L’accord relatif à la juridiction unifiée du brevet instaure un nouveau cadre de règlement des litiges s’agissant des brevets en Europe. Depuis 2023, la juridiction unifiée du brevet, devenue la première juridiction supranationale compétente pour statuer sur ces litiges, remplace ainsi les tribunaux nationaux pour les brevets européens.
I. Une nouvelle structure
La juridiction unifiée du brevet est une juridiction supranationale qui est commune aux dix-huit États membres de l’Union Européenne ayant ratifié l’accord dont elle fait l’objet. Elle revêt une importance cruciale car elle dispose d’une compétence exclusive s’agissant des brevets européens dits classiques et des brevets européens à effet unitaire. Toutefois, cette compétence connaît des tempéraments, en particulier pendant la période transitoire de sept ans, car il est possible pendant celle-ci d’effectuer une dérogation selon laquelle seuls les tribunaux nationaux seront compétents pour statuer sur cette demande de brevet ou ce brevet. Elle traite des actions en contrefaçon, ce qui comprend les actions en déclaration de non-contrefaçon, les mesures provisoires de cessation de la contrefaçon, les ordonnances d’obtention et de conservation de la preuve ainsi que les interdictions et la détermination des réparations, comme les dommages et intérêts. Elle traite également des actions relatives à la validité des brevets européens, telles que les actions principales en nullité et les actions reconventionnelles en nullité, et des brevets à effet unitaire.
La structure de la juridiction unifiée du brevet est extrêmement complète car elle est composée d’un tribunal de première instance comprenant une division centrale à Paris, une section à Munich ainsi que diverses divisions locales et régionales, d’une cour d’appel et d’un greffe. Il existe aussi un centre de médiation et d’arbitrage en matière de brevet dont l’objectif principal est de favoriser les règlements à l’amiable. Quant aux juges de cette juridiction, ils viennent de toute l’Europe et présentent la spécificité de posséder des qualifications juridiques mais aussi, pour certains, des qualifications techniques permettant un meilleur règlement des litiges relatifs aux inventions. Lesdits juges sont également des spécialistes très expérimentés car ils doivent nécessairement posséder une expérience avérée dans le domaine du contentieux des brevets en vertu de l’article 15.1 de l’accord. Enfin, les juges de la juridiction unifiée des brevets doivent faire preuve d’indépendance dans l’exercice de leurs fonctions au sein de la juridiction.
II. Une protection cohérente et accessible
Selon l’OEB, la juridiction unifiée des brevets présente plusieurs apports principaux qui sont la création d’une procédure unique, un renforcement de la sécurité juridique et une harmonisation juridique. En effet, comme vu précédemment, la juridiction supranationale permet aux titulaires de brevets unitaires et de brevet européen de mettre en œuvre leurs brevets et aux tiers d’obtenir la révocation des brevets dans un grand nombre d’états membres de l’Union, de sorte qu’il n’est plus nécessaire d’engager plusieurs actions devant les tribunaux dans les différents pays. Désormais, on a donc une procédure unique ayant des effets dans tous les États membres signataires, ce qui permet aux titulaires de brevets de diminuer leur dépense juridique tout en défendant activement leur droit. En réalité, le coût total de la procédure devant la juridiction unifiée du brevet reste, malgré tout, plus élevé que celui d’une action en contrefaçon devant un tribunal français. Néanmoins, la fixation des frais de procédure est compréhensible car ils ont pour objet de couvrir l’intégralité des dépenses engendrées par la procédure, ils comprennent donc un montant fixe et un montant proportionnel à la valeur du litige. On considère que ça demeure tout de même plus économique que d’engager plusieurs procédures dans une multitude de pays et même d’intenter ne serait-ce qu’une seule procédure dans certains pays où les frais de justice sont extrêmement élevés. D’autant plus qu’il est important de souligner que, toujours dans un objectif de garantir un accès à la justice à moindre coût, il existe des aides en faveur des petites entreprises, des moyennes entreprises et des micro-entreprises telles que l’aide juridictionnelle. Finalement, la juridiction unifiée du brevet semble permettre aux justiciables d’obtenir une protection plus large, plus efficace et à un coût relativement moindre au regard du champ d’application de la décision rendue.
La création d’un système unifié de règlement des litiges pour les brevets européens participe également à promouvoir la cohérence de la jurisprudence et la sécurité juridique, dans la mesure où plus il y a de procédure engagée devant différentes juridictions, plus il y a de chance que lesdites juridictions rendent des solutions jurisprudentielles différentes. Cela permet ainsi d’obtenir une injonction définitive qui sera valable dans beaucoup d’états européens contre les éventuels contrefacteurs mais aussi des dommages et intérêts au titre de la réparation pour les actes de contrefaçon commis dans tous ces pays. Cela réduit aussi le risque du forum shopping puisque certaines juridictions étant connues pour rendre des solutions plus souples que d’autres, il était tout à fait envisageable que des justiciables intentent des procédures spécialement devant elles afin de profiter des failles du système.
On a donc une meilleure justice, en ce qu’elle est plus cohérente et plus effective, à un prix plus avantageux, mais ce qui constitue un atout représente aussi un risque dans la mesure où la juridiction unifiée du brevet augmente aussi la menace pour un titulaire de brevet de voir son brevet annulé simultanément dans tous les pays faisant partie de l’accord.