L’arrêt Bosman (25 ans) : une avancée sur la régulation des transferts dans le sport professionnel

16 janvier 2021

L’arrêt Bosman (25 ans) - une avancée sur la régulation des transferts dans le sport professionnel

Le monde du sport ne se limite pas aux pratiques sportives, il a aussi une dimension économique importante. C’est d’ailleurs l’une des critiques les plus récurrentes à l’encontre du secteur sportif, notamment vis-à-vis du montant des salaires, transferts… Cependant, comme tout domaine économique, le secteur est soumis à une réglementation juridique particulière. Dans le cadre de l’évolution de la réglementation des transferts dans le sport, l’arrêt Bosman (CJCE, 15 décembre 1995) a marqué un tournant.

Le contexte de l’arrêt Bosman

L’arrêt Bosman est la preuve qu’une situation factuelle très simple peut engendrer des apports juridiques très profonds. Cet arrêt rendu par la Cour de Justice des Commissions européennes (aujourd’hui : CJUE) a permis une avancée considérable en la matière. 

En résumé, un footballeur belge, Jean-Marc Bosman, avait un contrat le liant au Racing Club de Liège (1re division belge) qui arrivait à terme. Le RCL lui avait proposé un renouvellement de contrat, mais comportant un salaire minimal, qu’il refusa, provoquant son inscription sur la liste des transferts. Aucun club ne se manifesta. Néanmoins, un contrat d’engagement fut conclu avec le club de Dunkerque (alors en deuxième division française), pour un transfert temporaire avec option d’achat définitif, sous réserve de la réalisation d’une condition suspensive. Celle-ci étant la transmission du certificat de solvabilité du club de Dunkerque à la FFF avant le premier match de la saison. Cependant, le RCL, doutant de sa solvabilité, ne fit pas les démarches nécessaires. Cela a eu pour  conséquence la suspension du joueur pour la saison, l’empêchant de jouer. Face à une telle situation, le joueur saisit la justice pour contester l’entrave à son embauche. 

Quelle était la situation préalable à l’arrêt Bosman ?

Avant ce mythique arrêt, il existait une limitation quant à la possibilité de recruter ou d’aligner en compétition des joueurs de nationalité étrangère. La nationalité correspondait par référence à la possible qualification en équipe nationale/représentative d’un pays. La limite était de trois joueurs sur le terrain par exemple. 

De même, le transfert était subordonné à la délivrance d’un certificat de transfert reconnaissant le respect des obligations financières. Une indemnité était également demandée pour un joueur en fin de contrat. 

Cependant, ces modalités liées au transfert représentaient un obstacle au recrutement, que ce soit au niveau des limitations tenant à la nationalité, mais aussi d’un point de vue financier, avec des charges imposées même si le joueur était dit « libre ». 

De plus, au-delà des obstacles, ces différentes règles constituaient des entraves à la réglementation de l’Union européenne (UE) existante, notamment concernant la promotion des enjeux européens du sport (art. 165 TFUE),  mais aussi sur l’interdiction d’une discrimination en raison de la nationalité (art. 18 TFUE), et du non-respect de l’espace sans frontières intérieures à l’UE avec une libre circulation des personnes physiques et/ou morales, y compris les travailleurs, et donc les sportifs (art. 45, 49 TFUE et art 48 du Traité de Rome). 

Les conséquences de l’arrêt Bosman 

Par cet arrêt, et de par la primauté et l’effet direct du droit européen, il n’existe plus de limite ni de quotas pour les joueurs provenant des États membres de l’UE. De même, désormais, l’indemnité pour un joueur en fin de contrat, dit « libre », n’existe plus. Cet arrêt a donc eu des conséquences indéniables sur le marché des transferts et sur son évolution.

De par la remise en cause de la réglementation qui était alors en place, il y a un rappel de la supériorité des normes européennes, mais aussi une reconnaissance du sportif en tant que salarié, notamment dans le cadre de la libre circulation des travailleurs. 

Par l’allégement permis suite à la décision rendue, il y a également eu un changement de stratégie économique sur les transferts puisque le football, au préalable national (limite de transferts étrangers), revêt désormais une véritable dimension internationale. En outre, il peut-être considéré que cet arrêt a causé une transformation de la discrimination portée sur la nationalité, pouvant être désormais reconnue comme une discrimination reposant sur la formation (quota de joueurs issus de la formation locale nécessaire). Toutefois, il ne faut pas oublier que cette discrimination existe toujours concernant la nationalité, et cela à l’égard des pays non concernés par les accords, puisque les quotas sont maintenus pour les pays non inclus (art. 556 de la CFP (Charte du Football Professionnel)).

Les évolution consécutives à cet arrêt fondateur 

25 ans après… L’arrêt Bosman est toujours considéré comme l’un des arrêts fondateurs en matière de réglementation des transferts dans le secteur du sport professionnel.

Suite à cet arrêt, d’autres évolutions ont vu le jour. C’est notamment le cas, avec une extension de cet espace libre de transferts, sans quotas limitatifs du nombre de joueurs, aux pays ayant une convention avec l’UE, comme la Russie (arrêt Simutenkov) et les pays membres de l’Espace économique européen, mais également les pays de l’ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) (arrêt Kolpak). 

Le renforcement de la spécificité du secteur sportif professionnel et de la primauté des règles européennes a de nouveau été conforté avec l’arrêt Biffi (2019), dans lequel, une nationalité européenne sportive est reconnue, se différenciant de celle étatique.

D’autres évolutions ont également eu lieu ou sont à prévoir… Quid de l’impact du Brexit et des règles inhérentes aux transferts sur le football européen notamment ?

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