Imposition des sociétés exerçant une activité internationale

2 novembre 2021

imposition

Dans un contexte économique aussi mondialisé, nombreuses sont les entreprises françaises à s’implanter à l’étranger. Cette conquête des marchés internationaux n’est pas sans risque d’un point de vue fiscal, la France étant gouvernée par le principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés, pouvant mener à des situations de double imposition. 

LE PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ EN DROIT INTERNE 

DÉFINITION DU PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ 

En vertu de l’article 209 du Code Général des Impôts, le principe de territorialité implique que seuls sont passibles de l’impôt sur les sociétés français les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, exception faite des bénéfices dont l’imposition est attribuée à la France par une Convention Fiscale Internationale. Deux conditions se doivent ainsi d’être satisfaites pour considérer qu’un opérateur économique est effectivement soumis à l’impôt sur les sociétés français : l’entreprise doit être exploitée en France et, via cette structure, les bénéfices doivent être réalisés en France. 

La notion d’entreprise exploitée en France n’ayant pas été définie par le législateur, l’administration fiscale a dû faire œuvre créatrice et dégager trois critères alternatifs afin d’apprécier ce qu’elle recouvrait. Ces trois critères sont : l’établissement, le représentant et le cycle commercial complet

LES CRITÈRES D’APPLICATION 

L’établissement, au sens du droit fiscal français, s’entend d’une installation matérielle durable destinée à abriter la réalisation d’opérations économiques dans le but de générer des profits. Cela implique donc d’être en présence d’une unité de production ou d’échange, laquelle peut se manifester sous la forme d’une installation d’affaires, de locaux, ou de machines. Cette installation se doit d’être fixe en ce sens qu’elle forme un ensemble cohérent présentant un degré de permanence et étant apte à poursuivre certains buts économiques. Enfin, cette installation doit être autonome : ce qui suppose qu’elle dispose d’un personnel propre, de services commerciaux, financiers ou techniques propres… 

Le représentant, quant à lui, est un préposé d’une société étrangère qui agit en France pour le compte de cette dite société. La notion de préposé est importante dans la mesure où, pour être considéré comme un représentant, il faut que ce dernier puisse engager la société par les actes qu’il accomplit. 

Enfin, le cercle commercial complet désigne une série d’opérations dirigées vers un but déterminé, le tout formant un ensemble cohérent. Ce critère est, en pratique, très peu utilisé par l’administration fiscale. 

RISQUES LIÉS AU PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ

Le principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés étant considéré comme une exception française, la majorité des autres États appliquent le principe de mondialité. De ce fait, des situations de double imposition économique peuvent venir troubler les affaires de certaines sociétés. En effet, par opposition au principe de territorialité, le principe de mondialité implique que l’entreprise est passible de l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble de ses revenus, peu important l’État de la source de ces derniers. 

Ainsi, une société possédant la nationalité d’un État gouverné par le principe de mondialité qui s’implante en France par le biais d’un établissement au sens du droit fiscal français, peut à la fois être soumise à l’impôt sur les sociétés de son État d’origine au titre des bénéfices qu’elle réalisera en France, et à la fois être soumise à l’impôt sur les sociétés français au titre de ces mêmes bénéfices. 

Pour remédier à ces situations de double imposition économique, les États s’accordent entre eux pour signer des conventions fiscales bilatérales. Le modèle le plus utilisé demeurant celui proposé par l’OCDE, nous pencherons davantage notre étude sur ce dernier. 

CONDITIONS D’APPLICATION DU PRINCIPE DE TERRITORIALITÉ AU NIVEAU CONVENTIONNEL

EXIGENCE DE MÉTHODE

En présence d’une Convention Fiscale Internationale, il convient d’appliquer la célèbre méthode dégagée par le Conseil d’État dans son arrêt Schneider Electric. Pour rappel, selon l’article 55 de la Constitution, la règle de droit international prévaut toujours sur la loi interne. Cela confère donc une nature subsidiaire aux conventions fiscales internationales. Dès lors que nait une confrontation entre le droit interne d’un État et une telle convention, il est nécessaire de regarder dans un premier temps l’applicabilité du droit interne, puis de vérifier si l’applicabilité d’une convention fiscale internationale ne fait pas obstacle à cette application dudit droit interne. Toute confrontation entre le droit interne et une convention se résolvant in fine par l’application du principe de primauté de la convention. 

