Contrat d’image et contrat de travail : une articulation vraiment complexe ?

28 août 2021

Contrat d'image et contrat de travail : une articulation vraiment complexe ?

Le contentieux principal applicable aux contrats d’image est, comme un grand nombre de contentieux contractuels, basé sur la requalification juridique de la relation en contrat de travail. Aux termes de l’article L. 7123-3 du Code du travail, « tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail […] ».

En effet, l’articulation entre les contrats d’image et le contrat de travail peut être mince. Alors que le Code du sport précise expressément que la convention réalisée au titre de l’article L. 222-2-10-1 est bien distincte du contrat de travail, les contrats de nature individuelle peuvent parfois porter à confusion.

I. Les enjeux de la requalification

La requalification d’une convention en un contrat de travail implique certains enjeux qui peuvent se révéler conséquents et léser les parties qui ont souhaité réaliser une convention synallagmatique. Le principe est le suivant : une entreprise utilise l’image d’un sportif dans le cadre de la promotion d’un produit, d’un service ou de l’entreprise elle-même. Il peut s’agir de sa silhouette, de son nom et/ou de sa voix. Pour ce faire, les parties ont conclu une convention déterminant de manière exhaustive les supports utilisés, les produits ou services concernés, la manière d’en faire la promotion, la durée de mise à disposition du sportif, et le montant versé par l’entreprise au sportif. La convention peut prévoir des stipulations complémentaires. Cette convention peut présenter un intuitu personae garantissant au sportif une exclusivité de l’utilisation de son image au seul partenaire.

Les enjeux importants de la requalification se trouvent en ce que les sommes perçues au titre de la convention soient assujetties aux cotisations sociales au titre des articles L. 311-2 et L. 311-3 15° du Code de la sécurité sociale lorsque les juridictions considèrent que la prestation réalisée par le sportif est assimilable à du mannequinat soumis au régime du salariat. C’est notamment ce que maintien le Code du travail dans son article L. 7123-3, qui dispose que « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail ».

II. Une présomption de salariat ?

Les critères permettant aux juridictions de qualifier une relation de travail comme telle reposes sur 3 notions : l’existence d’un lien de subordination, l’exécution d’un travail et le versement d’une rémunération, en contrepartie.

Pour un contrat de travail dans le cadre de mannequinat supposé, la difficulté consiste à établir ce lien de subordination. En effet, le sportif jouit d’une certaine liberté et d’une autonomie dans son activité sportive. Ces critères sont les éléments recherchés dans le cadre de la requalification. En raison de sa notoriété, les parties peuvent se trouver sur un pied d’égalité ne pouvant réellement démontrer un lien de subordination de l’un par rapport à l’autre (CA Aix, 16 décembre 1996).

L’importance du sportif du point de vue de sa notoriété est prise en compte par les juges, ce qui n’est pas le cas dans le cadre des contrats de parrainage, la jurisprudence ayant souhaité écarter toute demande de requalification en contrat de travail dans ce contexte. La pratique constate que la présence du sponsor dans les activités sportives d’un athlète est limitée à un seul planning de promotion prédéterminé, ce qui est insuffisant pour qualifier l’existence d’un lien de subordination. Sur ce fondement de l’article L. 7123-3 du Code du travail, ainsi que sur la base de l’étroit lien relationnel entre les parties dans le cadre d’un contrat de cession d’image, l’URSSAF n’est pas indifférente à la requalification du contrat en contrat de travail. Cela lui permet ainsi de réintégrer les sommes versées au sportif dans l’assiette des cotisations sociales, malgré les décisions de la jurisprudence.

Les juges ont pris l’habitude de se baser sur 2 notions : la vérification de la qualification réelle d’activité de mannequinat par le sportif ayant cédé son image à l’entreprise exploitante, puis, en cas de réponse positive, l’appréciation des autres conditions de présomption de salariat. La doctrine considère que le régime du mannequinat ne devrait pas s’appliquer au sportif qui réalise cette exploitation, notamment en raison de la nature de ses activités sportives, fortement distinctes au mannequinat, et en raison des moyens de preuves produits permettant « d’évincer le jeu de la présomption du contrat de travail ».

L’activité de mannequinat est directement définie par l’article L. 7123-2 du Code du travail : « Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :

1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;

2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image. »

En soit, tout porte à croire que la simple action de lier son image, son patronyme ou sa voix, de manière habituelle ou occasionnelle est constitutive d’une activité de mannequinat aux yeux de la loi.

Ainsi, peut-on appliquer la définition de mannequin au sportif ?

Se pose alors la question de l’applicabilité de la définition de mannequin au sportif ayant conclu ce type de convention, notamment par rapport à la souplesse de cette définition. La jurisprudence a eu peu d’occasions de se prononcer sur ce sujet, mais elle a pourtant choisi, par l’ensemble des décisions rendues, d’assimiler les deux activités.

L’un des arrêts les plus marquants en la matière est celui de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 25 avril 2013, précédemment citée, opposant Johnny Hallyday et la société de gestion de son image à l’URSSAF, qui a décidé de réintégrer la rémunération forfaitaire perçue par l’artiste dans l’assiette de cotisations sociales. Alors que les juges du fond n’avaient pas considéré que l’activité consistant à apposer l’image, le nom et la signature du chanteur sur des produits de café consistait en une activité de mannequinat, la Cour de cassation a, elle, jugé bon d’infirmer ces décisions. Le chanteur, en cédant l’exploitation de sa photographie, aurait réalisé une présentation indirecte d’un produit de la société, ce qui a été confirmé par la Cour d’appel de Caen.

Cette décision pouvant être applicable à un sportif, on peut en déduire que la simple présentation publique de son image dans le cadre de la promotion, de manière directe ou indirecte, d’un produit, d’un service ou d’une entreprise expose ce dernier à un risque de requalification de la relation en contrat de mannequinat, et donc, au sens du Code du travail, en contrat de travail. La doctrine émet un doute sur cette qualification, au sens où un sportif, en principe, n’effectue pas d’actes positifs de promotion d’un produit, mais octroie plutôt généralement une autorisation d’utiliser son image par l’entreprise qui utilise sa notoriété pour accroitre ses ventes.

III. Conclusion 

Par conséquent, les contrats d’images sont en principe à dissocier d’une quelconque relation de travail assimilable à du mannequinat. Néanmoins, seule une interprétation stricte de la loi par les juges pourra mettre un terme à un régime de requalification. 

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