La justification du préjudice d’anxiété par un salarié exposé à une substance toxique

18 novembre 2021

La justification du préjudice d’anxiété par un salarié exposé à une substance toxique

Dans plusieurs arrêts en date du 13 octobre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a été amenée à statuer sur des espèces permettant d’apprécier la réparation du préjudice d’anxiété du salarié (Cass. Soc. 13 oct. 2021, n° 20-16.584 ; 20-16.583 ; 20-16.593 ; 20-16.617).

I. Brève présentation de l’avènement prétorien du préjudice d’anxiété

L’on se souvient qu’en avril 2019 la Cour, par un revirement de jurisprudence, avait ouvert l’indemnisation du préjudice d’anxiété à l’ensemble des travailleurs exposé à l’amiante, en vertu de l’obligation de sécurité de l’employeur (Cass. ass. plén., 5 avr. 2019, n° 18-17.442).

Ainsi, les salariés bénéficiant du dispositif de préretraite amiante se voyaient appliquer la présomption d’exposition et de préjudice d’anxiété. Les autres salariés pouvaient obtenir réparation via le régime de droit commun de la preuve. Par effet de conséquence, l’employeur peut démontrer qu’il a pris les mesures de prévention nécessaires et suffisantes afin d’obtenir l’exonération de sa responsabilité.

Cette jurisprudence de la chambre plénière sera complétée en septembre 2019 par la chambre sociale. Cette dernière ouvrira la réparation du préjudice d’anxiété à tous les salariés exposés à des substances nocives. Désormais « en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, [tous salariés qui justifient] d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité » (Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 17-24.879)

Ces deux décisions mettent en exergue l’une des difficultés que peuvent rencontrer tant les juges, que les parties, qui est celle de la caractérisation, ou non, du préjudice d’anxiété. Les 4 arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 octobre 2021 permettent d’apporter quelques illustrations. 

II. L’évolution négative de l’état de santé du salarié 

Dans trois arrêts, la Cour de cassation infirme le raisonnement de la Cour d’appel qui considérait que des éléments personnels médicaux et circonstanciés permettaient en l’espèce de caractériser un préjudice d’anxiété. Les salariés avaient apporté au soutien de leur prétention des preuves d’ordre médical, à l’instar d’examens via scanner qui confirmaient une évolution négative de leur état de santé.

Ainsi, les examens médicaux révèlent pour chacun des salariés :

La Cour de cassation a considéré qu’au regard de ces éléments les salariés justifiaient d’une « inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à [une substance toxique ou nocive] avec le risque d’une pathologie particulièrement grave pouvant être la cause de [leur décès] ».

III. L’attestation d’exposition

Abrogé en 2012, l’article R. 4412-58 du Code du travail imposait que soit remis au salarié, lors de son départ de l’entreprise, une attestation d’exposition remplie par le médecin du travail et l’employeur, aux agents chimiques et dangereux.

Désormais, cette attestation est remplacée par une déclaration dématérialisée, faite par l’employeur, des facteurs de risques professionnels (C. trav. art. L 4163-1). Mais « le seul fait pour l’employeur d’avoir déclaré l’exposition d’un travailleur aux facteurs de risques professionnels […] ne saurait constituer une présomption de manquement à son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Ces dernières dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019.

Dans l’un des arrêts du 13 octobre 2021, la cour d’appel avait retenu l’attestation d’exposition au benzène, qui permettait au salarié de bénéficier d’un suivi médical post-exposition, pour caractériser le préjudice d’anxiété.

La Cour de cassation a censuré le raisonnement de la Cour d’appel et a considéré qu’une telle attestation ne pouvait, à elle seule, permettre d’établir le préjudice d’anxiété (Cass. Soc., 13 oct. 2021, n° 20-16.584 FS-B).

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