CRITÈRE D’APPLICATION DE LA CONVENTION OCDE : L’ÉTABLISSEMENT STABLE

La convention modèle OCDE retient le critère de l’établissement stable pour assujettir un contribuable à l’impôt sur les sociétés d’un État. Cette notion d’établissement stable renferme en son sein deux situations distinctes : l’établissement stable peut se manifester sous la forme d’une installation fixe d’affaires ou encore sous la forme d’un agent économique dépendant

Selon l’article 5 du modèle OCDE, l’établissement stable est une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. Contrairement au droit fiscal français, la condition de l’autonomie n’est aucunement requise.

A contrario, l’agent économique dépendant, comme son nom l’indique, est une personne dépendante de l’entreprise qu’il représente. Ce dernier peut conclure des contrats au nom de cette entreprise dans le cadre d’une activité qui génère des profits. L’arrêt du Conseil d’État dit Zimmer nous fournit un parfait exemple : en l’espèce, la Haute Juridiction rejette la qualification d’établissement stable pour un commissionnaire aux motifs que, au sens du Code de Commerce, le commissionnaire est une entité indépendante agissant en son nom et n’engageant pas son commettant vis à vis des tiers. 

La notion d’établissement stable joue un rôle important en fiscalité internationale. C’est celle-ci qui permet de déterminer si l’activité exercée par une entreprise dans un État, autre que son État de résidence, doit ou non être imposée dans cet État. Il s’agit d’une clé de répartition que certains tentent toutefois de faire rouiller en raison notamment du manque de clarté dans la définition même de la notion d’établissement stable. 

DIFFICULTÉS LIÉES AU CRITÈRE DE L’ÉTABLISSEMENT STABLE

La notion d’établissement stable reste peu précise. En effet, si la qualification d’établissement stable a été écartée d’un revers de manche par la Cour Administrative d’Appel et le Conseil d’État dans les arrêts Société Google Ireland et Zimmer, c’est avant tout en raison du flou entourant la question de l’appréciation des conditions de dépendance et de capacité d’engagement permettant de caractériser un tel établissement stable. En ce sens, dans l’affaire Google Ireland, la Cour Administrative d’Appel avait éliminé la qualification d’établissement stable à la filiale France de la célèbre entreprise du simple fait que les contrats signés par ladite filiale aient été pré-remplis et que les situations contractuelles avaient déjà été préparées en amont. Il en ressortait, selon les juges du fond, un défaut de capacité d’engagement. En somme, dans l’affaire Zimmer, le Conseil d’État s’était caché derrière la définition juridico-juridique du commissionnaire pour écarter la capacité d’engagement. 

C’est donc pour éviter que les entreprises étrangères se muent derrière ce brouillard juridique que le Conseil d’État est intervenu le 11 décembre 2020 au sein de l’affaire Conversant International Ltd. Pour la première fois, ce dernier s’est emparé des commentaires pertinents les plus récents de la Convention modèle OCDE pour apprécier ce que recouvraient réellement les notions de « capacité d’engagement » et de « dépendance ». 

Dorénavant, l’indépendance est examinée au travers de la liberté contractuelle. L’analyse est plus factuelle, l’économie générale du contrat est décortiquée. En parallèle, le Conseil d’État élargit les situations où peut être remplie la condition tenant à la capacité d’engagement en énonçant que « Une société française qui, de manière habituelle, même si elle ne conclut pas formellement les contrats au nom de la société étrangère, décide de transactions que cette dite société étrangère se borne à entériner et qui, ainsi entérinées, l’engagent ».

Cette évolution jurisprudentielle majeure permet ainsi à l’administration fiscale de se munir d’une nouvelle arme pour traquer les montages fiscaux frauduleux mis en place par les sociétés exerçant une activité internationale. L’analyse purement juridique laisse à présent la casuistique entrer en jeu. 

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