La place et le rôle des juristes auprès des instances dirigeantes des sociétés

11 octobre 2021

La place et le rôle des juristes auprès des instances dirigeantes des sociétés

Dans l’imaginaire collectif, les dirigeants d’entreprises et ceux qui les entourent sont rarement des juristes, alors que les juristes les plus médiatisés exercent leurs talents au sein des barreaux ou de la magistrature, voire dans la vie intellectuelle… On a donc facilement l’impression que juristes et dirigeants d’entreprises évoluent dans deux mondes assez séparés l’un de l’autre. 

À titre de comparaison, d’autres pays montrent la voie d’une présence étoffée des juristes au sein des instances dirigeants. Aux États-Unis par exemple, il est fréquent que les patrons des grandes entreprises aient été formés dans les Law schools au sein des meilleures universités américaines (qui constituent un vivier majeur de l’élite économique américaine).

Aujourd’hui, le contexte a changé. L’économie est désormais de plus en plus dématérialisée avec le développement du secteur tertiaire et l’importance croissante des droits de propriété intellectuelle pour les entreprises. A cela s’ajoute des défis majeurs auxquels les entreprises sont confrontées, la montée des exigences de conformité (ou de compliance) fixées par les diverses autorités compétentes, l’aggravation des sanctions encourue en cas de problèmes graves constatés. Tout ceci renforce logiquement la place des juristes (A) et leur rôle auprès des instances dirigeantes des sociétés (B). 

A) La place des juristes auprès des instances dirigeantes des sociétés

Pour faciliter l’atteinte de leurs objectifs économiques, des travaux récents ont pu montrer que des entreprises mettent en œuvre des stratégies juridiques, c’est-à-dire des stratégies qui sont économiques et managériales par leur objet (création de valeur, etc.) et juridiques par les moyens spécifiques qu’elles mobilisent (instrumentalisation des procédures, optimisation des relations économiques par le droit des contrats, gestion juridique optimisée des risques, etc.)

Cette forme d’association des compétences juridiques, stratégiques et managériales peut être le résultat d’un travail collectif réalisé par un ou des juristes associés à un ou des stratèges. Elle peut aussi reposer sur une compétence juridico-stratégique possédée sur une même personne dès lors qu’elle est capable, d’une part d’en concevoir et de mettre en œuvre une stratégie et, d’autre part d’exploiter les techniques juridiques qui pourront jouer un rôle décisif dans le déploiement de ladite stratégie.

La forme la plus poussée de cette association des compétences d’un juriste avec les compétences managériales ou stratégiques correspond au cas extrême à la figure du « dirigeant-juriste ». Cette figureactualise dans cette perspective la problématique de l’association du pouvoir et du savoir. 

Dans certaines entreprises, l’équipe dirigeante se réunit au sein d’instances souvent appelées comités exécutifs (comex) ou comités de direction. La participation du directeur juridique au comex est plus naturelle lorsque cette instance réunit les principaux responsables de fonctions même si dans ce cas la place de ce juriste auprès des instances dirigeantes n’est pas systématique, notamment parce que la fonction juridique apparaît souvent dans ce cas comme une fonction support et donc secondaire par rapport aux fonctions jugées plus essentielles pour l’entreprise. 

Malgré cela, la fonction de directeur juridique peut être enrichie et celui-ci peut être, en outre, responsable de la stratégie, des ressources humaines, de la conformité, des affaires publiques, etc. Ce cumul de fonctions peut certes n’être qu’une mesure de rationalisation de l’organisation, mais elle témoigne de la confiance placée dans le juriste d’entreprise pour remplir une mission qui excède celle d’un expert dans un domaine particulier. 

Il arrive enfin, notamment dans les grandes entreprises, que les dirigeants soient entourés de conseillers qui leur sont directement rattachés. Ils portent alors des titres variables : conseiller spécial, chargé de mission… Ce type de poste peut être occupé par des juristes expérimentés, bons connaisseurs de l’entreprise ou de son environnement. Les dirigeants peuvent aussi bénéficier de la compétence juridique apportée par des conseillers externes. Ce rôle de « visiteurs du soir » ou de « confidents » est volontiers joué par des avocats expérimentés qui entretiennent des relations de confiance personnelles avec les dirigeants.

B) Le rôle des juristes auprès des instances dirigeantes des sociétés

On peut naturellement s’attendre à ce que les juristes apportent aux instances dirigeantes une expertise dans leur domaine de compétence. Mais les juristes sont aussi porteurs d’un état d’esprit et d’une image. Ils ont la réputation d’aborder les problèmes d’une certaine manière, d’avoir certains réflexes, d’être particulièrement sensibles à la légalité, aux procédures, aux formes, aux risques…

Les juristes adoptent dans la plupart des cas, une perspective défensive pour sécuriser les actifs et les processus de l’entreprise, pour veiller à la régularité des opérations, pour limiter les risques auxquels elle peut être exposée, pour défendre ses intérêts quand ceux-ci sont attaqués (jusqu’au contentieux dont ils sont les experts naturels). 

Par ailleurs, les juristes sont généralement moins attendus sur ce qui relève plus immédiatement de la stratégie. Si l’on prête aisément une pertinence stratégique au juriste, c’est surtout sur le terrain particulier de la stratégie contentieuse ou judiciaire. Il s’agit d’un aspect qui implique souvent les experts extérieurs de la procédure (avocats…), mais le choix des praticiens et le suivi des affaires par des juristes internes peuvent s’avérer décisifs pour identifier et mener à bien des « contentieux stratégiques ». Dans certains cas, le contentieux est même recherché, voire provoqué, afin d’atteindre des objectifs spécifiques. 

Dans un sens inverse, les juristes sont recherchés pour gérer les risques juridiques et prévenir des litiges. Ce genre de mission échoit assez souvent à un juriste d’entreprise sachant faire preuve d’habileté dans la négociation. Un juriste qui se doit d’être tout à la fois un expert du droit et à la fois un gestionnaire du risque juridique qui doit arriver à une solution de mise en conformité des activités de l’entreprise à la norme juridique, jouer le rôle de législateur interne par sa rédaction des contrats, d’actes juridiques et par sa gestion des procédures ou des contentieux en application de la norme juridique…etc.

CONCLUSION

Avec un champ d’activité transverse allant du contract management à la compliance en passant par la protection des données personnelles, et la maitrise de la réglementation qu’exige chaque secteur d’activité, le juriste d’entreprise peut s’inscrire au cœur de la stratégie de son organisation et se mobiliser plus activement auprès des instances dirigeantes des sociétés.

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