Contrat de vente en ligne et transfert des risques : colis perdu ou endommagé, quelles solutions ?

8 avril 2021

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Selon la FEVAD, « avec un chiffre daffaires cumulé de 77,9 milliards d’euros sur les 9 premiers mois, les ventes de produits et de services sur internet ont progressé de 5% par rapport à la même période de l’année 2019 ». Effectivement, la crise sanitaire mondiale de la Covid-19 et ses contraintes ont contribué à l’essor du e-commerce. Face à une demande croissante des consommateurs trouvant un réel avantage à effectuer leurs achats en ligne, les entreprises et futurs entrepreneurs envisagent de plus en plus à démarrer ou développer leur activité en ligne, multipliant l’offre. 

Néanmoins, la pratique croissante du e commerce, dématérialisant les échanges commerciaux ne présente pas que des avantages. 

Le régime juridique du contrat de vente en ligne 

Bien que pratique pour le consommateur, les problèmes et risques liés à la livraison se multiplient. En effet, ces problèmes peuvent positionner l’acheteur comme le vendeur dans une situation délicate. La perte ou l’endommagement du colis par le transporteur est une hypothèse à envisager. 

Cette problématique renvoie directement à la question du transfert des risques, moment clef de l’exécution du contrat de vente en ligne, représentant l’instant où les risques de perte ou d’endommagement du bien pèseront sur l’acheteur. Comprendre quand le transfert des risques s’opère, c’est comprendre qui sera responsable en cas de dommage et être en mesure de faire valoir ses droits. 

Le contrat de vente est défini par le Code civil à l’article 1582 du Code civil comme étant une “convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer“. Ainsi, même dématérialisée, la vente en ligne reste en principe, un contrat soumis au droit commun. 

Cependant, lorsque le contrat est conclu entre un acheteur (consommateur) et un vendeur (professionnel), le contrat de vente en ligne est soumis en particulier à un régime spécial, celui du Code de la consommation. Ainsi, en vertu de l’article 1105 du Code civil, quand une règle spéciale édictée dans le Code de la consommation se trouve en conflit avec une règle du droit commun, la règle spéciale l’emporte. Néanmoins, sont exclus de ce régime : les contrats de vente en ligne conclus entre professionnels (B to B) et entre particuliers (C to C). 

En somme, le contrat de vente en ligne conclu entre un acheteur et un vendeur dispose d’un régime davantage sécuritaire, édicté aux articles L.221-1 et suivant du Code de la consommation. Ainsi, le régime inhérent au transfert des risques du Code de la consommation déroge à celui du droit commun. Cette dérogation a été évidemment pensée dans un soucis de protection du consommateur face au vendeur professionnel, dérogation dont il est important d’en connaitre les intérêts.

Colis perdu  : que faire ? 

Les problèmes récurrents de perte de colis dans le cadre d’un contrat de vente en ligne proviennent du transporteur ayant pris en charge la livraison du colis : du vendeur professionnel vers l’acheteur. consommateur. C’est précisément dans cette situation qu’il est important de souligner à quel moment intervient le transfert des risques. Cela permettra de savoir qui est responsable dans cette situation redoutée par tout consommateur et vendeur en ligne. 

En effet, en droit commun, le transfert de propriété emporte transfert des risques. En d’autres termes, le transfert des risques s’opère en principe au jour de la conclusion du contrat. Si le droit commun s’appliquait dans cette situation, les risques de la perte de la chose reposeraient sur l’acheteur consommateur dès la conclusion du contrat de vente en ligne, avant même que ce dernier ne reçoive son colis. C’est pourquoi des dispositions spécifiques à ce sujet sont applicables en droit de la consommation. 

Ainsi, selon l’article L216-4 du Code de la consommation, le transfert des risques s’opère indifféremment du transfert de propriété mais “au moment où ce dernier (…), prend physiquement possession de ces biens“. Autrement dit, les risques de la perte de la chose reposent sur le vendeur professionnel tant que l’acheteur consommateur n’a pas pris physiquement possession du colis. Cette règle est d’ordre public, c’est à dire qu’aucune stipulation contractuelle contraire ne permet d’y déroger. Attention, l’application de l’article L216-4 ne vaut que dans l’hypothèse où le vendeur choisit lui même son transporteur. Ainsi, lorsque le consommateur décide de choisir un transporteur différent que celui proposé par le vendeur, l’article L216-5 du Code de la consommation précise que le transfert des risques s’opère par la remise du bien au transporteur.

Récemment, la Cour de cassation a pris le soin de rappeler le moment où s’opère le transfert des risques dans une vente en ligne. La Haute juridiction précise que tant que l’acheteur n’a pas pris physiquement possession des biens achetés sur Internet, le vendeur demeure responsable. De plus, l’indemnisation forfaitaire par le transporteur de la perte du colis ne dégage pas le vendeur de sa responsabilité. (Cass. 1ère civ., 3 févr. 2021, n°19-21-046). 

Il appartient donc au vendeur professionnel de rembourser l’acheteur consommateur du colis perdu ou d’envoyer à nouveau l’objet commandé. Le cas échéant, l’acheteur consommateur dont le colis a été perdu pourra engager la responsabilité contractuelle du vendeur professionnel pour manquement à ses obligations contractuelles et obtenir des dommages interêts.

De surcroit, le transporteur ne peut être considéré comme un tiers au contrat, de sorte que le vendeur ne pourra s’exonérer de sa responsabilité contractuelle en cas de perte ou de détérioration de la chose en démontrant le fait de ce tiers. (Cass. 1re civ., 13 nov. 2008, n° 07-14.856).

Colis endommagé : que faire ? 

Le transfert des risques ne s’opérant qu’à partir du moment où l’acheteur consommateur a pris physiquement possession du colis, celui ci peut refuser d’en prendre possession s’il s’avère endommagé. 

Pour ce faire, l’acheteur consommateur peut ne pas signer le bon de livraison et refuser la marchandise. Il est ensuite possible de mettre en demeure le vendeur par lettre recommandée de livrer un produit non endommagé. Les frais de retour et d’envoi devant rester à la charge du professionnel. 

En effet, le vendeur professionnel n’est pas simplement lié à une obligation de délivrance (supposant le dépôt du colis jusqu’au transporteur) mais d’une obligation de livraison (supposant la remise du colis dans les mains de l’acheteur). En conséquence, si le colis a été endommagé par le transporteur choisi par le vendeur, c’est à lui de se retourner contre ce dernier.

En définitive, le contrat de vente en ligne peut positionner l’acheteur consommateur dans une situation délicate lorsque des problèmes inhérents à la livraison de son colis surviennent. Néanmoins, celui-ci dispose davantage de droits issus du Code de la consommation qu’il est indispensable de connaitre pour les revendiquer. En payant pour un service, chacun a le droit à ce que ce dernier soit exécuté correctement. 

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