La taxe Buffet : un jackpot pour le sport amateur ?

21 août 2021

La taxe Buffet : un jackpot pour le sport amateur ?

Le 11 juin 2021, contre toute attente, le géant américain Amazon récupère la grande majorité (80%) des droits télévisuels de la ligue 1 et de la ligue 2 en laissant les derniers 20% à Canal et Bein sport. Cette cession à hauteur de 663 millions d’euros aura des conséquences dans le monde amateur. Ces conséquences financières s’expliquent par le mécanisme de la taxe dite Buffet. Explications. 

A l’heure à laquelle la passation des droits télévisuels atteint des montants mirobolants, il apparait légitime pour tout amoureux du sport de se demander dans quelles poches va aller cet argent mis à part les présidents de clubs de ligue 1, ligue 2 et si le sport amateur en règle générale en bénéficie. Un mécanisme introduit le 1er juillet 2000 par la ministre de la Jeunesse et des Sports, Marie-George Buffet, membre du gouvernement Jospin permet au sport amateur de toucher un certain montant de ces droits télévisuels. 

I- La répartition du produit de la vente : un montant redistribué

En dehors de la procédure de cession des droits télévisuels à des diffuseurs qui fera l’objet d’un article futur, il convient de s’intéresser à la répartition du montant versé par cet opérateur pour bénéficier de ces droits télévisuels. En premier lieu, il faut préciser que les recettes brutes issues de la vente des droits audiovisuels ne sont pas intégralement distribuées aux clubs. Il convient de déduire de la somme obtenue la taxe « Buffet ». Ce prélèvement sur les retransmissions sportives, instauré par l’article 59 de la loi de finances pour l’année 2000, du 31 décembre 1999 est codifié à l’article 302 bis ZE du Code général des impôts. Cette taxe s’élève à 5% du montant hors TVA de l’ensemble des droits de diffusion (télévisés, Internet, téléphonie mobile…) perçus par l’organisateur de l’événement sportif et devient exigible au moment de l’encaissement de ces droits. 

Toutefois, il faut préciser que cette taxe ne frappe que les droits cédés par les organisateurs d’évènements sportifs domiciliés en France. En effet, les organisateurs situés à l’étranger y échappent comme par exemple, l’UEFA qui a élu domicile en Suisse ou encore la société Six Nations Rugby Ltd située juridiquement en Irlande. Toutefois, le gouvernement de l’époque avait prévu une parade à cela. En effet, le gouvernement avait prévu de taxer, dans le cas d’évènements sportifs organisés par des personnes domiciliées hors de France et se déroulant au moins en partie sur le territoire national, les diffuseurs ayant acquis les droits de retransmission. Mais le Conseil constitutionnel s’est opposé à cela par une décision du 29 décembre 2013 où il censure l’article 66 de la loi de finances rectificative pour 2013. Le Conseil constitutionnel a relevé qu’en prévoyant selon que le détenteur des droits de diffusion des manifestations ou compétitions sportives soit établi en France ou à l’étranger, la taxe sur la cession de ces droits serait acquittée soit par celui qui les cède soit par celui qui les acquiert, le législateur a de ce fait instauré une inégalité de traitement méconnaissant ainsi le principe d’égalité devant les charges publiques. 

II- Un coup d’arrêt pour le sport amateur

Suite à l’obtention par Mediapro (montant : 780 millions) et par Bein Sport, Canal + et Free (total : 1,153 milliard d’euros) des lots de l’appel d’offres organisé par la ligue de football professionnel sur la période 2020-2024, le député de la majorité présidentielle Cédric Roussel réclame de ce fait le déplafonnement de la taxe. En effet pour l’année 2020, le montant de cette taxe s’élevait à 40 millions d’euros pour un rendement prévisionnel de 74,1 millions. Il obtient gain de cause car deux ans plus tard, le Parlement relève le plafond au montant estimé des recettes de ces droits télévisuels pour l’année 2021, ce qui donne 74,1 millions d’euros. Toutefois, dans la même période le cataclysme tant anticipé par certains économistes (cf. Thibaud Leplat) ou journalistes (Daniel Riolo) se produit : Mediapro est mis en demeure pour le non-paiement d’une partie des droits TV à la LFP. Cet évènement s’apparente à un véritable choc pour les présidents des clubs professionnels de la ligue 1 mais aussi pour le sport amateur

En effet, le produit de cette taxe est affecté à l’origine au fonds national de développement du sport (FNDS). Par la suite, le produit de la taxe sera affecté au central national pour le développement du sport (CNDS). L’objet du versement est de faciliter l’accès au sport pour tous.  Il apparait pertinent de rappeler que le football constitue le cœur névralgique du sport français et particulièrement pour le sport amateur, la forme du football français en termes purement financiers déteint sur celles des autres sports. 

La taxe buffet l’illustre parfaitement actuellement. 

L’accord conclu en février dernier avec Canal + (688 millions d’euros) pour la diffusion de la ligue 1 jusqu’à la fin de la saison 2020/2021 a fait drastiquement baisser les revenus attendus par la Ligue. Naturellement, l’écoulement sur le sport amateur a été impacté. En effet, l’Agence Nationale du sport et le monde du sport amateur va voir sa dotation se diviser par deux avec désormais 34,4 pour ces derniers contre les 74,1 millions susmentionnés. L’ANS va donc recevoir 5% conformément à la taxe buffet du nouveau montant des droits TV, plutôt que 5% de 1,153 milliards d’euros. 

III- Une dépendance à relativiser…

Toutefois, il faut nuancer les conséquences de cette baisse pour le sport amateur. En effet, le sport amateur n’est pas « perfusé » exclusivement par cette taxe et fort heureusement ! Son financement, le sport amateur le tient avant tout de ses adhérents. La part étatique dans le financement du sport amateur est assez faible par rapport aux ressources privées, aux aides des collectivités locales. Cependant, il apparait plus que nécessaire de repenser notre financement du sport amateur en France et cette sorte de télé-dépendance. D’autres formes de solidarité peuvent être crées dans le futur, des modalités d’abonnement de type streaming payant ou encore améliorer l’attractivité du championnat français de football ce qui devra passer obligatoirement par une refonte de la logique sportive des clubs français, de la formation des entraineurs. 

L’obtention des principaux lots de l’appel d’offre sur la période 2021-2024 par le géant américain Amazon possédant une solvabilité à ne pas faillir, apparait certes rassurer les présidents des clubs français mais ces derniers ne doivent pas se reposer sur cette possibilité. En effet, si l’attractivité du championnat baisse, il est naturel qu’Amazon, comme tout agent économique, pourrait se retirer par la suite. De plus, la période d’agitation concernant les lots restants avec une décision rendue par le tribunal de commerce de Nanterre autorisant provisoirement Canal à ne pas payer BeIn sport pour les deux matchs de L1 que la chaine qatarie lui permet d’exploiter. Une période d’incertitude financière s’annonce pour le football français et de ce fait également pour le sport amateur

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