La mise en œuvre de la procédure judiciaire d’enquête fiscale suppose de prime abord le dépôt préalable d’une plainte de l’administration. Ensuite, trois conditions cumulatives doivent être réunies : l’existence de présomptions caractérisées de fraude fiscale, le recours par le contribuable à un des procédés de fraude et un risque d’épuisement des preuves. Des procédés de fraude sont susceptibles de faire l’objet d’une procédure judiciaire d’enquête fiscale.
I. Procédés de fraude susceptibles de faire l’objet d’une procédure judiciaire d’enquête fiscale
Les conditions d’ouverture de procédure judiciaire d’enquête pour fraude fiscale
Dans le cadre de la procédure judiciaire d’enquête fiscale, l’administration fiscale doit déposer une plainte concernant l’existence de présomptions caractérisées de fraude. Celle-ci est faite à l’encontre d’une personne physique ou morale, mises au jour à l’occasion d’une enquête, d’un contrôle ou encore d’une autre activité de gestion ou comptable.
L’administration dépose plainte uniquement pour des affaires où il existe des présomptions suffisantes de fraude pour justifier du dépôt de plainte.
Le dossier transmis aux fins d’enquête judiciaire doit donc établir que l’existence d’une fraude fiscale est probable. Cette dernière étant établie par la réunion d’éléments objectifs réunis par l’administration fiscale.
Les affaires de fraude fiscale susceptibles d’entrer dans le champ de la procédure judiciaire d’enquête fiscale recouvrent cinq situations limitativement énumérées par les 1° à 5° du II de l’article L. 228 du LPF.
Ainsi sont visées les fraudes résultant :
– soit de l’utilisation, aux fins de se soustraire à l’impôt de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ;
– soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établi à l’étranger ;
– soit de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ;
– soit d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
– soit de toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration.
La notion de risque de dépérissement des preuves
Cette dernière condition renvoie aux situations dans lesquelles il y a un risque d’altération ou de disparition des éléments matériels qui permettraient de caractériser la fraude fiscale. Ainsi, la mise en œuvre de moyens judiciaires d’investigation en complément des moyens administratifs classiques sera justifiée.
Le dossier transmis aux fins d’enquête judiciaire doit donc établir que, compte tenu des éléments objectifs qui ont été réunis par l’administration fiscale, l’existence d’une fraude fiscale est probable.
La compétence des agents de l’administration fiscale au sein des services d’enquête spécialisés dans la lutte contre la délinquance fiscale
Afin de permettre la mise en œuvre de la procédure judiciaire d’enquête fiscale, une brigade nationale de répression de la délinquance fiscale a été instituée au sein du ministère de l’intérieur par le décret n° 2010-1318 du 4 novembre 2010 portant création d’une brigade nationale de répression de la délinquance fiscale. De même, un service d’enquêtes judiciaires des finances a été créé au sein du ministère du budget par le décret n° 2019-460 du 16 mai 2019 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « service d’enquêtes judiciaires des finances ».
Ces services sont compétents pour rechercher et constater les infractions définies à l’article 28-2 du CPP.
La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale est composée d’officiers de police judiciaire et d’agents des services fiscaux spécialement désignés dans les conditions prévues au I de l’article 28-2 du CPP.
Le service d’enquêtes judiciaires des finances est composé d’officiers des douanes judiciaires et d’agents des services fiscaux spécialement désignés dans les conditions prévues au I de l’article précité.
II. Conséquences de la procédure judiciaire d’enquête fiscale sur la procédure de contrôle fiscal
La Prorogation du délai de reprise
Lorsque l’administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour fraude fiscale ; les omissions ou insuffisances d’imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent être réparées jusqu’à la fin de l’année qui suit la décision qui met fin à la procédure (même si celui-ci est écoulé). Elles pourront être réparées, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due (LPF, art. L. 188 B).
Ce délai spécial de reprise concerne l’ensemble des impositions dues par le contribuable au titre de la période visée par la plainte pour présomption de fraude fiscale déposée par l’administration et dont la prescription n’est pas acquise à la date du dépôt de plainte auprès du procureur de la République.
Par ailleurs, ce délai de reprise n’est pas limité aux seuls contribuables visés dans la plainte déposée. En tout état de cause, au-delà de la personne visée nominativement, cette plainte vise également toute autre personne dont la culpabilité, à titre d’auteur principal, de co-auteur ou de complice, viendrait à être établie dans le cadre de la procédure judiciaire.
Enfin, la circonstance qu’un délai spécial de reprise soit applicable ne fait pas obstacle à ce que l’administration fiscale fasse application d’un autre délai de reprise prorogé, dès lors que les conditions de sa mise en œuvre sont également remplies.
La dérogation à l’interdiction de procéder à de nouvelles rectifications ou de renouveler un contrôle fiscal
Lorsqu’elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d’un contribuable au regard de l’impôt sur le revenu, l’administration ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt. Sauf si le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts ou que l’administration n’ait dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l’article L. 16-0 BA du LPF, au titre d’une période postérieure (LPF, art. L. 50) (BOI-CF-PGR-30-30).
Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d’un impôt ou taxe ou d’un groupe d’impôts ou de taxes est achevée, l’administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période (LPF, art. L. 51) (BOI-CF-PGR-20-40).
Il est fait exception à ces règles dans les cas prévus à l’article L. 188 B du LPF, lorsque l’administration a déposé une plainte ayant abouti à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour fraude fiscale.
L’absence de limitation de la durée de contrôle sur place
La vérification sur place des livres et documents comptables ne peut, sous peine de nullité de l’imposition, s’étendre sur une durée supérieure à trois mois (BOI-CF-PGR-20-30) en ce qui concerne les contribuables dont le chiffre d’affaires ou le montant des recettes brutes hors taxes n’excède pas :
– les limites du régime prévu au I de l’article 302 septies A du CGI pour les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale ;
– la limite prévue au b du II de l’article 69 du CGI pour les entreprises agricoles (LPF, art. L. 52).
Cependant, l’expiration du délai de trois mois n’est pas opposable à l’administration lorsqu’à la date d’expiration de ce délai, une enquête judiciaire ou une information est ouverte par l’autorité judiciaire dans le cas mentionné à l’article L. 188 B du LPF est en cours.