’en dernier recours. Il convient de rappeler que l’État a mis en place des mesures de financement ayant pour objectif de limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité (décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 et l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020).
Enfin le troisième critère cumulatif de la force majeure est l’événement extérieur. L’événement doit échapper au contrôle de l’employeur et à celui du salarié. Les parties ne sont pas responsables de cet événement. Cette condition semble alors remplie dans la mesure où la COVID-19 n’est pas du fait de l’employeur.
Ainsi peut-on dire que l’épidémie de la COVID-19 peut être considérée comme imprévisible, irrésistible ? Est-elle un cas de force majeure qui justifie la rupture du contrat de travail ?
Il faut rappeler que l’absence de l’un de ces critères empêche la caractérisation de la notion de force majeure. Cependant, à l’heure actuelle, aucun juge ne s’est encore prononcé sur cette situation en droit du travail.
Les cas de force majeure permettant à l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié sont extrêmement rares.Cependant quid de la force majeure dans les autres branches du droit ?
II. L’existence d’un cas de force majeure pour la COVID-19 en dehors de la sphère de droit du travail
La cour d’appel de Paris dans une affaire commerciale, s’est prononcée sur la validité de la force majeure en cas de la COVID-19. Il était question de savoir si EDF pouvait suspendre le contrat-cadre la liant à Total Direct Energie et l’obliger à acheter de l’électricité d’origine nucléaire au motif que la pandémie de la COVID-19 constituait un cas de force majeure ?
Le juge des référés du Tribunal de Commerce de Paris a apporté une première réponse dans une ordonnance du 20 mai 2020. Il a répondu positivement en considérant que les conditions dela force majeure, telles que prévues par le contrat-cadre, étaient réunies.
La Cour d’appel de Paris a confirmé cette ordonnance dans un arrêt du 28 juillet 2020.
Dans un autre arrêt plus récent, en date du 9 décembre 2020 n°20/05041 relatif à la mise en œuvre d’une clause résolutoire dans un contrat de bail commercial, la Cour d’appel de Paris a reconnu que la fermeture totale d’un local commercial du fait de l’état d’urgence sanitaire et du confinement est susceptible de revêtir le caractère de la force majeure.
Cependant il faudra attendre une autre décision afin de savoir si les tribunaux français entendent inclure la fermeture administrative totale d’un établissement comme un évènement de force majeure permettant à un preneur de ne pas payer ses loyers.