L’entreprise Lafarge, leader mondial des matériaux de construction pendant des décennies a vu sa réputation s’effondrer lorsqu’en 2017, elle est soupçonnée d’avoir versé plusieurs millions d’euros à des groupes terroristes et des intermédiaires pour maintenir son activité industrielle en Syrie. Alors, les juridictions françaises s’interrogent : une entreprise peut-elle maintenir son activité industrielle dans un pays en guerre ?
I. L’accusé : l’entreprise Lafarge
L’entreprise Lafarge s’était implantée en Syrie dans une région encore stable à l’époque. En 2011, la guerre civile éclate en Syrie, les entreprises françaises quittent les unes après les autres la Syrie sauf Lafarge qui pensait son usine en sécurité. Mais c’est au milieu d’un paysage de destruction et de désolation, au cœur d’un territoire occupé par Daesh que cette entreprise du CAC 40 s’est retrouvée soupçonnée de crimes très sérieux : « complicité de crime contre l’humanité », « financement d’une entreprise terroriste », « violation d’un embargo » et « mise en danger de la vie » d’anciens salariés de l’usine. Le leader du ciment aurait, en effet, versé plusieurs millions d’euros à des groupements terroristes comme Daesh et des intermédiaires mais également aurait vendu du ciment à Daesh et aurait payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matière premières auprès des factions djihadistes et ceci avec l’aval du siège parisien.
Les dirigeants de Lafarge ont-ils vraiment passé un accord avec Daesh pour maintenir leurs activités ? Ont-ils volontairement mis en danger la vie de leurs salariés en Syrie pour maintenir l’activité ?
C’est ce que les juridictions françaises ont tenté de savoir !
II. La parole est à la défense !
Il est clair que les pays en guerre sont une aubaine pour une entreprise de ciment puisque tout est à reconstruire. Mais à quel prix ? Un rapport commandé par le groupe Lafarge avait révélé des négociations avec des groupes armés pour assurer la sécurité et le maintien de l’activité industrielle moyennant des sommes d’argent. Cependant, l’entreprise conteste sa responsabilité quant à la destination de cet argent à des organisations terroristes et se déclare non coupable de complicité de crimes contre l’humanité.
III. Les décisions des juridictions françaises : au cœur d’un bras de fer judiciaire !
En juin 2018, les juges d’instruction avaient ordonné, dans un premier temps, la mise en examen à Paris de Lafarge après une enquête les inculpant de « complicité de crimes contre l’humanité », « financement du terrorisme », « violation d’un embargo » et « mise en danger de la vie » des salariés en Syrie.
En novembre 2019, la cour d’appel de Paris décide d’annuler les charges qui pesaient sur l’entreprise concernant la complicité de crimes contre l’humanité considérant qu’il n’y avait aucun indice grave et concordant pour ce chef d’accusation.
Contestant la décision, les parties civiles, les ONG Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains se pourvoient en cassation. Cette décision cruciale de la Cour de Cassation est attendue pour septembre prochain et pourrait avoir des conséquences importantes pour la suite de cette affaire qui fait trembler le monde des affaires.
En effet, si la Cour de Cassation prend la décision de casser la décision de la Cour d’Appel de Paris et ainsi, de retenir le chef d’accusation de complicité de crime de contre l’humanité à l’encontre du groupe Lafarge, les associations pourraient se constituer parties civiles et amplifier le dossier contre le leader du ciment.