Entre quotidien bouleversé par la crise sanitaire et la révolution numérique, les portes des musées se retrouvent digitalisées. Ainsi, de nouvelles expériences culturelles se développent au travers du concept de musée virtuel. Accessibles via des plateformes technologiques, ces derniers proposent des visites et des expositions entièrement dématérialisées. Si ce nouveau mode de communication permet de briser les frontières, d’élargir son public et de démocratiser la culture, la numérisation des œuvres soulève d’éminentes questions relatives aux droits d’auteurs.
I. La protection des oeuvres par le droit d’auteur
Tout d’abord, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Les œuvres généralement conservées dans les musées (notamment les peintures, sculptures, dessins, œuvres de lithographies, œuvres d’arts appliqués…) sont considérées comme des œuvres de l’esprit. Toutefois, pour recevoir une telle qualification, l’œuvre doit, d’une part, répondre au critère d’originalité (c’est-à-dire témoigner de la personnalité de son auteur) et, d’autre part, être matérialisée par une forme perceptible.
Une fois ces critères satisfaits, la protection accordée à l’œuvre existe sans qu’aucune formalité de dépôt ne soit effectuée. Elle confère à l’auteur deux types de prérogatives :
- L’une d’ordre moral qui impose le respect de l’auteur et de l’intégrité de son œuvre ;
- L’autre, d’ordre patrimonial qui permet notamment de contrôler la fixation matérielle de l’œuvre sur un support (droit de reproduction) ainsi que la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque (droit de représentation).
Les attributs moraux sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles, à la différence des attributs patrimoniaux qui se prescrivent 70 ans après la mort de l’auteur. Ainsi, l’exploitation des œuvres protégées par un musée virtuel va être soumise au recueil du consentement de l’auteur. Des exceptions ont toutefois été prévues.
II. Le principe : le recueil du consentement préalable de l’auteur par le musée virtuel
La numérisation à laquelle le musée virtuel procède consiste à fixer l’œuvre sur un support multimédia afin qu’elle soit diffusée en ligne. Dès lors, celle-ci impacte directement le droit de reproduction et de représentation de l’auteur de l’œuvre. C’est pourquoi, à plusieurs reprises, la jurisprudence a considéré que « Toute reproduction par numérisation d’œuvres protégées par les droits d’auteur susceptibles d’être mises à la disposition de personnes connectées au réseau Internet doit être autorisée expressément par les titulaires de droits ». (TGI Nanterre, 23 janv. 2002, Rev. Lamy dr. aff. 2002, no 48, no 3081).
Peu importe que le musée virtuel détienne le support puisque l’article L.111-3 du Code de la propriété intellectuelle pose le principe selon lequel la propriété incorporelle du droit d’auteur reste indépendante de la propriété de l’objet matériel. Ainsi, avant de reproduire une œuvre de manière intégrale ou partielle par le processus de numérisation, le musée virtuel doit impérativement obtenir le consentement de l’auteur de l’œuvre en question. A défaut, cet acte sera analysé en reproduction illicite sanctionnée sur le fondement de la contrefaçon, punie de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende (art.L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
Cependant, il existe certaines situations où le consentement préalable de l’auteur n’est pas nécessaire.
III. Les exceptions au recueil du consentement préalable de l’auteur
L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle pose un certain nombre d’exceptions relatives à l’autorisation de l’auteur. A titre d’exemple, le musée virtuel sera dispensé d’obtenir le consentement de l’auteur si :
- L’œuvre est placée de façon permanente dans un lieu public. C’est notamment le cas du projet Google Street Art qui numérise les œuvres situées en pleine rue ;
- La reproduction est effectuée à des fins de conservation dans le cadre d’archives ;
- L’œuvre est tombée dans le domaine public (soit 70 ans après la mort de l’auteur) sous réserve du respect au droit moral ;
- L’œuvre est considérée comme orpheline, c’est-à-dire que l’auteur reste introuvable suite à une recherche diligente, avérée et sérieuse.
Enfin, il faut mentionner que pour bénéficier de ces exceptions, la loi DADVSI (Loi n° 2006-961 du 1 août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information) est venue poser l’exigence selon laquelle l’utilisation de l’œuvre ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et ne doit causer aucun préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.